Al-Uzza, Al-Lat et Manat
H icham
ibn al-Kalbi (737-819) est un historien arabe, compilateur des traditions
orales des bédouins et des conteurs professionnels. Parmi ses oeuvres existant
encore il y a le Kitāb al-asnām ( livre des idoles), dans lequel il parle des
idoles des Arabes de la période pré-islamique. L’intérêt de ce livre est accru
par les informations qu’il apporte sur l’antiquité arabe et les coutumes
tribales et traditions qui seraient sinon sans doute perdues.
L’ancienne
religion des Arabes
Suivant les régions et les
époques, les arabes ont vénéré des centaines de divinités différentes. Les
déesses Al-Uzza, Al-Lat et Manat formèrent une trinité dans l’Arabie
pré-islamique. Leur culte a été largement répandu : des nabatéens de Pétra dans
le Nord, aux royaumes légendaires de l’Arabie Heureuse dans le Sud, y compris
Saba, la Sheba biblique (reine de Saba), jusque dans l’est, en Iran et à
Palmyre. Elles étaient des déesses très populaires à la Mecque du temps de
Mahomet. Toutes trois ont été vénérées sous forme de pierres aniconiques (non
figuratives) non taillées, que l’on appelle des bétyles. Les «idoles» d’Al-Uzza
et Al-Lat étaient 2 des 360 statues païennes (une par jour) de la Ka ‘aba qui
ont été détruites par Mahomet. Certaines idoles citées dans le Coran sont
d’importation yéménite, leur évocation est assez floue car le Yémen, à l’époque
de Mahomet, était depuis plusieurs siècles judaïsé puis christianisé.
- Al-`Uzzâ (l’être tout
puissant) : la déesse de l’étoile du matin. Idole pré-islamique apparentée à
Vénus/Aphrodite et personnalisée par un bloc de granit long d’environ six
mètres.
- Al-Lât la déesse) :
déesse du soleil représentée par une immense image de granit gris. Hérodote
(484-420 avant J.-C.) signale la présence d’une divinité arabe nommée Alilat (
[al+ilaha ā al-ilaha], la déesse ; alilat).
- Manât ( [manā]) :
déesse de la lune décroissante,symbole du destin du temps et de la mort ( [manāya], destin;
sort; mort). Divinité pré-islamique du sort, qui coupait le fil du destin à
l’image de Morta la troisième Parque.
Dusares,
le dieu-fils
Dusares est à l’époque le
principal dieu masculin accompagné de sa trinité féminine : Uzza, Allat et
Manat. Dusarès serait le fils de Manat, la déesse du destin, ou de la Vierge
Chaamou (prononcer Kaamou), sans doute une erreur de transcription pour Kaabou,
le Cube (forme du bétyle, la pierre sacrée divine, ou la forme du sanctuaire).
Rappelons aussi que les
dieux nés d’une vierge sont des cultes typiques du matriarcat (société sans
père ni mari, mais pas sans oncles) : vierge étant synonyme de non-mariée, et
un enfant né d’une vierge étant un enfant sans père.
Allat,
une déesse populaire
Allat ( en hébreu : Elat)
était une déesse de la fécondité et de la féminité vénérée en Arabie à l’époque
préislamique. Son nom serait une contraction de al ilahat, déesse. Elle avait
sa statue dans la Kaaba où elle était censée résider. Une inscription sur une
roche à Adumattu en Arabie dit : “Puisse Allat (la Déesse) exhausser tous nos
voeux.” Les anciens Arabes prêtaient serment par la prière : «Par le sel, par
le feu et par Al-Lat qui est la plus grande de tous.» Une autre inscription dit
: «Shalm-Allat», «la paix de la Déesse» - semblable à «la paix de Dieu sur
vous». Un geste de main de bénédiction accompagnait ces paroles. Avant l’avènement
de l’islam, on peut trouver le nom d’Allat dans certains prénoms composés,
comme Wahaballat (Wahab – Allat - c’est-à-dire «le don d’Allat», puis
Shalamallat qui veut dire «la paix d’Allat ا ». Elle a
été vénérée à La Mecque pendant plus de 2000 ans avant l’islam. Le fameux lieu
de pèlerinage islamique de La Mecque fut à l’origine son sanctuaire. Allat
signifie simplement «la Déesse» tout comme Allah signifie «le Dieu». Le T final
est féminin. Al-Lat, dont le nom est une contraction d’Al-Illahat, «la Déesse»
, est mentionné par Hérodote (Ve s. av-JC) comme Alilat, qu’il identifie à
Aphrodite. Elle est quelquefois aussi assimilée à Athéna et est appelée «la
Mère de Dieu» , ou «la Plus grande de Tous». Elle est une déesse du printemps
et de la fertilité, la déesse de la Terre qui apporte la prospérité.
Une
déesse cosmique
La déesse arabe Allat
occupe une place importante dans le panthéon syro-mésopotamien des premiers
siècles de notre ère. Identifiée, dans un contexte de syncrétisme, à Athéna,
elle prend des allures guerrières. Identifiée à Némésis, elle acquiert une
dimension cosmique fondée, entre autres, sur la tradition astronomique
babylonienne. L’iconographie complexe des reliefs du temple d’Allat à Hatra,
proche de l’art palmyréen, symbolise cette accession au rang de divinité
cosmique.
Une
déesse lunaire et agricole
Son symbole est le
croissant de lune (quelque fois montré avec un disque solaire reposant dedans).
Le soleil en Arabie était appelé Shams, considéré comme féminin, et pouvait
représenter un aspect d’Al-Lat. Les nations islamiques utilisent toujours
l’étoile et le croissant sur leurs drapeaux. En tant que déesse de la
fertilité, elle porte une gerbe de blé dans une main ; et un morceau de sève
d’encens dans l’autre. Son emblème a été retrouvé gravé sur de nombreux
encensoirs. Elle est une déesse agricole comme les autres déesses
méditerranéennes (par exemple Déméter), et aimait les gâteaux aux grains cuits
au four en offrande.
La
protectrice des animaux sauvages
La déesse est parfois
représentée assise sur son trône, portant un voile sur la tête et vêtue d’une
tunique large ; elle tient à la main gauche une palme appuyée sur son épaule
gauche. Le lion assis près d’elle indique qu’il s’agit d’une déesse maîtresse
des animaux sauvages ; une inscription isolée assimile cette déesse à Artémis,
la protectrice des animaux sauvages chez les Grecs. Les lions d’Allat sont des
statues trouvées au cours des fouilles du temple d’Allat à Palmyre, elles
représentent un lion gardant entre ses deux pattes une antilope ; le lion
représente probablement la déesse Allat protectrice de la vie sauvage
identifiée par l’antilope.
Un
sanctuaire de paix détruit par les musulmans
Elle avait un sanctuaire
dans la ville de Ta’if, à l’est de La Mecque, et était connue de l’Arabie à
l’Iran. Elle y était la divinité principale, et fut représentée sous la forme
d’une pierre cubique (météorite ou roche volcanique) autour de laquelle on a
édifié un sanctuaire, «La maison de la Déesse». Il y était défendu de couper
les arbres, de pratiquer la chasse, et de tuer ; et celui qui s’y réfugiait ne
devait pas être agressé. L’ensemble des arabes, y compris la tribu Bani-Quraïsh
(celle de Mahomet), adoraient cette déesse et faisaient des pèlerinages à son
sanctuaire. Après la prise de la ville d’al-Taïf par les Musulmans, le Prophète
Muhammad ordonna al-MughIra Ibn Shu’bah de détruire le sanctuaire d’Allat et sa
statue et de récupérer les richesses qui lui furent offertes.
Khamsa
– La main de Fatima – La main de Myriam
Allat possède une main
célèbre, que beaucoup de gens du moyen-orient portent aujourd’hui comme
talisman porte-bonheur, en ne sachant pas que c’est la main de leur ancienne
déesse : la déesse Allat pour les musulmans, et à la déesse Elat pour les
juifs. Autant les juifs que les musulmans l’utilisent. Les musulmans
l’appellent désormais la Main de Fatima. Fatima est un autre nom de la même
déesse arabe. Les juifs l’appellent la Main de Myriam, mais l’utilisation de
cette main protectrice de la Déesse est la même : chasser le mauvais oeil.
L’oeil sur l’amulette «se retourne» vers la source de la malédiction. Rejetée
par les sunnites, elle est en revanche très importante chez les chiites. Fatima
était un autre nom pour Al-lat. On l’appelle aussi la Créatrice, la Source du
Soleil et de l’Arbre du Paradis, l’Arbre de Vie. On dit que Fatima a existé dès
le début du monde matériel. Mahomet a appelé sa propre fille comme la déesse
Fatima, mais son culte était toujours violemment réprimé par les musulmans.
Uzza,
la déesse guerrière
Al Uzza, al-Uzza, El-Ozza,
Uzza, Izza.
Aussi appelée: Uzza Saïda
(«Uzza la bénie») ou S’ida ( «la bénie»).
Mentionnée dans le Coran,
‘Uzzā ou Uzza (arabe : ,(était une déesse arabe
pré-islamique de la fertilité, l’une des trois divinités les plus vénérées de
la Mecque avec Allat et Manat. Elle était très populaire : des enfants étaient
prénommés ‘Abd al-’Uzzā et souvent invoquée dans les
serments. Le nom ‘Uzzā était symbole de beauté dans la
poésie arabe pré-islamique. Surnommée la guerrière «vierge» (non mariée), elle
est la plus jeune dans la triade des déesses. Manat et Al-Lat sont considérées
comme des filles d’Al-Uzza.
Une
divinité tribale de la puissance
Al-Uzza, «la plus
puissante», a été l’une des divinités les plus vénérées par les arabes. Uzzi,
en hébreu aussi, signifie «puissant», d’où le nom de la fabrique des célèbres
pistolets mitrailleurs israéliens. À l’origine, les Sabéens (royaume de Bilqis,
la reine de Saba, dans le Yémen actuel), vénéraient Al-Uzza dont le culte s’est
répandu partout en Arabie. Elle a été très populaire dans tout le Moyen-Orient,
y compris à Jérusalem. Elle était la déesse de nombreuses tribus et royaumes
arabes du nord de l’Arabie, de la Syrie et de l’Irak, comme c’était le cas à
Palmyre et dans le royaume des Manadhziah. Elle était la déesse de l’étoile du
matin et du soir, Vénus. Elle avait un temple à Pétra (bien que celui-ci n’ait
pas été déterminé), et pourrait bien avoir été la déesse patronne de cette
ville.
De
nombreuses assimilations chez les Grecs
Les Grecs l’ont assimilé à
Urania, l’«Aphrodite Céleste» («Céleste», une épithète d’Aphrodite, aussi bien
que le nom d’une muse) et avec Caelistis, une déesse lunaire, le nom romain
pour la déesse Carthaginoise Tanit. Al-Uzza est aussi quelquefois identifiée
avec Isis. D’autres sources l’assimilent à Minerve / Athéna, ce qui ferait
d’elle une déesse vierge (non mariée) guerrière. Hérodote affirme que la déesse
suprême des arabes était Uranie, qui, dit-il a été appelée Alilat (Al-Lat). En
effet Al-Uzza était parfois confondue avec Al-Lat, conduisant certains
chercheurs à se demander si Al-Lat et Al-Uzza n’étaient pas différents noms
régionaux pour la même déesse.
Une
avatar d’Ishtar
Elle a beaucoup de points
communs avec Ishtar et Astarté, elles aussi déesses de l’Étoile du matin et du
soir. Elles sont toutes des déesses de l’amour et de la guerre, et les grands
félins étaient sacrés pour elles aussi. Elle est montrée armée comme une
bellatrix (guerrière romaine), debout près d’un arbre d’acacia, avec un
Caracal, ou lynx du désert. Ashtar (Ashtar en Syrie et dans la Mésopotamie )
est une divinité féminine veillant à la reproduction chez les animaux,
effectivement, cette planète qui est connue sous le nom de «l’étoile du matin»
, et «l’étoile du soir» est visible dans le ciel pendant deux périodes de
l’année. Durant la première période, elle apparaît comme un astre très brillant
à l’est avant le lever du soleil, et durant la deuxième période, elle est
visible à l’ouest, après le coucher du soleil. Ces deux périodes correspondent
au cycle naturel de la reproduction chez beaucoup d’animaux, d’où son nom de la
«planète de l’amour, de la fertilité et de la beauté», Aphrodite des Grecs,
Vénus des Romains, et aussi «al-’Uzza» des Arabes. Al-’Uzza était la déesse qui
symbolisait la saison de l’hiver comme Allat qui fut la déesse de l’été.
Les
mecquois, fils d’Uzza
Al-Uzza incarne la
confiance, la vigilance et la préparation. Elle est très protectrice, et est
une alliée de taille dans les batailles. Elle a été honorée par les Koreischites
(la tribu de Mahomet) comme une de leurs déesses les plus importantes. Ils se
disaient «fils d’Uzza» et imploraient sa protection dans les batailles. Les
Arabes déplaçaient les pierres qui incarnaient les divinités, pour les ériger
au milieu des champs de batailles, parce qu’ils croyaient que leur présence
parmi les combattants les protégeait et leur donnait le courage et l’aide
nécessaires pour leur apporter la victoire et vaincre leurs ennemis. D’après
les historiens arabes, Bani (la tribu) Quraïsh, avait déplacé les pierres
d’Allat et Al-Uzza dans la bataille d’Uhud
, contre la jeune l’armée islamique conduite par le prophète Mahomet.
Son
sanctuaire, détruit par les musulmans
Al-Uzza avait son
sanctuaire de Nakhlah dans une vallée de palmeraies, sur la route de La Mecque
vers l’Irak. Il y avait trois arbres d’acacia sur lesquels on disait qu’elle
était descendue. Certains érudits pensent qu’elle a même peut-être été la
divinité tutélaire de La Mecque. En l’an 8 Hégire, après la prise de la Mecque
par les musulmans, le prophète Mahomet confia à Khalid Ibn al-Walid la mission
de détruire la statue de la déesse, démolir son sanctuaire et couper son arbre.
Manat,
la vieille déesse du destin et de la mort
C’est la plus ancienne
divinité chez les Arabes ; son culte très répandu pourrait précéder ceux
d’Al-Uzza et d’Al-Lat. C’est une divinité féminine, représentée par une pierre
noire non sculptée, installée au bord de la mer rouge à Qadid, dans une région
située entre Médine et la Mecque. Le terme Manat, Manawayat, ou Menata est
dérivé des termes arabes, al-muna et
al-manyyah ), c’est-à-dire la «mort», le
« destin», la ruine et la destruction. Manat fut aussi chez les arabes la déesse
de la justice ( et de l’équité. Saint- Épiphane du IVème siècle l’appelle La
Mère de Dusarès, le dieu local de la montagne, en l’appelant par son titre
Chaamu ou Chalmous, qui signifie «jeune fille ou vierge».
Al Manat était associée
avec Némésis, la déesse pré-olympienne de la vengeance, elle même liée à
Cybèle, Artémis et Déméter.
Elle est connue à partir
des inscriptions nabatéennes : des tombes ont été placées sous sa protection,
lui demandant de maudire les profanateurs. Elle est mentionnée dans la poésie,
portant les défunts à leur tombe, et leur tendant la coupe de la mort. Elle est
représentée par une vieille femme avec une coupe, et les symboles dans le bas
de sa robe épellent son nom dans la langue sabéenne (qui n’utilise pas de
voyelles et s’écrit de droite à gauche), M-N-T. La lune décroissante sur sa
tête est un symbole de la mort. Son culte ne cessa qu’en l’an 8 Hégire où le
prophète Mahomet confia à Aly Ibn Abi Talib la mission de détruire sa statue
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