Nous consacrons des fortunes à l'achat de produits de soins et de beauté censés nous rendre éternellement belles (ou beaux) et séduisant(e)s. Hélène Baron et Tiphaine Chagnoux jettent un pavé dans le pot de crème : ces produits trichent, disent-elles, et sont souvent nocifs ! À la place, elles ont adopté une méthode très différente, à tout petits pas.
Le monde des produits de beauté et des cosmétiques
a toujours eu une place de choix dans les cultures humaines, même en temps de
crise ou de guerre. À notre époque, c'est devenu un enjeu économique colossal,
qui nous manipule dans une large mesure, via la publicité la plus luxueuse du
monde, mais aussi parfois la plus menteuse, puisqu'elle nous promet grosso modo
l'élixir d'éternelle jeunesse ! Hélène Baron et Tiphaine Chagnoux ont opté pour
une autre démarche, qui consiste à fabriquer leurs produits de soin et de
beauté elles-mêmes.
Au début de leur charmant petit guide, Cosmétiques
naturels - Conseils et recettes plaisir pour préserver sa santé au quotidien (éd.
Sully), le lecteur, qui est surtout une lectrice, a un moment de recul : faire
ses propres produits ne représente-t-il pas un travail énorme ?
Et n'aboutit-on pas, en fait, à des catastrophes ?
Il se passe alors quelque chose d'étonnant : ce livre vous prend par la main et
commence par vous emmener faire le marché - éventuellement sur le web, pour
certains produits, mais il est important de sentir les odeurs des huiles, des
essences, des poudres, des argiles, des fleurs, des miels... Puis vous rentrez chez
vous et une réelle envie vous prend d'essayer. Un peu comme si vous aviez
toujours été nourrie de plats en conserve et que l'on vous proposait soudain de
vous mettre aux fourneaux ! Une euphorie s'annonce : des laits pour le corps
aux lotions pour les cheveux, des infusions pour bain aux gels pour visage, en
passant par d'invraisemblables dentifrices à l'argile, vous aimeriez tout
essayer. Heureusement, les auteurs vous mettent en garde : pas de
précipitation. La sensualité est fille d'un mouvement très lent. Une belle
adaptation aux temps à venir.
Nouvelles Clés : D'après
la page de garde, Hélène Baron a écrit la partie critique de votre livre, où
elle démonte impitoyablement le système industrialo-médiatique des cosmétiques
qui, selon elle, nous manipule et nous empoisonne. Et vous, plus cool, vous
avez rédigé la partie pratique, celle, pardonnez-moi, qui nous intéresse le
plus ! On n'achète pas un tel livre pour son idéologie, mais plutôt pour ses
conseils efficaces.
Tiphaine Chagnoux : Vous savez, j'aurais été beaucoup plus critique
qu'Hélène ! Il valait donc mieux, en effet, qu'on me laisse aux fourneaux.
Concernant l'idéologie, deux formidables livres de mise à nu de l'économie des
cosmétiques sont déjà parus, qui disent mieux que nous pourquoi il faut
désormais réagir. Le premier s'intitule La Vérité sur les cosmétiques , rédigé
par une Allemande, Rita Stienf (éd. Leduc.S). Un vrai pavé dans les crèmes et
les onguents, paru en 2001 ! À la suite de quoi, l'émission "Envoyé
Spécial" a diffusé un reportage et les Français ont commencé à s'alerter.
Un second livre, de Laurence Wittner, est sorti peu après, avec la même
intention de décoder les ingrédients, de vérifier ce que les industriels
mettent dans les cosmétiques, etc. Ce travail a été très bien fait. Même des néophytes réussissent à le lire : Cosmétiques : Mode d'emploi,
éd. Leduc.S.
Nous, ce qui nous a intéressées, c'est de proposer d'acheter
différemment, par exemple en magasin bio, ou encore de fabriquer soi-même ses
produits à la maison. Hélène m'a donc demandé de l'aider, sachant que je mets
ça en pratique depuis un certain temps. Par pur plaisir. Pour moi, c'est un
hobby.
N.C. : Restons
quelques secondes sur la partie critique : décrypter les étiquettes des
cosmétiques est une vraie galère, les industriels s'arrangeant toujours pour
imprimer ça en tout petit et surtout dans un jargon incompréhensible.
T.C. : En
France, la loi obligeant les industriels à livrer la composition de leurs
produits ne date que de 1998. Cela dit, c'est rédigé dans une nomenclature
codée (l'INCI), qu'un consommateur moyen ne peut quasiment pas comprendre. Avec
carrément des pièges. Sur notre forum, beaucoup de gens nous demandent par
exemple ce que veut dire « castor oil » : en fait, aucun rapport avec les
castors ; en anglais, c'est le nom de l'huile de ricin. Il y a donc une opacité
complète pour les consommateurs. Un autre problème vient de ce que seuls les
ingrédients dont la présence égale ou dépasse 1% qui sont mentionnés. Ceux qui
ne figurent qu'à doses infimes ne figurent pas sur la liste. Or ils peuvent
très bien être toxiques, même très dilués.
N.C. : Pour
en finir avec la critique, en dehors des statistiques, qui nous disent que de
plus en plus de gens souffrent des effets secondaires de leurs cosmétiques,
connaissez-vous personnellement des femmes ou des hommes qui s'en sont plaints
auprès de vous ?
T.C. : J'ai
personnellement la peau sensible et c'est la raison pour laquelle je suis
passée aux cosmétiques naturels. 20% des consultations en dermatologie dans les
CHU sont liées à l'utilisation de produits d'hygiène et de cosmétiques. Le
problème c'est que, très souvent, on ne se rend pas compte que ces produits
sont nocifs. Je prends l'exemple des cheveux. J'ai eu les cheveux longs très
longtemps et un shampoing ne me suffisait jamais, il fallait forcément un
après-shampoing pour les démêler. Depuis que j'utilise des shampoings corrects,
je n'ai plus besoin de démêlants ou d'après-shampoing. Les cosmétiques actuels
nécessitent de plus en plus l'usage d'autres cosmétiques - simplement parce que
la base d'un shampoing tel que vous pouvez en trouver dans un supermarché est
la même que celle d'un détergent pour moquette. C'est donc quelque chose
d'assez agressif et pour reconstituer un fil protecteur, on est obligé
d'utiliser un produit supplémentaire.
Un des paradoxes sur lequel nous sommes tombées, c'est que
moins on en fait pour la peau, et mieux elle se porte ! Et un simple savon de
Marseille peut très bien suffire pour se laver.
N.C. : Ma
fille de 16 ans ne serait pas d'accord : elle m'a expliqué que les savons de
Marseille que j'avais fièrement rapportés de voyage desséchaient
horriblement... Cela dit, elle aussi est victime de la pub !
T.C. : On
vend du rêve, avec un talent extraordinaire. J'en ai beaucoup parlé avec mes
cousines qui ont entre 14 et 20 ans. Il y a savon et savons. Contrairement à
ceux des savonniers traditionnels, les savons du commerce sont expurgés d'une
partie de leur glycérine et donc assez irritants pour la peau. Quand on les
fait à la maison, on n'enlève rien et ça change tout. De plus, les huiles
varient énormément. Le vrai savon de Marseille se fait à l'huile d'olive, alors
qu'aujourd'hui, certains reposent sur des graisses animales.
N.C. : Passons
à la partie positive de votre guide. Au début, on risque d'être pris de vertige
à l'idée de changer aussi radicalement de style de vie. Ce n'est pas rien,
d'arrêter d'aller s'approvisionner à la parfumerie en produits luxueux et
sophistiqués, pour les remplacer par des produits de base, achetés à l'épicerie
bio !!!
T.C. : Je
suis passée par là et c'est pourquoi notre livre repose sur une politique des
petits pas. Impossible de tout changer du jour au lendemain. Pour changer des
habitudes ancrées en nous depuis l'enfance et réinjectées à longueur d'années
par la publicité, il y a en fait qu'un moyen : y aller très très
progressivement. On va commencer par remplacer un ou deux produits. Au début,
on n'est même pas obligée de les fabriquer, on peut les acheter tout faits dans
un magasin bio : par exemple remplacer son gel douche par un savon. On
commencer par quelques gestes. D'abord acheter différemment. Quant à la
fabrication, j'ai essayé de la limiter à des produits assez simples. Prenez le
gommage à l'amande : plutôt que d'aller acheter un tube de gommage dans une
grande surface, on prend un peu de poudre d'amande, on rajoute un peu d'eau, un
peu de lait et ça fait un gommage excellent.
N.C. : C'est
drôle, je viens de recevoir un excellent livre sur la "technique des
petits pas", que les Américains ont enseignée aux Japonais après 1945...
T.C. : Je
trouve que c'est le seul moyen... Je l'ai expérimenté dans un autre domaine, le
végétarisme. Aujourd'hui, je suis végétarienne, mais ça m'a pris du temps. On ne
peut pas passer du jour au lendemain d'un régime omnivore à un régime
végétarien. Certains tentent ce grand saut, mais c'est très dur. Et beaucoup
reviennent brutalement en arrière. Alors qu'à petits pas, on commence par ne
plus acheter de viande, mais on continue au restaurant ou chez des amis. Ou
bien on supprime uniquement la viande rouge. Il est important de se donner le
temps. Il y a tellement de décalage entre l'intellect (« Il faut que je le
fasse ! ») et la réalité.
N.C. : Votre
livre correspond à ça. Vous prenez le lecteur par la main et vous lui donnez
envie, par les odeurs... Il y a finalement quelque chose de plus sensuel à le
faire soi-même que d'acheter tout fait. Un peu comme de découvrir qu'on a
toujours mangé des conserves et que tout d'un coup quelqu'un vous invite à
faire la cuisine vous-même.
T.C. : Je
suis très heureuse que vous l'ayez perçu comme ça, parce que c'était justement
notre idée ! Il est beaucoup question de plaisir. Si on aime cuisiner, on
aimera forcément faire ses cosmétiques. Il y a un grand plaisir à sentir les
odeurs, à regarder les textures, à malaxer les crèmes. C'est à la fois créatif
et plaisant, comme tout travail manuel.
N.C. : Quels
autres exemples simples donneriez-vous en guise de premier pas ?
T.C. : Le
rinçage des cheveux au vinaigre ! Une rumeur non fondée dit que le vinaigre
attaque. Mais la peau et le cuir chevelu sont acides : finir de les rincer à
l'eau vinaigrée (ou citronnée) permet de rétablir le PH naturel, tout en se
débarrassant du calcaire.
N.C. : Un
troisième exemple ?
T.C. : Un
masque au miel. Tout le monde connaît le masque aux concombres, qui n'est pas
forcément adapté à toutes les peaux. En réalité, la plupart des fruits et
légumes du marché peuvent servir à faire des masques. Il faut d'abord chercher,
patiemment là aussi, quels produits conviennent le mieux à notre peau et bien
repérer ceux auxquels nous risquerions d'être allergiques.
N.C. : Je
suppose que, comme pour les huiles essentielles, vous conseillez de faire un
essai, plusieurs heures avant, ou même la veille, en imprégnant une petite
surface de peau, dans le creux du coude, et d'observer ce que ça donne. S'il
n'y a aucune rougeur, on peut y aller !
T.C. : La
plupart des recettes que nous proposons ne sont pas dangereuses, à l'exception
de la fabrication du savon, où il s'agit de manipuler de la soude ! Le vrai
danger vient de l'inconséquence de beaucoup de gens vis-à-vis des essences de
plantes. Je hurle quand je lis dans certains magazines : « Versez quelques
gouttes d'essence dans votre bain... » Il ne faut jamais utiliser d'essences
pures, mais toujours en solution dans une huile. C'est terriblement puissant,
une essence, et ça veut drôlement vous brûler ! Nous avons donc redoublé de
prudence, en multipliant les avertissements à ce sujet tout le long du livre.
A lire :
Cosmétiques naturels - Conseils et recettes plaisir pour préserver sa santé au quotidien , Hélène Baron et Tiphaine Chagnoux (éd. Sully)
Cosmétiques naturels - Conseils et recettes plaisir pour préserver sa santé au quotidien , Hélène Baron et Tiphaine Chagnoux (éd. Sully)
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