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mercredi 30 août 2017

Tu n’éduqueras pas des enfants dans l’esclavage, le fanatisme ou le sectarisme


Lorsque nous prononçons les paroles de Dieu dans le respect, nous amenons une bénédiction à l’intérieur des êtres. J’aimerais vous montrer comment un pasteur peut interpréter les psaumes. Je commenterai un psaume relié au commandement de Gabriel : tu n’éduqueras pas des enfants dans l’esclavage, le fanatisme ou le sectarisme. Nous sommes tous d’accord avec cette loi. Cela nous paraît évident, de ne pas conduire les enfants dans le sectarisme ou l’enfermement intérieur, mais nous conduisons les êtres dans ce que nous sommes nous-mêmes. Les enfants sont vulnérables comme de la terre à modeler. L’enfant veut tout goûter et la nature lui enseigne qu’il y a du bon et du mauvais. Plus tard, il comprendra qu’il n’y a pas de mauvais, que tout conduit vers la sagesse.


La façon dont nous accueillons les enfants dans la vie montre qui nous sommes réellement. Tu es ce que tu fais, ce que tu mets au monde. Jésus est toujours une référence, il dit : « Ce que vous faites au petit, c’est à moi que vous le faites. »
Nous voulons savoir ce que l’Archange veut nous dire à ce propos. Les commandements de Gabriel sont des mondes entiers, des organes précieux, des mystères. Ce n’est pas parce que tu entends la parole que tu la comprends. Nous pouvons les accueillir comme une source divine d’inspiration. Nous pouvons essayer de nous approcher de cette intelligence supérieure.
L’Archange dit : « On reconnaît l’élévation d’un peuple à sa façon de concevoir, d’accueillir et d’éduquer ses enfants. Pour chaque âge de la vie, il y a l’apprentissage et l’éducation, c’est pourquoi l’enfance demeure à travers tous les âges de la vie. »
L’enfance ne s’arrête jamais, mais si elle a été tuée, alors il n’y a plus d’apprentissage, plus de vie. La vie, ce sont les enfants et être enfant. Sans arrêt, tu es dans l’apprentissage, tu es un enfant à des degrés différents. La façon dont tu te comportes avec un enfant, c’est ta façon de te comporter avec la vie. Quand un enfant vient dans le monde, il vient de quelque part et son chemin est tracé devant lui. Il y a le Père et la Mère qui l’entourent comme le ciel et la terre dans la grande communauté. La terre et le ciel sont purs, mais le papa et la maman nous ne savons pas. La plus haute vision des parents est celle de l’amour. L’enfant est perçu comme un petit cœur, un amour. Pour la communauté et le gouvernement, la vision est plus commerciale, mais tous voient un être physique et non une âme qui vient d’ailleurs. C’est important de comprendre le regard qui est posé sur un être. Un enfant qui naît n’est pas séparé de la totalité des mondes.
Psaume : Il est évident que l’enfance ne doit pas être contaminée par une telle vision, ni enfermée dans un tel monde, c’est pourquoi je dis à tous les parents, les grands-parents et à toutes celles et ceux qui ont la fonction d’éduquer leur enfant ou les enfants, respectez le monde de l’enfance. N’y touchez pas et permettez aux enfants d’être des enfants libres dans leur monde à eux. Soyez des protecteurs, des accompagnateurs, des guides et non des dictateurs. L’expérience vous montrera que l’enfant ne pense pas, ne voit pas, ne comprend pas le monde comme peut le faire un adulte.
De 0 à 7 ans, l’enfant a besoin de se développer, il veut qu’on lui donne ce qu’il a besoin, apprendre à marcher, à parler, à manger, à regarder, à se servir de ses mains, de ses organes, c’est le centre du ventre en élaboration. Ensuite, il développe les sentiments et commence à dire « je t’aime » à ses parents, c’est le centre du cœur, l’éveil de la vie intérieure. La pensée se forme à partir de 21 ans, le centre de l’intellect. Avant d’être un homme, l’enfant doit apprendre à marcher. Il ne peut pas croire ou comprendre un concept s’il n’a pas les organes, l’intellect.
Psaume : Son approche, son mode de fonctionnement, son apprentissage sont animistes. Sachez que le monde de l’enfance est animiste.
Les adultes ont peur des enfants, de les laisser libres. C’est troublant, même les religieux croient en Dieu, mais ils passent leurs temps à se protéger contre Lui. S’ils croyaient en Dieu, ils auraient confiance en ce monde.
Lorsque l’enfant se retire tout seul pour jouer, il vit avec un monde. Il parle aux objets et des êtres derrière eux lui parlent. Il parle vraiment avec des êtres, mais il ne peut pas l’expliquer, car il n’a pas l’intellect, ni de sentiment maîtrisé.
Je me rappelle quand j’étais enfant, il y avait un monde autour. Nous sommes entourés par des êtres et nous sommes une graine qui touche la terre pour fleurir. Ce sont des mondes d’éveil bienveillants où l’enfant est naturellement dans l’extase.
Psaume : Ne le conduisez pas à devenir un petit enfant modèle.
C’est la poupée Barbie, les concours américains de danse. Naturellement dans la vie, l’enfant rencontre le plaisir, le bonheur qui le guide, puis il rencontrera le mal. Il sera surpris, décontenancé, perdu et hurlera. C’est la catastrophe, il est entier. Si la maman vient et commence à chanter, à le cajoler, à le bercer, alors il retrouve la bienveillance.
Ce qui guide l’enfant, c’est le plaisir, ce sont les racines de l’existence. Le déplaisir le redresse. Le bonheur, la félicité, c’est le tronc de son arbre qui est bien étanche et préservé pour permettre l’épanouissement, la floraison de l’intellect dans les branches, le partage avec les Dieux. L’intellect est un être de lumière ; par lui, tu peux faire des choix, développer ton intérieur. Nous allons vers les autres par l’intellect et pas forcément par le centre du cœur.

Si l’amour reçu n’est pas redonné, il est trahi parce que l’amour doit être dans l’expansion. Si l’intellect devient sombre, c’est l’avidité, tu regardes les enfants comme des produits pour avoir la puissance économique.
Il n’y a pas pires fanatiques que ceux qui luttent contre les sectes. Ils sont persuadés de ne pas être dans une secte alors qu’ils y sont, car ils luttent contre ceux qui ne pensent pas comme eux. Il n’y a pas de liberté.
Qu’est-ce que c’est marcher sur la terre, écouter des paroles, la méditation, la respiration, regarder, goûter ? C’est un plaisir, une bienveillance, un partage. Souvent les religieux ont condamné le plaisir et les matérialistes l’ont enfermé, alors qu’il faut le libérer. Quand tu as ces trois centres, les racines, le tronc et la floraison, un autre apparaît et tu es dans tous les êtres, dans ton être plus grand, tous les êtres sont honorés, c’est la sainteté.


SOURCE : Olivier Manitara, Cookshire, matin du dimanche 22 février 2015* Enseignement Essénien

samedi 26 août 2017

Le saut de la mort de la femme bison-blanc


Une jeune Santee était amoureuse d’un jeune homme qui la courtisait, mais les parents de la jeune fille refusaient qu’elle se marie avec lui, et ils quittèrent leur village pour s’installer plus au nord afin de séparer leur fille de son soupirant. Là, ils lui choisirent un riche et vieux chamane pour époux. La jeune fille avertit ses parents qu’elle n’aimait pas cet homme et se suiciderait s’ils l’obligeaient à l’épouser. Ils ne tinrent pas compte de ses avertissements et insistèrent pour qu’elle devienne la femme du vieux chamane. Elle ne vécut que peu de temps avec son mari, ne lui adressant jamais la parole.



Un jour elle empaqueta sa plus belle robe et partit dans les bois. Son époux, mécontent, l’observait sans qu’elle le voie. Il la suivit et la vit grimper en haut d’un rocher surplombant une chute d’eau. Alors, elle se peignit le visage, enfila sa belle robe et dénoua ses nattes, laissant sa lourde chevelure tomber sur ses épaules. Elle resta assise un moment, l’air triste, puis entendant un bruit, s’aperçut de la présence de son mari. Elle s’adressa enfin à lui : « Je ne veux pas de toi et pourtant tu m’as suivie jusqu’ici. » Elle entonna alors un chant de mort, ramassa son châle, s’en couvrit le visage et sauta du rocher.

Le chamane se pencha pour voir ce qui était arrivé à son épouse. A mi-chemin entre le rocher et l’eau, un épicéa poussait sur une saillie. La jeune femme était accrochée à l’arbre et se trouvait suspendue dans le vide. Durant quelques minutes, elle se balança au bout d’une grosse branche puis l’homme la vit tomber et s’écraser sur les rochers. Pendant des années, chaque fois que quelqu’un se promenait par là et évoquait le saut de la jeune femme, les vagues devenaient si hautes qu’aucun canoë ne pouvait franchir cette passe.

La Femme-Bison-Blanc, une légende matriarcale

Important personnage de la mythologie lakota La Femme Bison Blanc, l’envoyée du Grand Esprit, est censée avoir apporté au peuple lakota la Pipe Sacrée. Elle est considérée comme la médiatrice entre le Grand Esprit et le monde terrestre. La légende de Pte San Win, la Femme Bison Blanc, pourrait remonter à environ cinq cents ans et correspondre à un fait historique. Certains Lakotas pensent que Pte San Win est une personnification de Wohpe (Etoile Qui Tombe) la fille du Soleil et de la Lune, la médiatrice entre le monde terrestre et le monde céleste.

La tradition orale des Lakotas raconte qu’il y a bien longtemps, alors que le peuple lakota connaissait une période de famine et de trouble, deux jeunes chasseurs qui s’étaient éloignés dans la prairie ont vu venir à eux une belle jeune fille vêtue de blanc et portant un paquet sur le dos. L’un des chasseurs fut saisi de « mauvaises pensées » (sexuelles ?)et s’approcha d’elle. Un nuage les enveloppa. Quand il se fut dispersé, le jeune homme gisait aux pieds de la jeune fille, dévoré par des serpents.

La jeune fille demanda à l’autre chasseur de la conduire à son village, car elle avait un message important à délivrer à son peuple. Le chef Helogecha Najin (Corne Creuse Debout) fit préparer une grande loge pour la recevoir. La femme mystérieuse entra dans la loge dont elle fit le tour dans le sens de la marche du soleil et s’arrêta devant le chef assis à l’Ouest. Elle retira de son sac une petite pierre rouge et ronde et une Pipe. Tenant la Pipe à deux mains, elle dit :

« Avec cette Pipe de mystère, vous marcherez sur la Terre qui est votre Grand-Mère et votre Mère, et qui est sacrée. Chaque pas que vous ferez sur elle sera comme une prière. Le fourneau de la Pipe est de pierre rouge et il est la Terre. Le jeune Bison qui est gravé sur la pierre représente les êtres à quatre pattes qui vivent sur votre Mère la Terre. Le tuyau de la Pipe est en bois et il représente tout ce qui croît sur la Terre. Ces douze plumes sont de Wanbli Gleshka, l’Aigle Tacheté, et elles représentent tous les êtres ailés de l’air. Tous ces peuples et toutes ces choses de l’Univers sont liées à celui qui fume la Pipe. Tous envoient leurs voix à Wakan Tanka, le Grand Esprit. Quand vous priez avec la Pipe, vous priez pour toutes ces choses et avec elles … Chaque aurore qui vient est un événement sacré, et chaque jour est sacré, car la lumière vient de votre Père Wakan Tanka. Et vous devez toujours vous souvenir que les Hommes et tous les autres êtres qui se tiennent sur cette Terre sont sacrés et doivent être traités comme tels ».

Ayant remis la Pipe entre les mains d’Helogecha Najin, elle montra les sept cercles dessinés sur la pierre ronde qu’elle avait posée sur le sol. « Ces cercles représentent les sept rites dans lesquels la Pipe sera utilisée », dit-elle. Elle sortit de la loge et trouva le peuple assemblé. Elle lui donna des instructions sur la manière dont il devait vivre. Elle recommanda aux chefs la sagesse dans leurs décisions et le dévouement à leur peuple. Elle dit aux hommes qu’ils étaient les défenseurs du peuple, les pourvoyeurs de leur famille et de tous ceux qui se trouvaient dans le besoin. Aux femmes, elle recommanda l’abnégation, la diligence dans leurs travaux et le dévouement à leurs enfants. A tous elle demanda d’observer les quatre vertus de courage, de force d’âme, de générosité et de sagesse. Avant de quitter le camp, elle se tourna vers Helochega Najin :

« Regarde cette Pipe ! Rappelle-toi toujours combien elle est vénérable, et traite-la en conséquence. Souviens-toi ! En moi sont quatre âges. Je m’en vais à présent, mais je veillerai sur ton peuple au cours de ces quatre âges et à la fin, je reviendrai ».

Les femmes, leur a-t-elle dit, ont une telle puissance de voyantes et de guérisseuses, due à leurs « lunes », que les hommes sont comme des enfants comparés à elles. Alors, pour que les hommes puissent vivre des intensités comparables à ce que vivent les femmes, la femme Bison blanc leur donna 7 cérémonies.

Selon Black Elk, à la venue de la Femme Bison Blanc, les Lakotas pratiquaient déjà le rite de Purification dans la « sweat lodge », la loge à transpirer, et le rite d’Imploration d’une Vision. Après la visite de la femme céleste, les cinq autres rites leur ont été révélés à travers des visions. L’invocation avec la Pipe des pouvoirs des quatre quartiers de l’Univers est à lui seul un rituel. Il est suivi de la Garde de l’Ame des défunts, de la Danse du Soleil, de l’Apparentage entre deux personnes ou deux nations, du Rite de Puberté des jeunes filles et du Lancement de la Balle.

  • L’Inipi ou hutte de sudation fut donné aux hommes pour qu’ils puissent vivre des intensités comparables à ce que vivent les femmes lors de leurs « lunes », de leurs règles, et qu’ils puissent eux aussi avoir accès à l’état de « voir ». En 1975, le collège des anciens des tributs lakota, constatant que l’art de passer la « porte des lunes » était perdu chez les jeunes femmes modernes, les autorisa à entrer, elles aussi, sous la hutte pour retrouver de cette manière leur état de « voir ». C’est pourquoi Wallace Black Elk demande de faire des huttes mixtes.

  • L’imploration de vision, improprement nommée en français « quête de vision », se passe en pleine nature, quatre jours en prière et en jeûne pour que l’Esprit, Wakhan Tanka, accorde une vision signifiante qui nourrisse l’âme et inspire la vie.

  • Participer à la cérémonie de la danse du soleil n’est pas un passage de la puberté à l’âge adulte comme on l’entend dire souvent, mais le résultat d’un vœu. C’est une épreuve douloureuse, librement choisie et consentie, qui permet à l’homme de vivre des intensités comparable à la femme lorsqu’elle accouche. Cette intensité fait entrer dans l’état du chaman, voyant guérisseur, pendant quelques jours.

  • Les autres cérémonies, jeu de balle, apparentement, présentation de la jeune fille et le rituel du garrottage, ne sont plus ou peu pratiqués.
S’étant éloignée dans la prairie, elle se changea successivement en un jeune bison blanc, puis en un jeune bison roux, puis jaune, puis noir et disparut derrière la colline. Les paroles attribuées ici à la jeune femme sont citées par Black Elk dans le livre de John E. Brown, « Le Sacred Pipe », (Les Rites secrets des Indiens Sioux).

Vidéo : La Femme-Bison-Blanc.





Les mères garantes de la première démocratie américaine



Les Iroquois (ou Haudenosaunee) connus aussi par l’expression Cinq-Nations comprennent effectivement cinq et puis plus tard six nations amérindiennes de langues iroquoises vivant historiquement dans le nord de l’État de New York aux États-Unis au sud du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent. La plupart des quelques 125 000 Iroquois vivent aujourd’hui en Ontario au Canada et dans l’État de New York. D’autres vivent au Wisconsin, au Québec et en Oklahoma. Seule une petite minorité des Iroquois parle aujourd’hui une des langues iroquoises dont notamment près de 1 500 locuteurs du mohawk dans le village Kahnawake, au sud de Montréal.



Un état matriarcal

Les Iroquois sont ceux qui se rapprochent probablement le plus de l’état matriarcal. Le jésuite Joseph-François Lafitau qualifie les sociétés iroquoiennes d’«empire de femmes». Elles se comportent parfois en véritables guerrières amazones. Les femmes, surtout celles qui sont âgées, sont reconnues pour leur sagesse. Chez ces Indiens, c’étaient les femmes qui arrangeaient les mariages et qui, possédaient maisons et terres. Quelques-unes des plus importantes organisations cérémonielles étaient en bonne partie constituées et dirigées par les femmes et c’était dans leurs rangs qu’on choisissait trois sur six des fonctionnaires rituels de chaque clan. Les femmes nommaient leur candidat lors d’une vacance au conseil des chefs et avaient le droit de désapprouver et même d’empêcher l’élection d’un chef qu’elles jugeaient indigne. Néanmoins, c’est un fait certain que, même parmi les Iroquois, les femmes n’entraient pas dans le conseil suprême de la Ligue.

La position sociale de la femme iroquoise

Les Iroquois vivaient dans des villages de 2000 habitants et plus et étaient jardiniers ou chasseurs. Les deux sexes travaillaient ensemble à la construction des longues-maisons permanentes, habitées par environ vingt-cinq familles. Les familles qui y vivaient en face l’une de l’autre utilisaient le même feu et des séparations délimitaient les zones de sommeil de chaque famille. Comme la plupart des peuplades natives nord américaines, les iroquois furent relativement matriarcaux. Au temps des premiers contacts (autour de 1650), la femme occupe une position sociale enviable si on la compare à celle qui s’impose dans les sociétés occidentales. 

La fonction procréatrice y est valorisée, les mères exercent une forte autorité sur leurs filles et fils, la femme occupe une place centrale dans le discours religieux, ses connaissances en matière médicale sont reconnues et elle détient souvent un droit de vie ou de mort sur les prisonniers de guerre. La terre est propriété des femmes. Elles ont un droit de véto sur toutes les décisions des hommes. Ce rôle leur donnait même le pouvoir d’inciter les chefs de guerre à organiser des expéditions pour venger la mort des membres de leur famille ou de la même lignée.



La mère possède la terre, le foyer, et les enfants

Article 44 de la constitution iroquoise :  » La descendance se fait par le lien maternel. Les femmes sont la source de la Nation, elles possèdent le pays et sa terre. Les hommes et les femmes sont d’un rang inférieur à celui des mères ».

L’usage d’un objet entraînant sa possession chez les nations sauvages, la Mère, qui a charge de la demeure et de ses provisions, est maîtresse de la maison et de ce qu’elle renferme ; l’homme ne possède que ses armes et ses instruments de pêche et de chasse. Les enfants appartiennent à la mère, qui les a engendrés, nourris, élevés et logés ; la fille lorsqu’elle se marie, ne quitte pas la demeure maternelle ; le mari est un hôte, qui doit lui procurer des vivres. Le foyer servant à la préparation des aliments est propriété de la Mère et de sa fille aînée, quand elle meurt. Les matrones de la longue-maison contrôlaient la répartition de la nourriture et des autres marchandises qui assuraient le bien-être du groupe.

« Parmi les Iroquois…les enfants sont de la tribu de la mère, dans la majorité des nations; mais la règle, même si elle était universelle depuis l’antiquité, ne l’est plus aujourd’hui. Quand la descendance de la lignée maternelle prévalait, elle était suivie par d’importants résultats, dont le plus remarquable était que la lignée paternelle était constamment déshéritée. Puisque tous les titres ainsi que les propriétés descendaient de la lignée maternelle, et étaient héréditaires, strictement, dans la tribu elle mêle, un fils ne pouvait jamais succéder au titre de son père en tant que Sachem, ni hériter de sa médaille ou de son tomahawk »

– McLennan 1970 [1865]:51



jeudi 17 août 2017

Définition du totem, une parenté matrilinéaire


Le mot « Totem » est apparu en 1791 avec les observations de J. Long chez les Indiens Ojibwa d’Amérique du Nord. C’est d’ailleurs de leur langue que fut tiré le mot lui-même : « ototam » en ojibwa signifie « parenté frère sœur utérins (enfants d’une même mère) » c’est-à-dire parenté matrilinéaire. Cette superposition du nom générique des groupes et d’un lien généalogique à la mère se retrouve en Afrique du Sud chez les Mashona et les Matabele : « mutupo » renvoie ici à la fois au Totem et au sexe (interdit) de la sœur utérine.



Un animal ancêtre, esprit de la lignée maternelle
Animal sacré, ancêtre cosmique incarnant un groupe familial. Le totem est à la fois l’esprit éternel du clan, de ses membres passés, présents et futurs, décédés, vivants, et à naître; mais il incarne aussi la propriété collective indivisible et éternelle du clan, son territoire, sa terre ancestrale. Les animaux totémiques ont évolué jusqu’aux formes héraldiques (armoiries) plus récentes. Titre définissant l’appartenance à une gente, une cellule (famille, clan, tribu, nation…). La nationalité et la famille sont des totems. L’individu a donc autant de points de référence (totems) qu’il y a de niveaux de segmentation. C’est un titre juridique multi-dimensionnel : le totem est une entité à la fois familiale, spirituelle, et territoriale. C’est à la fois la famille ou la nation, le patrimoine ou la patrie, et l’identité familiale ou nationale.

Origines de l’ours en peluche : Il est fort probable que la coutume traditionnelle de mettre un ours en peluche auprès des nouveaux nés soit issue d’anciens cultes animistes, où l’ours représente alors un animal totémique protecteur.

Droit totémique
C’est l’appellation ethnologique du droit associatif. Règle qui définit l’appartenance d’un individu à un groupe, une cellule, une gente, sur la base du port d’un totem, titre d’appartenance définissant ses membres. Ce titre est transmissible et interchangeable.

Famille = totem = association = parenté = adoption = mariage

La famille associative matrilinéaire par défaut : le droit totémique définit la famille comme une libre association, définie d’abord par le lien maternel (la famille est matrilinéaire par nature), d’un nombre exact d’individus, quels que soient les liens sentimentaux ou du sang qui relèvent du domaine privé. Ni hétérosexuel, ni homosexuel, il ne doit pas y avoir de statuts fondés sur la sexualité, qui relève du domaine privé. Les membres sont liés entre eux par le devoir de solidarité mutuelle (comme entre époux, père, fils, mère, fille, frère, sœur…), et par le droit de jouir de la propriété collective familiale indivisible de l’association. Ainsi, la solidarité inter-générations est assurée. La famille étant matrilinéaire par défaut, c’est donc par défaut le frère de la mère, l’oncle maternel, qui est responsable des enfants, et non le géniteur. Il est possible de changer de famille à volonté, par simple procédure d’adoption : un individu ne peut appartenir qu’à 1 seule famille. Tout individu est expulsable par sa famille. Le mariage et le divorce ne sont plus qu’une simple adoption, un changement de famille, de totem.

Mariage = divorce = adoption = changement de parenté = association

Modularité : Il est possible de créer de nouvelles familles, de les fusionner ou de les fissionner. Cette flexibilité permet à ce système clanique d’être compatible avec une civilisation urbaine, industrielle et nomade.


samedi 12 août 2017

L’aspect sacré et spirituel des menstruations


Renouer avec sa lunaison intérieure 

Comme la lune, les femmes ont également une lunaison intérieure : leur cycle menstruel. Prendre conscience des liens entre le cycle menstruel et le cycle lunaire permettrait de créer des liens forts et intimes avec notre féminin sacré. 

En effet, en plus de présenter un cycle mensuel comme l’astre lunaire, le corps de la femme présente aussi une autre caractéristique qui la lie encore plus à la Mère-Terre : les 4 phases cycliques des menstruations. Comme les 4 saisons d’une année, l’activité hormonale liée aux menstruations, fait passer la femme dans 4 états de conscience, modifiant son comportement et la façon de percevoir la vie. 



Nouvelle Lune : l’Hiver – Menstruations Marquée par le premier jour des règles, cette période est un temps pour célébrer sa féminité, en prenant soin de soi avec respect et amour. En résonance avec la saison hivernale, elle est une période d’introspection, de gestation, terreau fertile où la vie s’élabore. 

Lune Croissante : le Printemps – Phase pré-ovulatoire – L’aspect Vierge de la Déesse en nous Voici la phase ascendante et progressive du cycle. La fertilité évolue de façon croissante pour atteindre son maximum. C’est une période de renaissance, exprimant la jeunesse du cycle. La femme est débordante d’énergie, enthousiaste et portée vers le monde extérieur, le corps et l’esprit étant stimulés par une énergie accrue. 

Pleine Lune – l’Été – Phase ovulatoire – L’aspect Mère de la déesse en nous La puissance du féminin sacré à son paroxysme. C’est l’expression de la pleine maturité physiologique, marquée par une période de stabilité et d’harmonie. Ce passage de la fertilité à l’infertilité est l’axe charnière du cycle, un temps « hors du temps », intemporel et magique. La femme va puiser la force intérieure de sa nature féminine profonde pour l’exprimer et l’irradier avec générosité. 

Lune décroissante – l’Automne – Phase post-ovulatoire – l’aspect Aïeule de la Déesse en nous Durant cette phase, la femme entre dans un processus évolutif tourné vers les aspects intérieurs et obscurs de la nature féminine. L’énergie physique diminue et les pensées deviennent confuses, alors que les facultés créatrices et intuitives se développent. Cette énergie quelque peu chaotique pourra s’exprimer positivement si la femme l’accueille favorablement, lui permettant ainsi de développer son instinct et son intuition. 

Au contraire, et c’est ce qui est majoritairement le cas, cette énergie est souvent mal gérée, car l’instinct et le mental, étant deux polarités, se confrontent. Ce qui peut être émotionnellement très éprouvant et explique notamment la « mauvaise humeur » des femmes à l’approche de leurs règles. Il est donc important de trouver des activités « exutoires » qui permettront d’évacuer les tensions et de profiter en même temps de cette énergie créatrice. 

Se synchroniser à nouveau avec la Lune L’exercice qui suit, crée par Karen Morand, naturopathe suisse spécialiste en « naturogynécologie », a été repris tel quel pour que toute femme intéressée puisse l’expérimenter. 

« Observez puis notez comment vous percevez le vécu de votre journée : - au niveau physique (Quelle est ma vitalité ? Suis-je en forme ? Quelle est la qualité de mon sommeil ? Suis-je à l’écoute des maux de mon corps ? Comment se manifeste ma sexualité ?) 

- au niveau émotionnel (Quelles sont mes peurs ? Quels sont mes sentiments, mes émotions ? Ai-je de la colère, de la frustration, de la joie, etc. ? Quelle est mon attitude, mon comportement à la maison, au travail ?) - au niveau mental (Quel est mon niveau de concentration ? Facilité ou difficulté à faire des choix ? A communiquer ? Ai-je des tensions, des contrariétés ?) 

- au niveau spirituel (Suis-je à l’écoute de mon intuition ? Est-ce que je me fais confiance ? Est-ce que je m’autorise à faire émerger mes ressentis profonds ? Quelle est la nature de mes rêves ?) 

Chaque femme, adolescente et adulte, pourra entrer dans l’observation et la connaissance de son cycle au fil des lunes. Plus elle sera observatrice et portera son attention sur les liens étroits qu’elle tissera au fil des mois avec la lune, plus elle affinera ses perceptions pour faire éclore les mille et une richesses du trésor qu’elle possède en elle. La femme enceinte n’est plus soumise aux fluctuation cycliques durant les 9 mois de sa grossesse. 

Elle vit cette période dans une bulle hors espace-temps, sous la protection bienveillante de la Lune. Elle pourra vivre ce moment privilégié avec plus de conscience du lien qui la relie aux phases de la Pleine Lune par une activité propice à la méditation ou la contemplation. Cela lui permettra de développer ses qualités intuitives et de créer une communication privilégiée en conscience avec son bébé. 

La femme ménopausée n’est plus dépendante du cycle, mais englobe la totalité des qualités de celui-ci. L’aspect physiologique de procréation va progressivement diminuer et sa puissance de vie va s’orienter vers un processus de transformation intérieure. N’ayant plus ses propres cycles comme axe de référence, elle est libre de toute fluctuations et peut se consacrer à faire émerger les qualités des phases lunaires dans la recherche de leur équilibre respectif.

Lorsque le sang coule en pleine lune ou en nouvelle lune Lorsque le corps n’est pas soumis à un mode de contraception hormonal qui l’éloigne de son ressenti et de son lien avec la lune, la femme peut alors observer que ses règles surviennent généralement autour de la Nouvelle Lune (lune noire) ou de la Pleine Lune. 

Le processus de croissance de la Nouvelle Lune à la Pleine Lune accompagne généralement la physiologie du cycle qui évolue du 1er jour des règles (Nouvelle Lune) à l’ovulation (Pleine Lune). On peut aussi rencontrer le phénomène inverse, c’est-à-dire l’arrivée des règles au moment de la Pleine Lune et l’ovulation au moment de la Nouvelle Lune. 

Les autres phases lunaires sont des périodes de transition, surtout lors de cycles irréguliers. Il est aussi intéressant de constater qu’une femme qui crée un lien quotidien avec la Lune peut voir son cycle se régulariser naturellement après quelques mois. Plus on vit dans l’attention et la conscience, plus on met son énergie et sa puissance active à la transformation. 

Avoir ses règles en Nouvelle Lune (lune noire) ou avoir ses règles en Pleine Lune dépend de l’énergie vitale du moment. En effet, les menstruations génèrent une déperdition d’énergie par la perte de minéraux, de fer notamment ce qui peut générer une fatigue accentuée durant ces jours. La lune, symbole de l’élément eau, gère tous les fluides de la Terre (marées, sève) et de l’Homme (sang, lymphe), mais aussi les émotions et les sentiments. N’oublions pas que nous sommes constituées au minimum de 70% d’eau… 

Comme une discrète et fidèle compagne, elle va nous insuffler un maximum de son énergie durant son plein rayonnement. Instinctivement, l’intelligence cellulaire va accueillir cette force supplémentaire selon ses besoins. 



Les effets de la lune en seront régulateurs ou perturbateurs. Lorsque l’organisme est épuisé, il va naturellement rechercher l’apport énergétique supplémentaire de la Pleine Lune, durant sa période la plus vulnérable que sont les règles. Son épuisement sera par contre accentué si les règles surviennent en période de Nouvelle Lune par l’effet aspirant de celle-ci, pouvant se manifester par des tensions ou un malaise lié à un vide. Au contraire, si une femme est fatiguée par un trop plein de tensions nerveuses, la Pleine Lune risque d’accentuer ses symptômes et la rendre irritable ou insomniaque, alors que la Nouvelle Lune permettra de faire diminuer cet excès. 

Si la femme est naturellement en forme, elle pourra avoir ses règles en Nouvelle Lune ou en Pleine Lune sans en sentir d’effets perturbateurs. Les menstruations en Pleine Lune lui permettront alors d’aller puiser toute sa créativité intérieure pour la mettre à la lumière et faire surgir de nouvelles ressources. Observez durant quelle phase lunaire se manifestent vos règles ou votre ovulation et prêtez attention à votre état énergétique. Par le corps, s’exprime le flux de la Vie. 

Il est l’outil d’expression qui véhicule notre état d’être, avec sensibilité et réceptivité. La compréhension du mystère des cycles et de son vécu, ouvre chez la femme une voie d’épanouissement, de confiance et de liberté lui permettant de gérer tous les aspects physiques, émotionnels, psychiques et spirituels de sa féminité. »

vendredi 4 août 2017

Les femmes sont-elles victimes des religions ?


Faut-il rétablir la communauté monastique féminine?

Depuis le milieu des années 80, un débat tout à fait nouveau s'est élevé au sein de la communauté bouddhiste, en Asie comme en Occident: faut-il rétablir la communauté monastique des femmes (bhikkhuni)?
Alors qu'il existait par le passé trois lignées d'ordination différentes, une seule s'est perpétuée jusqu'à nos jours, dans trois pays d'Extrême-Orient: Chine, Corée et Vietnam. Celle du Tibet n'a connu qu'une existence assez brève; celle de Ceylan, liée à l'école Theravâda, perdura quatorze siècles mais disparut au XIe siècle. De plus en plus de femmes, surtout en Asie du sud-est (de tradition Theravâda), souhaiteraient pouvoir bénéficier à nouveau de ce statut de "renonçant(e)". Mais, jusqu'ici, les autorités religieuses Theravâda ont toujours refusé de les prendre en considération, arguant que la lignée d'ordination ne pouvait être rétablie.
Ce refus, vécu comme une discrimination sexiste, provoqua une véritable prise de conscience "féministe": au cours de ces dernières années plusieurs associations de femmes bouddhistes se sont créées, des réunions de réflexion et des colloques ont été organisés… Leur sujet de prédilection est très clairement le rétablissement de l'ordre féminin.

Il est intéressant de noter que cette question a été soulevée à l'initiative de "bouddhistes féministes" américaines et, bien que les Occidentales ne soient pas majoritaires dans ce mouvement, leur influence y est évidente! C'est là un nouvel exemple de l'impact direct des modes de pensée occidentaux sur le bouddhisme, phénomène sensible depuis plus d'un siècle et qui soulève nombre d'interrogations jusque-là inconnues… Une telle revendication ne fait pourtant pas l'unanimité, même parmi les femmes. Si la majorité la plus audible réclame ce qu'elle considère comme un "droit", d'autres font remarquer – à juste titre – que le statut de bhikkhuni n'est pas indispensable pour parvenir aux plus hauts degrés de réalisation spirituelle, y compris l'Eveil.
Cette question constitue en fait un véritable"cas d'école… Elle pose la question de la validité de la Tradition et celle, complexe, des relations que le sangha monastique entretient avec la société civile.
Qui détient le pouvoir de restaurer l'ordre féminin? Est-ce possible, voire souhaitable?…
La Tradition veut que les ordres monastiques et leurs règles de transmission aient été institués par le Bouddha lui-même. Pour qu'une ordination soit valide, il faut que puisse être réuni un collège minimum de bhikkhu et de bhikkhuni, pleinement ordonné(e)s, qui assurent la pérennité d'une lignée ininterrompue. Seul un Bouddha semble ainsi détenir le pouvoir de "création" d'un ordre et le sangha a le devoir de le perpétuer. Provoquer un schisme au sein de la communauté (et un tel schisme ne concerne pas tant la Doctrine que, justement, la transmission de l'ordination…) est considéré comme l'une des cinq actions qui mènent directement dans le plus profond des Enfers!
Cela n'a pas empêché le bouddhisme d'en connaître plusieurs, et les lignées d'ordination de se multiplier au fil des siècles. Les trois qui demeurent aujourd'hui ne se distinguent que par le nombre de leurs préceptes - différences qui portent sur des points généralement mineurs. Or le Bouddha a déclaré qu'on pourrait, après sa disparition, supprimer certaines règles "mineures"; mais personne ne lui ayant demandé quelles étaient ces règles, le premier concile – qui, d'après la Tradition, se tint quelques semaines après sa mort - décida de les conserver toutes…
Profondément respectueux de cette tradition conciliaire, les bhikkhu du Theravâda refusent donc le "rétablissement" de l'ordre des bhikkhuni. Cette lignée d'ordination ne pourrait être rétablie – ou plutôt "recrée" - que par un nouveau Bouddha… Mais le prochain Bouddha à venir n'est attendu que dans quelques milliards d'années!
Une solution serait d'accepter que les femmes reçoivent la transmission des bhikkhuni d'Extrême-Orient. Si les autorités du bouddhisme tibétain n'y voient aucun inconvénient - les différences entre les lignées du Mûlasarvâstivâda et du Dharmaguptaka sont infimes et, pour une école relevant du Mahâyâna, la reconnaissance ne pose pas de problèmes insurmontables - il en va tout autrement pour la lignée du Theravâda qui les considère comme "schismatiques"!
D'autres arguments peuvent être avancés. L'enseignement fondamental du Bouddha est que "tout ce qui est soumis à l'apparition est soumis à la destruction": il est donc dans l'Ordre des choses que le sangha lui-même puisse disparaître et nul n'y peut rien… On pourrait dire aussi qu'accepter une telle revendication ne serait que satisfaire un désir, alors même que la pratique bouddhique vise à libérer de tout désir! Le Bouddha lui-même a d'ailleurs tout d'abord refusé de répondre à la demande de sa mère nourricière… Mais si Ananda parvint à le faire changer d'avis, c'est qu'il avait présenté la requête, non pas comme un désir, mais comme un "droit": parce que les femmes peuvent atteindre l'Eveil en suivant les règles de conduite du sangha, nul ne devait pouvoir prétendre les en priver, pas même un Bouddha!
Nous avons aussi insisté, dans notre article général, sur le fait que la mise en pratique de la Doctrine bouddhique tenait à respecter les conventions sociales. Un respect particulièrement sensible en ce qui concerne les femmes, à leur avantage comme à leur détriment: si elles ont plutôt bénéficié du bouddhisme dans la société civile, ce sont les conventions qui leur ont imposé de nombreuses règles supplémentaires dans le sangha monastique.
Or, les conventions ont très profondément évolué au cours des dernières décennies et l'égalité de principe entre hommes et femmes constitue l'avancée sociale la plus considérable que le XXe siècle ait connue. Dans quelle mesure le sangha bouddhiste doit-il en tenir compte ? Bénéficier à nouveau d'une "ordination plénière" est-il un "droit" que les femmes bouddhistes contemporaines peuvent revendiquer?
On pourrait enfin arguer que les règles mineures (incriminées dans les autres lignées) n'ont été établies que pour tenir compte de conventions en usage dans les pays d'accueil, et qu'on pourrait donc tout simplement les supprimer! Mais les bhikkhu du Theravâda s'abritent alors derrière la décision du premier concile: ne rien modifier puisqu'on ignore quelles règles le Bouddha considérait comme "mineures"…
Les arguments ne manquent donc pas, tant du côté des détracteurs que des promoteurs.
Quelle que soit la manière dont on aborde le problème, il met en évidence une difficulté qui fut récurrente dans l'histoire du bouddhisme. On admet que la Doctrine du Bouddha relève du domaine "supra-mondain", non conventionnel, et que les conventions, au contraire, relèvent du "mondain". Mais qu'en est-il de la Tradition fixée par les conciles ? Instituée à l'occasion de circonstances particulières, ne relève-t-elle pas elle-même du "mondain" ? La considérer comme durable et indépendante des circonstances qui l'ont vu naître reviendrait à dire qu'elle "existe en soi" - croyance qui constitue, selon l'enseignement du Bouddha, l'origine même de la souffrance qu'il voulait éradiquer…! La Tradition ne risque-t-elle pas de devenir ainsi elle-même source de souffrance ? Et les femmes d'en être les premières victimes ?

Nous ne trancherons pas la question… Mais, dans les faits, certains l'ont bien considéré ainsi. Le 15 février 1998, dans la ville sainte par excellence du bouddhisme, Bodh-Gaya (lieu où le Bouddha a connu l'Eveil), 140 femmes, asiatiques et occidentales, ont ainsi reçu l'ordination transmise par 15 bhikkhuni de Taïwan, en présence de bhikkhu de diverses traditions, du Mahâyâna - tibétains, vietnamiens et chinois - mais aussi du Theravâda - thaïlandais et sri-lankais!
Reste à savoir, désormais, l'accueil qui sera fait à ces bhikkhuni "schismatiques" dans les pays Theravâda d'Asie du sud-est… Les autorités religieuses thaïlandaises et sri-lankaises, très majoritairement, ont fait savoir qu'elles ne les reconnaîtraient pas. Mais le gouvernement thaïlandais s'en est ému récemment. La constitution de Thaïlande – pays "officiellement" bouddhiste – prévoit en effet un statut légal très précis pour les bhikkhu. Non reconnues par leurs homologues masculins, les bhikkhuni nouvellement ordonnées se retrouveraient de fait "hors la loi"… situation que le ministre de l'éducation ("ministre de tutelle" du sangha) a considéré publiquement comme "préoccupante", appelant les bhikkhu à prendre en compte ces circonstances nouvelles!
Une fois encore, la société civile risque donc d'influer directement sur le sangha. Mais on ne peut prédire, aujourd'hui, si les femmes en seront les "victimes" ou si, au contraire, elles seront à l'origine d'une évolution considérable, encore impensable il y a quelques décennies. La Doctrine est demeurée pérenne et joue toujours, plutôt, en leur faveur; les conventions sociales aussi, désormais… Seule, la Tradition conciliaire résiste. Doit-on considérer qu'elle risque, elle-même, d'être "victime" des femmes?
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Ce texte de Dominique Trotignon est extrait de l'ouvrage "La Femme" produit sous la direction de Evelyne Martini (avec Malek Chebel, Vasundhara Filiozat, Arlette Fontan, Philippe Haddad, Elisabeth Parmentier, Dominique Trotignon), collection "Ce qu'en disent les religions", Editions de l'Atelier, Paris 2002, 176 pages, 15,50 Euro.