Dans le Dictionnaire culturel de langue
française, la définition du terme femme dérive de la racine indo-européenne «
dhê » qui signifie sucer, téter à laquelle se rattache fellarer, « sucer » et
fécundus, fécond. La femme est donc définie comme étant cette femelle qui
allaite, cet être humain capable de concevoir les enfants. Elle est essentiellement
renvoyée à un corps capable d’engendrer. On retrouve cette même idée dans de
nombreux textes, comme par exemple dans celui de J.
Milton qui dans Le paradis perdu écrit :
« O pourquoi Dieu créateur sage qui peupla les plus hauts cieux d’esprits
mâles, créa-t-il cette nouveauté sur la terre, ce beau défaut de la nature ?
Pourquoi n’a-t-il pas tout d’un coup
rempli le monde d’hommes comme il a rempli le ciel d’anges sans femmes ?
Pourquoi n’a-t-il pas trouvé une autre
voie de perpétuer l’espèce humaine ?
Ce malheur ni tous ceux qui suivront ne
seraient pas arrivés (...) ».
Dans ce texte, la femme est un défaut de
la nature, alors que l’homme est considéré en termes d’esprit. On retrouve une
approche similaire dans le Talmud : « la femme est une glaise qui ne se donne
qu’à l’homme capable de lui sculpter une forme ». Là encore, la matière fait
référence à l’être féminin, et la forme à l’être masculin.
Ces écrits ne parlent pas de la laideur,
mais ils marquent une distinction importante, la femme n’est qu’un
corps-matière dont la fonction est de perpétuer l’espèce. Toutefois, si on considère que la matière a souvent symbolisé la
laideur, n’y aurait-il pas un lien possible entre le féminin et la laideur ?
Plotin dans la Deuxième Ennéade,
consigne que « la matière parce qu’elle n’a pas de forme, est le contraire de
la beauté, la véritable laideur ». Il précise au § 16 que « la matière est
pauvreté (pénia) non pas en richesse ou en force mais en sagesse, en vertu, en
beauté, en forme, en figure (eidos) en qualité. Comment en de telles conditions
ne serait-elle pas difforme ; absolument laide (panté aischron) ; comment ne
serait-elle pas absolument mauvaise (panté kakon) ? ». Or si on considère avec
Stanislas Breton que « le langage de la matière, indissociable de la forme qui
en est le complément obligé, renvoie (…) à l’opposition du féminin et du
masculin(…) », de ce fait, cette opposition entre matière et forme, beauté et
laideur, masculin et féminin ne peut être insignifiante. D’ailleurs Aristote le
confirme, la laideur est associée à la matière, et la matière à l’être féminin,
alors que la forme, condition de possibilité de la beauté est associée à l’être
masculin. Il écrit dans la Physique : « le sujet du désir c’est la matière
comme une femelle désire un mâle et le laid le beau, sauf qu’elle n’est pas
laide en-soi mais par accident » .
Ce texte relie la matière, la femelle ou
femme et la laideur. Même si cette dernière est pensée en termes d’accident,
une association est faite entre le féminin et la laideur, alors qu’inversement
le mâle ou l’homme est pensé en termes de beauté.
Plus explicitement Aristote écrit dans Générations des animaux : « La
cause qui donne le mouvement initial étant de sa nature meilleure et plus
divine que la matière, puisque c’est dans cette cause que se trouvent l’essence
de l’être et de son espèce, il vaut mieux aussi que le meilleur soit séparé du
moins bon. Voilà comment, partout où la séparation est possible, le mâle est
séparé de la femelle car le principe du mouvement, qui est le mâle dans tous
les êtres qui naissent, est meilleur et plus divin ; la femelle n'est que le principe
qui représente la matière ».
Si la matière est déterminée comme étant
inférieure à la forme, il spécifie même qu’il y a monstruosité quand « l’être
produit est une femelle », monstruosité car la femme est un être déformé, «
mutilé ».
Déformation et mutilation ne sont pas
entendues en termes de laideur physique mais en termes de laideur constitutive
de l’être. De plus, l’être est également inférieur partout où le principe
féminin l’emporte sur la génération notamment quand un enfant de sexe masculin
ressemble plus à sa mère qu’à son père. En ce sens, mutilation, déformation,
monstruosité sont pour Aristote une prédominance du facteur matériel sur le
facteur formel. Or si la matière est assimilée à l’informe, à la mutilation, à
la déformation donc à l’être même de la laideur et la forme à ce qui structure
et ordonne, donc à l’être même de la
beauté, le féminin ne peut pas ne pas être associé à la laideur, et le masculin
à la beauté. Ainsi donc si « c’est de l’homme, selon Aristote, que vient la
forme, c'est-à-dire les caractéristiques essentielles de l’individu, le corps
féminin, la matière, offre toujours de la résistance, et lorsque celle-ci est
importante l’être vivant présente des malformations, voire des difformités qui
en font un monstre.
Le monstre est celui que l’on montre du
doigt parce qu’il est un mélange de ce qu’il aurait dû être et des éléments qui
n’appartiennent pas à son concept. Dans cette perspective la femme apparaît
comme responsable, comme la source de toute monstruosité. Or, la monstruosité
c’est le désordre, c'est-à-dire le non-respect de l’ordre biologique naturel ».
Ne serait-ce pas dire alors que matière, monstruosité, désordre traduisent la laideur
ontologique de la femme, non seulement en tant qu’être, mais aussi dans les êtres
auxquels elle donne naissance quand ils lui ressemblent ?
On pourra d’ailleurs lire cette même
approche chez Saint Thomas, pour qui la femme est un mâle déficient, un homme
raté. « Considérée comme causée par la natura particularis (c.-à-d. l’action du
sperme mâle), une femme est un être déficient et dont la naissance a été
provoquée sans le vouloir (…) ». La femme est pensée dans cette perspective non
seulement en termes de défaut d’être, mais en termes d’accident. Il poursuit
son analyse en précisant que, « la puissance active du sperme cherche toujours
à produire quelque chose de totalement semblable à lui-même, qui soit mâle.
Ainsi donc, si une femme en résulte, cela est dû à une faiblesse du sperme ou
parce que la matière (fournie par le parent féminin) ne convient pas (…) ».
Dans cette première approche la
différenciation de l’être féminin et
masculin n’est pas séparable de la distinction de l’un pensé avant tout en
terme de corps, et de l’autre en terme d’esprit. D’autre part, l’un renvoie à
un moindre être, à un être déficient donc à ce qui caractérise une laideur
ontologique, et l’autre à un être structuré, supérieur donc à une beauté
ontologique. Cette analyse semble se confirmer d’ailleurs si on considère la
conception qui a été donnée de la femme du point de vue physiologique.
Extrait
de L’Etre féminin ou le fondement ontologique de la laideur.
Par
Claudine Sagaert
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