QUELLES FURENT LES CONSÉQUENCES
du culte d'une divinité féminine sur le statut
social
des femmes de cette époque?
Il serait facile de l'expliquer par une
relation de cause à effet simpliste, du genre: si l'on vénérait une déesse, les
femmes devaient avoir un statut social très élevé; ou encore, c'est parce que
les femmes occupaient un rang élevé qu'on adorait une déesse. Bien que ces deux
facteurs soient étroitement liés, si l'on en juge d'après notre civilisation
patriarcale, on doit néanmoins considérer d'autres points de vue sur la
question, même ceux qui confondent cause
et effet ou qui décrivent de façon linéaire des événements simultanés. Car
notre but est d'arriver à une compréhension aussi claire que possible du
rapport entre la religion et le statut des femmes.
M.
et M. Vaerting, auteurs de The Dominant Sex (Allemagne 1923), ont émis
l'hypothèse que le sexe de la divinité est déterminé par le sexe de ceux qui
détiennent le pouvoir.
«Le
sexe dominant, ayant le pouvoir de diffuser ses propres points de vue, tend à
répandre son idéologie spécifique. Si les tendances du sexe dominé vont à
l'encontre de cette idéologie, elles seront vraisemblablement éliminées,
d'autant plus énergiquement que le sexe dominant est plus puissant. En
conséquence, l'hégémonie des divinités masculines accompagne en général une
domination sociale des hommes, et l'hégémonie des divinités féminines une
domination des femmes.»
Sir
James Frazer affirme, quant à lui, que c'est le statut élevé des femmes qui est
à l'origine de l'adoration et du culte rendus à la divinité féminine. Il cite
la tribu des Pelew en Micronésie, où les femmes jouissent d'un statut politique
et social supérieur à celui des hommes.
«Dans
cette tribu insulaire, écrit-il, on a expliqué la prééminence des déesses sur
les dieux, de façon juste, par la grande importance accordée aux femmes dans
les structures sociales de ce peuple.»
D'après
Robertson Smith, le sexe attribué à la divinité suprême était lié au sexe de
celui, homme ou femme, qui détenait l'autorité au sein de la famille. Il suggère que
l'identité sexuelle du chef de famille déterminait celle de la divinité suprême,
selon le système de filiation en vigueur.
Ces
quelques exemples illustrent la théorie selon laquelle le sexe de la divinité est prédéterminé par la domination d'un
sexe sur l'autre — dans le cas de la Déesse, ce sont les femmes qui étaient prépondérantes
dans l'organisation familiale et sociale. A côté de cette théorie, on trouve
une foule d'explications pseudo romantiques
sur la divinisation de la femme, symbole de fertilité pour l'homme, qui lui
aurait voué un culte par peur de sa capacité magique de génitrice.
D'après
Frazer, je l'ai dit, c'est le statut élevé des femmes qui est à l'origine du
culte de la Déesse suprême.
Ses
conclusions sont basées sur des années de recherche auprès des sociétés
«primitives» et classiques, recherches qui l'ont amené également à relier le
culte de la divinité au système de filiation matrilinéaire et au culte des
ancêtres. «Partout où la déesse a la prééminence sur le dieu, et où les aïeules
sont plus vénérées que les aïeux, existait presque toujours un système de
filiation matri linéaire.»
C'est
ce que constate également Robertson Smith, pour qui l'identité sexuelle de la
divinité suprême est liée au système de filiation qui prévaut dans chaque
société.
Quel
que soit l'ordre dans lequel s'enchaînent ces différents facteurs, il en est un
qui réapparaît continuellement dans les documents de l'époque historique
relatifs au statut et au rôle des femmes dans l'ancienne religion féminine. Il
s'agit du rapport étroit qui existe entre le statut des femmes et le système de
filiation par la mère, ou matrilinéaire. En examinant la situation des femmes,
nous étudierons donc attentivement ce système selon lequel le nom et les biens
de la famille se transmettaient par la lignée des femmes.
La
matrilinéarité, telle qu'on la définit générale ment, est une structure sociale au sein de laquelle l'héritage se
transmet par les femmes, les fils, les maris ou les frères n'ayant accès aux
titres et aux propriétés qu'à travers les
liens qui les unissent aux femmes, qui en sont les détentrices légales.
Filiation matrilinéaire ne veut pas dire matriarcat, qui signifie que le
pouvoir est aux mains des femmes et plus spécifiquement de la mère.
Celle-ci,
en tant que chef de la famille, régit aussi bien la communauté que les affaires
gouvernementales.
Même
si dans certaines sociétés, le frère de la femme détentrice des titres et des
biens joue un rôle important, il est indéniable que les coutumes matrilinéaires
et matrilocales ont affecté grandement le statut et la situation des femmes.
EXTRAIT DE QUAND DIEU ETAIT FEMME de Merlin STONE "La découverte de la
Grande Déesse, source du pouvoir des femmes".
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