Si la célèbre courtisane Lola Montès écrit en 1858 qu’il est « fort heureux pour la race humaine que tous les hommes n’aient pas exactement un goût correct en matière de beauté féminine, car si tous avaient ce goût il en résulterait vraisemblablement des luttes fatales pour décider qui posséderait les quelques types de beauté parfaite », plusieurs auteurs des XVIe et XVIIe siècles ont tenté de consigner les critères de la beauté féminine, Brantôme allant jusqu’à détailler dans ses Dames galantes les 30 choses exigées pour considérer une beauté comme parfaite.
C’est à Pierre Charron (1541-1603) qu’appartient le
mérite d’avoir réuni, condensé en quelques pages aphoristiques au XVIIe siècle,
la théorie complète de la beauté physique et de la beauté morale, telle qu’on
l’envisageait de son temps, d’après les observations des anciens. « La
beauté, dit-il, est une pièce de grande recommandation au commerce des hommes.
C’est le premier moyen de conciliation des uns et des autres, et est
vraisemblable que la première distinction, qui a été entre les hommes, la
première considération, qui donna proéminence aux uns sur les autres, a été
l’avantage de la beauté.
« C’est aussi une qualité puissante ;
il n’y en a point qui la surpasse en crédit, ni qui ait tant de part au
commerce des hommes. Il n’y a barbare si résolu qui n’en soit frappé. Elle
présente au devant, elle séduit et préoccupe le jugement, donne des impressions
et presse avec une grande autorité : Socrate l’appelle une courte
tyrannie ; Platon le privilège de la nature. Car il semble que celui qui
porte sur le visage les faveurs de la nature imprimées en une rare et
excellente beauté, ait quelque légitime puissance sur nous, et que, tournant
nos yeux à soi, il y tourne aussi nos affections, et les y assujettisse malgré
nous.
« Aristote
dit qu’il appartient aux beaux de commander, qu’ils sont vénérables après les
dieux, qu’il n’appartient qu’aux aveugles de n’en être pas touchés. Cyrus, Alexandre,
César, trois grands commandeurs des hommes, s’en sont servis en leurs grandes
affaires, voire Scipion, le meilleur de tous : beau et bon
sont cousins, et s’expriment par mêmes mots en grec et en l’Ecriture
sainte. Plusieurs grands philosophes ont acquis leur sagesse par l’entremise de
leur beauté : elle est considérée même et recherchée aux bêtes.
« Il
y a diverses considérations en la beauté. Celle des hommes est proprement la
forme et la taille du corps ; les autres beautés sont pour les femmes. Il
y a deux sortes de beautés : l’une arrêtée qui ne se remue point, et est
en la proportion et couleur des membres ; un corps qui ne soit enflé ni
bouffi, auquel d’ailleurs les nerfs ne paraissent point, ni les os ne percent
point la peau, mais plein de sang, d’esprit et embonpoint, ayant les muscles
relevés, le cuir poli, la couleur vermeille ; l’autre mouvante, qui
s’appelle grâce, qui a la conduite des mouvements des membres, surtout des
yeux. Celle-là seule est comme morte ; celle-ci est agreste et vivante. Il
y a des beautés rudes, fines, aigres ; d’autres douces, voire encore
fades. »
Chaque
partie du corps possède sa beauté, son expression spéciale, son genre d’effet,
ajoute Lola Montès dans L’art de la beauté chez la femme, mais
c’est dans la physionomie seule que se reflètent les qualités morales en même
temps que les qualités physiques ; c’est là qu’on va chercher, qu’on tâche
de saisir le témoignage des qualités dont l’imagination ravie poursuit la
possession. Et elle poursuit : aucun homme honnête, aucun homme
raisonnable, ne recherchera la possession conjugale d’une femme, uniquement
parce qu’il lui a reconnu soit une jolie jambe, soit une belle chute de reins,
soit une tournure ravissante ; il ressentira pour elle le caprice du
moment, qu’emporte presque aussitôt le caprice du moment qui suit.
Mais
il s’avouera très bien à lui-même qu’une tête expressive l’a charmé, parce que
c’est rendre hommage à l’intelligence, au sentiment, et qu’un tel hommage ne
compromet en rien sa dignité. « Il n’y a rien de plus beau en l’homme que
l’âme, et au corps que le visage, qui est comme l’âme raccourcie, disait
Charron (De la sagesse, chapitre XI) : c’est le monstre et
l’image de l’âme, c’est son écusson à plusieurs quartiers, représentant le
recueil de tous les titres de sa noblesse, planté et colloqué sur la porte et
au frontispice, afin que l’on sache que c’est là sa demeure et son palais,
c’est par lui que l’on connaît la personne. C’est un abrégé. Voilà pourquoi
l’art, qui imite la nature, ne se soucie, pour représenter la personne, que de
peindre ou tailler le visage. »
Ce
prestige de la physionomie, cette idéalisation morale de la beauté matérielle
expliquent comment il se fait que, chez les poètes ou les grands prosateurs, un
seul trait captive en faveur de celle qui en est l’objet, tandis qu’une
description minutieuse de ses attraits vous laisse froid. Homère, Virgile l’ont
admirablement compris. « Hélène est belle ! » écrivait Homère il
y a près de trois mille ans, et la beauté d’Hélène est parvenue jusqu’à nous
comme une vérité consacrée. Cependant le poète nous dit à peine, et presque
sans le vouloir, qu’elle a le bras blanc et de beaux cheveux (Iliade,
livre II, v. 121 et 419). Racontant ailleurs que la fille de Tyndare,
couverte d’un voile de fin lin, sort de sa chambre et traverse les portiques de
Troie devant quelques vieillards qui ne font que l’entrevoir, il ajoute que
ceux-ci, après l’avoir suivie de l’oeil, se disent entre eux :
« Belle comme elle est, qu’elle quitte pourtant nos murs et qu’elle
s’éloigne, de peur qu’en restant auprès de nous elle ne cause notre ruine et
celle de nos enfants ! » Plus loin, d’autres vieillards s’écrient, à
la vue de l’épouse de Ménélas (Iliade, livre III,
v. 156) : « Non, on ne saurait en vouloir à deux peuples d’endurer,
depuis si longtemps de si grands maux pour l’amour d’une si belle femme ;
car elle ressemble vraiment aux déesses immortelles ! »
Au
XVIe siècle, Jean Liébaut (1535-1596) écrit :
« Observez chez la femme un corps très délicat tant à voir qu’à manier ;
la chair tendre ; la couleur blanche et claire ; la peau nette ;
la tête bien séante ; la chevelure fort plaisante ; les cheveux
mollets luisants et longuets ; le visage rondelet, gai et modeste ;
la nuque blanche comme lait ; le front ouvert, large, poli et
luisant ; les yeux grosselets, étincelants et amoureux ; les sourcils
en demi-cercle, plats, menus, dûment séparés ; la bouche vermeille,
accompagnée de lèvres tendrelettes, des dents menues, bien jointes, bien
rangées, blanches comme l’ivoire, en moindre nombre et non si mordantes, ni si
tranchantes que celles des hommes ; les gencives mollettes ; les
joues vermeilles, comme la rose ; le menton orbiculaire ; le cou
grêle, longuet et comme dressé sur les épaules rondes ; la gorge délicate,
blanche comme la neige ; la voix et le parler doux ; la poitrine
pleine, large et ronde ; les mamelles fermes et solides ; les côtés
mollets ; le ventre de rondeur orbiculaire ; le dos plat et
dressé ; les bras étendus ; les mains longuettes et rondes ; les
doigts ayant jointures bien réglées ; les flancs et les cuisses fermes et
massives ». Selon ce médecin, « il n’y a rien au corps de la femme
que par ordre, symétrie, figure et habitude ne démontre que la vénusté et
netteté lui est propre, tellement qu’il semble que Dieu, créant le corps de la
femme, ait amassé en lui toutes les grâces que le monde universel pourrait
comprendre. »
Le
livre de la Louange et beauté des dames, cité par Jean Nevisan (Sylviæ
nuptialis, lib. II, p. 182), exige pour une beauté parfaite la
réunion de trente choses dont François Corniger donne la nomenclature dans une
pièce de vers latins, imités ainsi par Joachim Blanchon, poète limousin du XVIe siècle :
Trente points à la
femme il faut pour être belle :
Trois de blanc, trois de noir, trois de rouge couleur ;
Trois de court, trois refaits, trois de longue valeur ;
Trois grêles, trois serrés, trois de large modèle ;
Et trois serrés encor : poil blond candide en elle ;
Trois de blanc, trois de noir, trois de rouge couleur ;
Trois de court, trois refaits, trois de longue valeur ;
Trois grêles, trois serrés, trois de large modèle ;
Et trois serrés encor : poil blond candide en elle ;
La peau blanche et les
dents ; l’oeil noir est le meilleur ;
Noir sourcil, noir chose ; et au corps la longueur,
Comme au poil et aux mains de forme naturelle ;
Pied court, oreille et dent ; ceinture et fait estroit,
La bouche ; tout ainsi que l’entr’oeil, large soit
La carrure et le bas, refait ledit fait d’elle
Et la cuisse et la grève ; et la lèvre et le crin,
Et les doigts déliés ; chef, et nez, et terrin,
Moyen et compassé comme Hélène fut telle.
Noir sourcil, noir chose ; et au corps la longueur,
Comme au poil et aux mains de forme naturelle ;
Pied court, oreille et dent ; ceinture et fait estroit,
La bouche ; tout ainsi que l’entr’oeil, large soit
La carrure et le bas, refait ledit fait d’elle
Et la cuisse et la grève ; et la lèvre et le crin,
Et les doigts déliés ; chef, et nez, et terrin,
Moyen et compassé comme Hélène fut telle.
Les
Espagnols ont consacré, dans une forme aphoristique et poétique, le concours
indispensable des trente choses exigibles pour qu’une beauté soit
parfaite ; ce que Brantôme (1535-1614) traduit ainsi en son premier livre
de Vie des dames galantes :
Trois choses
blanches : la peau, les dents et les mains ;
Trois noires : les yeux, les sourcils et les paupières ;
Trois rouges ; les lèvres, les joues et les ongles ;
Trois longues : le corps, les cheveux et les mains ;
Trois courtes : les dents, les oreilles et les pieds ;
Trois larges : la poitrine, le front et l’entre-sourcil ;
Trois choses estroites : la bouche, l’une et l’autre, la ceinture ou la taille, et l’entrée du pied ;
Trois grosses : le bras, la cuisse et le mollet ;
Trois déliées : les doigts, les cheveux et les lèvres ;
Trois petites : les testons, le nez et la teste.
Trois noires : les yeux, les sourcils et les paupières ;
Trois rouges ; les lèvres, les joues et les ongles ;
Trois longues : le corps, les cheveux et les mains ;
Trois courtes : les dents, les oreilles et les pieds ;
Trois larges : la poitrine, le front et l’entre-sourcil ;
Trois choses estroites : la bouche, l’une et l’autre, la ceinture ou la taille, et l’entrée du pied ;
Trois grosses : le bras, la cuisse et le mollet ;
Trois déliées : les doigts, les cheveux et les lèvres ;
Trois petites : les testons, le nez et la teste.
Charron
assigne à la beauté, pour caractères principaux « un front large, carré,
tendre, clair et serein ; des sourcils bien rangés, menus, déliés, l’œil
bien fendu, gai, brillant ; un nez bien vide ; une bouche petite aux
lèvres coralines ; un menton court et fourchu ; des joues relevées,
et, au milieu, le plaisant gelasin (rire) ; oreille ronde et bien
troussée ; le tout, avec un teint vif, blanc et vermeil. » Cependant,
dit ailleurs le même Charron, « il existe une admirable diversité des
visages, et de cette diversité vient qu’il n’y a personne qui ne soit trouvé
beau par quelqu’un ; artifice de nature qui a posé en cette partie quelque
secret de contenter l’un ou l’autre en tout le monde. » Ainsi, le type de
la vraie beauté étant passé, il n’en résulte pas que, pour être trouvée belle,
il faille se rapprocher de ce type ; les idées à cet égard sont infiniment
variées ; chacun sent, chacun apprécie la beauté à sa manière ; d’une
époque à l’autre, même parmi des nations voisines, l’appréciation ne se
ressemblerait souvent pas, et peut-être faut-il encore voir en cela des vues
providentielles à l’endroit du rapprochement, du mélange des races, renchérit
la comtesse de Landsfeldt : Le Français sera porté de sympathie vers
l’Espagnole ou l’Italienne, et l’Espagnole ou l’Italienne préféreront presque
toujours les Français à leurs compatriotes ; il en sera de même des races
allemandes, des races slaves, etc.
On
attribue à Félibien le résumé suivant de la beauté, au XVIIe siècle :
« La tête devra être bien arrondie et paraître plutôt petite que grosse.
Le front blanc, lisse, découvert (sans que les cheveux y descendent trop bas),
ni plat ni proéminent, mais comme la tête, bien arrondie, et plutôt petit en
proportion que grand. Les cheveux noirs, bruns, luisants, ou châtain-clair,
point rares, mais abondants et ondoyants, et s’ils tombent par légères boucles,
c’est pour le mieux. Le noir sert particulièrement à faire ressortir la
blancheur du cou et de la peau. Les yeux noirs, châtains ou bleus ;
clairs, brillants et vifs, et plutôt grands en proportion que petits. Les
sourcils bien partagés, abondants, semi-circulaires, et plus larges au milieu
qu’aux bouts, d’un tour net mais pas sec. Les joues ne devront pas être larges,
devront avoir une certaine rondeur, avec le rouge et le blanc gracieusement
fondus ensemble, et devront paraître fermes et douces.
L’oreille
devra être petite, bien enroulée, et avoir une agréable teinte de rouge.
« Le
nez devra être placé de façon à diviser le visage en parties égales, devra être
de dimensions moyennes, droit et bien d’équerre, quoique s’élevant un peu au
milieu, ce qui, on le conçoit, peut lui donner un aspect très gracieux. La
bouche devra être petite et les lèvres non égales en épaisseur ; elles
devront être bien tournées, minces plutôt que grosses, douces même à l’œil et
teintes d’un rouge vif. Une bouche vraiment jolie ressemble à un bouton de rose
commençant à s’épanouir. Les dents devront être de moyenne dimension, bien
rangées et égales. Le menton, d’une dimension moyenne, blanc, lisse et
agréablement arrondi. Le cou devra être blanc, droit et d’une coupe lisse,
onduleuse, flexible ; plutôt long que court, moindre au-dessus, et
augmentant légèrement vers les épaules ; la blancheur et la délicatesse de
sa peau devra se continuer ou plutôt s’accroître jusqu’au sein ; la peau,
en général, devra être blanche, convenablement carminée et avoir un air de
santé florissante.
Les
épaules devront être blanches, doucement déployées et avec une apparence de
force beaucoup plus douce que celle des hommes. Les bras devront être blancs, ronds,
fermes et lisses, et plus particulièrement du coude aux mains. La main devra
s’unir insensiblement au bras ; elle devra être longue et délicate ;
en elle les joints et les parties nerveuses même devront être sans aucune
dureté ou sécheresse. Les doigts devront être fins, longs, ronds et
lisses ; plus petits et s’amoindrissant aux bouts, et les ongles ronds au
bout et transparents. La poitrine doit être blanche et charmante, ni trop
grande ni trop petite ; les seins égaux en rondeur et fermeté, s’élevant
et très distinctement séparés. Les côtés devront être longs, les hanches plus
développées que les épaules, et descendre en s’arrondissant et s’amoindrissant
graduellement jusqu’au genou. Le genou devra être uni et bien arrondi. Les
jambes droites, mais variées par une rondeur convenable de leurs parties les
plus charnues et finement tournées, blanches et petites à la cheville. »
Il
est, cependant, fort heureux pour la race humaine que tous les hommes n’aient
pas exactement un goût correct en matière de beauté féminine, écrit Lola Montès
en 1858, car si tous avaient ce goût il en résulterait vraisemblablement des
luttes fatales pour décider qui posséderait les quelques types de beauté
parfaite. Ce vieillard qui se réjouissait que tous ne vissent pas de même,
parce que, s’il en était autrement, tous auraient couru après sa femme, n’était
pas tout à fait bête.
Quelle
que soit l’époque à laquelle on remonte, quel que soit le peuple dont on
interroge les annales, toujours la beauté des femmes apparaît comme une cause
inévitable de luttes, de jalousies, de rivalités, de scandales, de crimes, mais
aussi de grandes choses, de créations inattendues, de dévouements sublimes. On
cite la triste destinée de Galswinthe, reine de Soissons, ainsi que les
attentats de Frédégonde ; on connaît la funeste rivalité de cette
concubine avec Brunehaut, et ces querelles permanentes entre les rois de la
famille mérovingienne, querelles entretenues, attisées par les femmes.
Au
XIIe siècle, Alix de Champagne, fille du comte Thibault IV,
épouse de Louis VII et reine de France, passait pour une princesse
accomplie, tant sous le rapport de ses attraits physiques que sous celui des
dons de l’intelligence. La reine Blanche de Castille, femme de saint Louis,
ornement d’une cour brillante, ne fut point inférieure en beauté à la femme de
Louis VII : mais c’était une beauté plus régulière et peut-être plus
froide. Au XIVe siècle, plusieurs femmes exceptionnelles
tenaient le sceptre de la beauté : en Orient, Irène, femme de
Mahomet III ; Savina-Bey, princesse tartare, bru de Tamerlan ;
en Europe, Christine de Pisan, qui occupait un rang distingué parmi les
écrivains français de son temps. Au XVesiècle, apparaissent toutes
ces héroïnes de la galanterie, et toutes ces femmes poètes non moins remarquables
par leur caractère et leur esprit que par leurs appâts séducteurs : Agnès
Sorel, Valentine de Milan, Barbara Torella Strozzi, Torelli-Castiglione, etc.
En
fermant le Moyen Age, en ouvrant le spectacle agrandi des temps modernes, le
XVIesiècle produit des femmes qui rappellent l’attitude poétique ou
mondaine de leurs devancières, et d’autres femmes qui s’élevèrent au niveau des
grandes idées philosophiques de l’époque. Telles sont Diane de Poitiers, Marie
d’Angleterre, Marguerite Paléologue, Julie de Gonzague, Elisabeth de Portugal,
Christine de Danemark, etc.
Au
XVIIe siècle, la beauté prit une expression nouvelle sans rien
perdre de son influence, comme le prouvent les triomphes des maîtresses des
rois et des succès galants de Marion de Lorme, de la duchesse de Mazarin, et de
tant d’autres. « La beauté sans les grâces, disait Ninon de Lenclos, est
un hameçon sans appât. » Elle avait raison ; elle donnait l’exemple à
côté du précepte ; aussi, jusqu’à la fin de sa vie, eut-elle d’assidus
adorateurs. Ne faisant pas de ses charmes un honteux trafic, elle se donnait à
ceux qui lui plaisaient, les quittait aussitôt que cessait le prestige, et
convolait à d’autres amours.
Au
XVIIIe siècle, Marie-Thérèse avec son type de grandeur
souveraine ; Marie Leczinska avec sa noble et touchante modestine ;
madame Roland avec sa passion tribunitienne ; Charlotte Corday,
Marie-Antoinette, madame de Polignac, Joséphine de Beauharnais, présentent,
dans le beau, dans la perfection des formes ou des traits, autant de caractères
à part qu’il faudrait analyser, s’il s’agissait d’écrire la physiologie morale
et pittoresque de la femme célèbre.
Si
l’observateur philosophe pouvait aujourd’hui pénétrer en imagination dans le
boudoir de toutes ces femmes éminentes, s’il pouvait interroger ceux qui
façonnaient leur toilette, qui dressaient l’édifice de leur coiffure,
enluminaient leurs traits et dérobaient à l’âge quelques-unes de ses rides, on
aurait le secret de bien des énigmes, la raison cachée de bien des faits
extraordinaires. Il faudrait recommencer l’histoire et subordonner à une
mouche, à une dent postiche, à un grain de vermillon ou de muse, comme, dans la
comédie, à un simple verre d’eau, une foule d’événements de la plus haute
gravité.
D’après
« L’art de la beauté chez la femme. Secrets de la toilette », paru en
1858.
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