Femme battues, femmes violées, femmes
prostituées, toutes ces femmes que nous sommes, ou avons été, ou avons eu peur
d’être, ou avons failli être, ou nous vantons de ne pas être, toutes ces femme
nous concernent.
Cette domination brutale dont elles sont
victimes – même si elles l’acceptent et il faudrait savoir à la sui de quoi –
n’est que la forme extrême du pouvoir que les hommes exercent sur nous toutes.
La lutte sera longue, car les mentalités
sont faussées. Qu’on en juge :
"Mon mari ne s’entend par avec moi,
mais cela se passe à un très haut niveau -… ? Oui il ne me bat pas".
Réflexion d’une femme d’un milieu
bourgeois libéral, très aisé et très cultive.
"Le malheur des hommes est den
pouvoir posséder toutes les femmes qu’lis désirent". dit un homme de
quarante-cinq ans, le modèle des maris et des pères.
Les préjugés et la peur paralysent
encore beaucoup de femmes, isolées dans leur foyer, et contraintes à offrir
l’image de la réussite conjugale (puisque la réussite sociale est encore
considérée comme une "compensation"). Ceci pour les femmes battues.
Pour les femmes violées, c’est le :
"Tu l’as bien cherché".
Pour les prostituées, c’est le mystère
inquiétant, ambigu : es femmes respectables les regardent à la dérobée,
ces remplaçantes d’une heure, et ce consolent en pensant que "les hommes
sont faits comme ça".
Nous remettons en cause la domination de
la femme par l’homme, telle qu’elle est vécu dans le privé, et telle que la
société la constitue et la perpétue.
LES
FEMMES BATTUES
Une prise de conscience est en train de
s’opérer, des mouvements de solidarité s’organisent, des maisons pour femmes
battues s’ouvrent à l’étranger et dans certaines villes françaises. Nous,
femmes de Choisir, soutenons toutes ces actions.
Nous pensons que la théorie mise à la
mode par les média et une "certaine" sexologie selon laquelle la
femme "aime ça" est une imposture scandaleuse. Le 1% (peut-être) ne
concerne absolument pas l’immense majorité des femmes qui subissent. En
réalité, non seulement les femmes subissent les coups, mais en outre elles en
tirent un sentiment de honte, d’humiliation ; le sentiment de n’être rien.
Par ailleurs, la nécessité de faire des
démarches, d’aller à la police, de s’expliquer devant des hommes et d’être
obligées de revenir pour les enfants, avec le risque d’être battues encore plus
fort au retour, les paralyse. Et si les maris sont en prison, elles tremblent
de les voir réapparaître, une fois sa peine purgée, et de retomber sous leur
domination. Elles sont enfin souvent piégées par leurs sentiments et par
l’"amour". Elles hésitent à faire envoyer leurs maris en prison.
Elles ont peur d’envisager le divorce, elles se sentent solidaires de leur
mari. Meurtries physiquement, elles sont moralement désorientées, diminuées.
NOUS PROPOSIONS dans les années 1975
1.
Une information
systématique, générale et continue par les média, dans les émissions
féministes, sur les démarches à suivre.
2. la multiplication des centres d’accueil, à condition
que ceux-ci n’accentuent pas la marginalisation des femmes, mais apportent une
information et une aide non seulement psychologique, pratique ou juridique,
mais offrent une formation professionnelle.
3.
en effet, la
véritable solution, qui permettra aux femmes de quitter définitivement l’homme
qui les but, est dans leur insertion dans la vie économique, professionnelle.
Nous ne le dirons jamais assez ;
par ce moyen, la femme a une alternative au milieu fermé du foyer, elle exerce
de véritables responsabilités (même si elles sont faibles), elle ne crée de
nouvelles relations. Elle peut comparer et réfléchir. Elle réduit l’important
de la famille à de plus juste proportions. Elle, morceau de chair maltraité,
utilisant son cerveau, ses mains, reprend ou acquiert une dignité nouvelle.
Tout se tient des mentalités aux structures et inversement.
Si les équipements sociaux existent, si
l’éducation et les média corrigent les images déformées qu’elles forgent et
véhiculent actuellement sur la femme, si la femme vit sa propre sexualité au
lieu de subir passivement celle – supposée violente ici – de l’homme, si la
femme exerce une profession et envisage une vie autonome sans crainte d’être
dévalorisée ou d’être considérée comme une marginale, alors la société cessant
d’être sexiste et répressive, les comportements individuels s’en trouveront
modifiés. Il n’y aura plus cette fausse complémentarité, ou cette complicité,
source de tant de déboires et de vies ratées.
LES
FEMMES VIOLEES
Depuis des millénaires, c’est lui qui
propose et c’est elle qui répond, accepte ou refuse. En dehors des institutions
créées par les hommes entre eux, pour légaliser le viol, par le mariage, ces
institutions sacrosaintes ou légales, le viol constitue un retour au droit du
plus fort, dans une société qui est obligée – sous la pression des femmes – de donner
à ces dernières uns emblant de liberté.
Le viol, "effraction du corps de la
femme", est la forme la plus exacerbée du rapport de force. Il est
violence. Mais il est aussi effraction dans son esprit, dans sa
conscience ; car, par un paradoxe scandaleux, il a été tabou pour les
femmes qui le subissaient, hors de la famille ou dans la famille (c’est le cas
de l’inceste) et, en outre, se taisaient, humiliées, comme si elles avaient été
coupables. On a été jusqu’à inventer des maladies mentales, objet de très
sérieuses réflexions scientifiques et on a diagnostiqué des maladies
mystérieuses, de femmes, bien entendu, qui en fait, avait été victimes de viol
ou quasi-viol. Condamnées à se taire, en raison du prestige moral attaché au
père, elles se voyaient traitées de folles ou de malades.
L’enquête de moralité déshabille
complètement la vie privée de la femme. Elle subit l’interrogatoire des policiers,
des magistrats instructeurs, du psychiatre. On lui fait enfin un procès
d’intention pour le moindre de ses gestes, de ses regards, de ses vêtements. On
viendra lui reprocher de s’être lavée après… pour se purifier physiquement et
moralement : quelle idée ! On lui reprochera de s’être promenée seule
dans un endroit peu fréquenté …
C’est aussi pour ces raisons que les
femmes se sont senties à ce point solidaires de leur sœurs victimes, qu’elles
ont décidé de les aider à aller jusqu’u bout du chemin difficile qu’elles
avaient choisi ; car si terrible que soit l’épreuve, celles qui sont
allées au-delà ont pu réaliser qu’il était urgent, essentiel pour d’autres,
pour les autres, que ce crime odieux soit dénoncé pour ne plus jamais exister.
Elles ont compris que l’enjeu est
grave ; c’est la dignité de la femme qui est en cause, une valeur morale
permanente, une liberté fondamentale ; il faut qu’elles fassent comprendre
qu’elle doit être protégée, juridiquement
protégée. C’est pour quoi Choisir a exprimé très fortement la nécessité pur son
association de se constituer partie civile en tant que telle aux côtés de la
victime qu’elle défend en 1977.
Extrait
de Choisir la cause des Femmes de Gisèle Halimi.
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