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lundi 29 septembre 2014

Faites vos produits de beauté vous-même !


Nous consacrons des fortunes à l'achat de produits de soins et de beauté censés nous rendre éternellement belles (ou beaux) et séduisant(e)s. Hélène Baron et Tiphaine Chagnoux jettent un pavé dans le pot de crème : ces produits trichent, disent-elles, et sont souvent nocifs ! À la place, elles ont adopté une méthode très différente, à tout petits pas.

Le monde des produits de beauté et des cosmétiques a toujours eu une place de choix dans les cultures humaines, même en temps de crise ou de guerre. À notre époque, c'est devenu un enjeu économique colossal, qui nous manipule dans une large mesure, via la publicité la plus luxueuse du monde, mais aussi parfois la plus menteuse, puisqu'elle nous promet grosso modo l'élixir d'éternelle jeunesse ! Hélène Baron et Tiphaine Chagnoux ont opté pour une autre démarche, qui consiste à fabriquer leurs produits de soin et de beauté elles-mêmes.
Au début de leur charmant petit guide, Cosmétiques naturels - Conseils et recettes plaisir pour préserver sa santé au quotidien (éd. Sully), le lecteur, qui est surtout une lectrice, a un moment de recul : faire ses propres produits ne représente-t-il pas un travail énorme ?
Et n'aboutit-on pas, en fait, à des catastrophes ? Il se passe alors quelque chose d'étonnant : ce livre vous prend par la main et commence par vous emmener faire le marché - éventuellement sur le web, pour certains produits, mais il est important de sentir les odeurs des huiles, des essences, des poudres, des argiles, des fleurs, des miels... Puis vous rentrez chez vous et une réelle envie vous prend d'essayer. Un peu comme si vous aviez toujours été nourrie de plats en conserve et que l'on vous proposait soudain de vous mettre aux fourneaux ! Une euphorie s'annonce : des laits pour le corps aux lotions pour les cheveux, des infusions pour bain aux gels pour visage, en passant par d'invraisemblables dentifrices à l'argile, vous aimeriez tout essayer. Heureusement, les auteurs vous mettent en garde : pas de précipitation. La sensualité est fille d'un mouvement très lent. Une belle adaptation aux temps à venir.
Nouvelles Clés : D'après la page de garde, Hélène Baron a écrit la partie critique de votre livre, où elle démonte impitoyablement le système industrialo-médiatique des cosmétiques qui, selon elle, nous manipule et nous empoisonne. Et vous, plus cool, vous avez rédigé la partie pratique, celle, pardonnez-moi, qui nous intéresse le plus ! On n'achète pas un tel livre pour son idéologie, mais plutôt pour ses conseils efficaces.
Tiphaine Chagnoux : Vous savez, j'aurais été beaucoup plus critique qu'Hélène ! Il valait donc mieux, en effet, qu'on me laisse aux fourneaux. Concernant l'idéologie, deux formidables livres de mise à nu de l'économie des cosmétiques sont déjà parus, qui disent mieux que nous pourquoi il faut désormais réagir. Le premier s'intitule La Vérité sur les cosmétiques , rédigé par une Allemande, Rita Stienf (éd. Leduc.S). Un vrai pavé dans les crèmes et les onguents, paru en 2001 ! À la suite de quoi, l'émission "Envoyé Spécial" a diffusé un reportage et les Français ont commencé à s'alerter. Un second livre, de Laurence Wittner, est sorti peu après, avec la même intention de décoder les ingrédients, de vérifier ce que les industriels mettent dans les cosmétiques, etc. Ce travail a été très bien fait. Même des néophytes réussissent à le lire : Cosmétiques : Mode d'emploi, éd. Leduc.S.
Nous, ce qui nous a intéressées, c'est de proposer d'acheter différemment, par exemple en magasin bio, ou encore de fabriquer soi-même ses produits à la maison. Hélène m'a donc demandé de l'aider, sachant que je mets ça en pratique depuis un certain temps. Par pur plaisir. Pour moi, c'est un hobby.
N.C. : Restons quelques secondes sur la partie critique : décrypter les étiquettes des cosmétiques est une vraie galère, les industriels s'arrangeant toujours pour imprimer ça en tout petit et surtout dans un jargon incompréhensible.
T.C. : En France, la loi obligeant les industriels à livrer la composition de leurs produits ne date que de 1998. Cela dit, c'est rédigé dans une nomenclature codée (l'INCI), qu'un consommateur moyen ne peut quasiment pas comprendre. Avec carrément des pièges. Sur notre forum, beaucoup de gens nous demandent par exemple ce que veut dire « castor oil » : en fait, aucun rapport avec les castors ; en anglais, c'est le nom de l'huile de ricin. Il y a donc une opacité complète pour les consommateurs. Un autre problème vient de ce que seuls les ingrédients dont la présence égale ou dépasse 1% qui sont mentionnés. Ceux qui ne figurent qu'à doses infimes ne figurent pas sur la liste. Or ils peuvent très bien être toxiques, même très dilués.
N.C. : Pour en finir avec la critique, en dehors des statistiques, qui nous disent que de plus en plus de gens souffrent des effets secondaires de leurs cosmétiques, connaissez-vous personnellement des femmes ou des hommes qui s'en sont plaints auprès de vous ?
T.C. : J'ai personnellement la peau sensible et c'est la raison pour laquelle je suis passée aux cosmétiques naturels. 20% des consultations en dermatologie dans les CHU sont liées à l'utilisation de produits d'hygiène et de cosmétiques. Le problème c'est que, très souvent, on ne se rend pas compte que ces produits sont nocifs. Je prends l'exemple des cheveux. J'ai eu les cheveux longs très longtemps et un shampoing ne me suffisait jamais, il fallait forcément un après-shampoing pour les démêler. Depuis que j'utilise des shampoings corrects, je n'ai plus besoin de démêlants ou d'après-shampoing. Les cosmétiques actuels nécessitent de plus en plus l'usage d'autres cosmétiques - simplement parce que la base d'un shampoing tel que vous pouvez en trouver dans un supermarché est la même que celle d'un détergent pour moquette. C'est donc quelque chose d'assez agressif et pour reconstituer un fil protecteur, on est obligé d'utiliser un produit supplémentaire.
Un des paradoxes sur lequel nous sommes tombées, c'est que moins on en fait pour la peau, et mieux elle se porte ! Et un simple savon de Marseille peut très bien suffire pour se laver.
N.C. : Ma fille de 16 ans ne serait pas d'accord : elle m'a expliqué que les savons de Marseille que j'avais fièrement rapportés de voyage desséchaient horriblement... Cela dit, elle aussi est victime de la pub !
T.C. : On vend du rêve, avec un talent extraordinaire. J'en ai beaucoup parlé avec mes cousines qui ont entre 14 et 20 ans. Il y a savon et savons. Contrairement à ceux des savonniers traditionnels, les savons du commerce sont expurgés d'une partie de leur glycérine et donc assez irritants pour la peau. Quand on les fait à la maison, on n'enlève rien et ça change tout. De plus, les huiles varient énormément. Le vrai savon de Marseille se fait à l'huile d'olive, alors qu'aujourd'hui, certains reposent sur des graisses animales.
N.C. : Passons à la partie positive de votre guide. Au début, on risque d'être pris de vertige à l'idée de changer aussi radicalement de style de vie. Ce n'est pas rien, d'arrêter d'aller s'approvisionner à la parfumerie en produits luxueux et sophistiqués, pour les remplacer par des produits de base, achetés à l'épicerie bio !!!
T.C. : Je suis passée par là et c'est pourquoi notre livre repose sur une politique des petits pas. Impossible de tout changer du jour au lendemain. Pour changer des habitudes ancrées en nous depuis l'enfance et réinjectées à longueur d'années par la publicité, il y a en fait qu'un moyen : y aller très très progressivement. On va commencer par remplacer un ou deux produits. Au début, on n'est même pas obligée de les fabriquer, on peut les acheter tout faits dans un magasin bio : par exemple remplacer son gel douche par un savon. On commencer par quelques gestes. D'abord acheter différemment. Quant à la fabrication, j'ai essayé de la limiter à des produits assez simples. Prenez le gommage à l'amande : plutôt que d'aller acheter un tube de gommage dans une grande surface, on prend un peu de poudre d'amande, on rajoute un peu d'eau, un peu de lait et ça fait un gommage excellent.
N.C. : C'est drôle, je viens de recevoir un excellent livre sur la "technique des petits pas", que les Américains ont enseignée aux Japonais après 1945...
T.C. : Je trouve que c'est le seul moyen... Je l'ai expérimenté dans un autre domaine, le végétarisme. Aujourd'hui, je suis végétarienne, mais ça m'a pris du temps. On ne peut pas passer du jour au lendemain d'un régime omnivore à un régime végétarien. Certains tentent ce grand saut, mais c'est très dur. Et beaucoup reviennent brutalement en arrière. Alors qu'à petits pas, on commence par ne plus acheter de viande, mais on continue au restaurant ou chez des amis. Ou bien on supprime uniquement la viande rouge. Il est important de se donner le temps. Il y a tellement de décalage entre l'intellect (« Il faut que je le fasse ! ») et la réalité.
N.C. : Votre livre correspond à ça. Vous prenez le lecteur par la main et vous lui donnez envie, par les odeurs... Il y a finalement quelque chose de plus sensuel à le faire soi-même que d'acheter tout fait. Un peu comme de découvrir qu'on a toujours mangé des conserves et que tout d'un coup quelqu'un vous invite à faire la cuisine vous-même.
T.C. : Je suis très heureuse que vous l'ayez perçu comme ça, parce que c'était justement notre idée ! Il est beaucoup question de plaisir. Si on aime cuisiner, on aimera forcément faire ses cosmétiques. Il y a un grand plaisir à sentir les odeurs, à regarder les textures, à malaxer les crèmes. C'est à la fois créatif et plaisant, comme tout travail manuel.
N.C. : Quels autres exemples simples donneriez-vous en guise de premier pas ?
T.C. : Le rinçage des cheveux au vinaigre ! Une rumeur non fondée dit que le vinaigre attaque. Mais la peau et le cuir chevelu sont acides : finir de les rincer à l'eau vinaigrée (ou citronnée) permet de rétablir le PH naturel, tout en se débarrassant du calcaire.
N.C. : Un troisième exemple ?
T.C. : Un masque au miel. Tout le monde connaît le masque aux concombres, qui n'est pas forcément adapté à toutes les peaux. En réalité, la plupart des fruits et légumes du marché peuvent servir à faire des masques. Il faut d'abord chercher, patiemment là aussi, quels produits conviennent le mieux à notre peau et bien repérer ceux auxquels nous risquerions d'être allergiques.
N.C. : Je suppose que, comme pour les huiles essentielles, vous conseillez de faire un essai, plusieurs heures avant, ou même la veille, en imprégnant une petite surface de peau, dans le creux du coude, et d'observer ce que ça donne. S'il n'y a aucune rougeur, on peut y aller !
T.C. : La plupart des recettes que nous proposons ne sont pas dangereuses, à l'exception de la fabrication du savon, où il s'agit de manipuler de la soude ! Le vrai danger vient de l'inconséquence de beaucoup de gens vis-à-vis des essences de plantes. Je hurle quand je lis dans certains magazines : « Versez quelques gouttes d'essence dans votre bain... » Il ne faut jamais utiliser d'essences pures, mais toujours en solution dans une huile. C'est terriblement puissant, une essence, et ça veut drôlement vous brûler ! Nous avons donc redoublé de prudence, en multipliant les avertissements à ce sujet tout le long du livre.

A lire : 
Cosmétiques naturels - Conseils et recettes plaisir pour préserver sa santé au quotidien , Hélène Baron et Tiphaine Chagnoux (éd. Sully)

Tiphaine Chagnoux par Patrice van Eersel

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