La première femme fut « la fille
curieuse » de Dieu. Même si, comme le dit un vieil adage : « la curiosité est
un vilain défaut », elle a pour avantage d’avoir permis la propagation de
l’espèce et le rachat des péchés. Ainsi la Fille donna naissance à la figure de
la Mère. La maternité serait, pour certains, la « nécessité » du fléau-femme.
L’étude de ce statut nous permettra de comparer en miroir l’image de la
Mère/Epouse, oscillant entre immaculée et toute puissante. Nous reviendrons
dans un premier temps sur l’image de la femme forte et respectée dans les
mythes grecs, puis nous en étudierons le versant chrétien.
Gaïa est née après Chaos. Elle engendra
sans mâle son fils Ouranos, les montagnes et l’océan. Très vite, la Terre,
réserve inépuisable de fécondité, devint Mère-universelle et mère des Dieux.
Avec Ouranos, elle enfanta les Titans, les Titanides, les cyclopes et les
hercatonchires. Comme Ouranos restait couché sur elle et l’empêchait
d’accoucher, elle donna une faucille à l’un de ses fils. C’est ainsi que
Chronos trancha les testicules de son frère/père, ce qui eut pour conséquence
la naissance d’Aphrodite. Hésiode définit Gaïa, dans ses Théogonies, comme
étant la Terre aux larges flancs, assise sûre à jamais offerte à tous les
vivants49. Elle reste un élément primordial d’où naquirent les races divines.
Ses fils et filles étaient terribles et
Ouranos les avait en haine. Il les enfonçait dans les profondeurs de leur
génitrice. De son union avec Pontos (un de ses enfants), naquirent les
divinités marines. Pour les grecs tout ce qui sort de Gaïa ne peut être que
monstrueux.
Héra est aussi une Mère/ Epouse
représentative dans la mythologie gréco-romaine. Fille de Chronos et de Rhéa,
elle est la sœur et l’épouse de Jupiter. Protectrice des mariages, les poètes
antiques l’ont décrite comme violente, jalouse et irascible. Elle est
impitoyable avec ceux qu’elle persécute. Elle est davantage considérée comme
une puissance royale que comme une figure de la maternité. Elle conçut seule et
dans la haine ses enfants. Typhon fut engendré dans le seul but de détrôner son
père.
Venue des mythes préhistoriques, Lilith
apparaît dans la Kabbale approximativement vers le IIIème siècle après J.C.
Dans la Genèse, elle fut remplacée par Eve, née de la côte d'Adam pour assurer
sa docilité. Considérée comme un(e) démon(e) ou fée malfaisante, cette
femme-serpent (dans certaines traductions, Lilith est appelée sirène ou
femme-oiseau) aurait été reprise par la religion juive au temps de Babylone.
C'est une maîtresse-femme. Ses attributs sont le miroir et le peigne ainsi que
la jarre remplie d'eau. Sa sexualité est la principale cause de sa séparation
d’Adam. Elle refuse les grossesses, fornique avec les incubes, refuse de se
retrouver en position inférieure pendant l'acte d'amour. Pour finir, elle se
rebelle contre Adam qui demanda son bannissement du Jardin d'Eden. Chassée de
l'Humanité, elle devient l'épouse de Lucifer ou Yetser Ara (mauvais esprit pour
les juifs).
Devenue Grande Maîtresse des démons,
elle hante et tourmente les jeunes gens afin de les conduire à la dépravation.
Bien que traditionnellement décrite comme ayant une peau d'ébène, les peintres
la représentèrent souvent avec le teint clair, les yeux bleus et les cheveux
roux comme Eve « la claire ». Elle incarne la haine dans le couple et dévore
ses nouveaux nés. Jalouse, car devenue stérile par punition divine, elle
poussera Lucifer à pervertir Eve sa rivale sous la forme du serpent. Révoltée,
elle est l'archétype de la femme fatale et représente le matriarcat. C’est une
puissance féminine proche d’Héra par sa cruauté, rusée comme Athéna, mais
possède la beauté ensorcelante de Vénus.
Extrait de l’Essai : Relecture des
multiples facettes du féminin sacré et profane par Marilyn RENERIC-CHAUVIN
École Doctorale Montaigne Humanités
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire