Le mode de vie dans les archipels, et particulièrement sur l’île de Canhabaque (3500 habitants), la plus traditionnelle des îles, est resté pratiquement intact et n’a pas ou peu subi l’influence de la civilisation moderne… La maison est la propriété de la femme et l’homme emménage chez sa femme, dit matrilocale. Fondé sur un principe matrilinéaire, le système bijago attribue aux femmes un rôle incontournable dans le monde religieux, leur conférant le pouvoir de contrôler largement la vie sociale. Ils représentent dans le pays l’exemple type de la société traditionnelle, dont les îles permettent l’isolement du continent et du «développement ». La femme est le chef de la famille, et a le droit de choisir et de divorcer de son mari à volonté. Le mari n’a aucun droit sur les enfants et ceux-ci portent le nom de famille de leur mère. La brousse et la mer (chasse, pêche) sont principalement le domaine des hommes ; alors que toute la zone du village, l’éducation des enfants et les questions spirituelles, sont sous la principale responsabilité des femmes.
Structure clanique matrilinéaire
Bien que le père transmette son patronyme aux enfants, c’est la mère qui
choisit le prénom, et c’est à son clan qu’ils sont liés. Les Homi Grande (Homme
Grand – ou Femme Grande) encadrent la vie sociale, économique et culturelle du
monde Bijogo. Chaque village est autonome, chaque île aussi mais tous se disent
descendants de l’un des quatre "clans" d’origine. Le pouvoir des
femmes y est important, sans pour autant représenter un véritable pouvoir
matriarcal (à l’exception de Canhabaque). Il
faudrait plutôt parler de pouvoir de la lignée matriarcale : on appartient
à une lignée matriarcale, à un clan, à un village, puis à une île et pour finir
au peuple Bijogo.
Des clans organisés par sexe et par classes d’âge.
Les Bijagós ont une organisation sociale complexe, basée sur quatre
clans matrilinéaires ayant chacun des pouvoirs et des droits qui lui sont
propres. Ce système clanique défini ainsi de façon très claire la division
territoriale des îles de l’archipel. Cette société s’articule aussi autour des
tabancas (villages), unités politiques et économiques de base qui jouit d’une
autonomie décisionnelle et d’une quasi autosuffisance socio religieuse et
économique (INEP-PNUD, 1991). Les clans sont organisés par sexe et par classes
d’âge, chacune ayant un rôle et des devoirs bien précis au sein de la société.
Ainsi les canhocám, de 12 à
17 ans sont initiés aux travaux agricoles et aux règles sociales puis les
jeunes cabarosentre 18 et
27 ans vivent une période de loisirs et de conquêtes amoureuses durant laquelle
le travail est irrégulier. Les cérémonies religieuses occupent une place
prépondérante, près de trois mois par année, dans la tradition Bijagó. Un
fanado (principale cérémonie des Bijagós) sur l’île de Canhabaque peut ainsi se
poursuivre pendant plusieurs années.
Liberté sexuelle : ni circoncision, ni excision.
Les Bijago sont la seule ethnie de Guinée-Bissau à ne pas pratiquer la
circoncision des garçons, ni l’excision des filles. « Ici, quand une femme veut un
homme, elle ramasse des coquillages sur la plage. Elle prépare un bon plat et
le pose devant sa case. S’il le mange, cela veut dire qu’il accepte de
l’épouser », explique une jeune fille qui n’est pas encore mariée.
Une de ses aînées lâche en riant : « Beaucoup d’hommes aimeraient
les épouser, mais ils n’ont pas le droit de formuler la demande. Ici, cela ne
se fait pas. Ce serait considéré comme choquant, c’est aux femmes de choisir…
Une fois qu’elles ont été initiées par les prêtresses dans les îles sacrées. » Avant d’être initiées et de jeter leur
dévolu sur un époux, elles choisissent des amants à leur guise. « Ici, il n’y a pas de tabou autour de la sexualité. Nous pouvons
avoir des relations avec qui bon nous semble, même si nous ne sommes pas encore
mariées ou initiées. Les femmes font ce qu’elles veulent. C’est notre dieu
Nindo qui en a décidé ainsi », explique une autre.
Les hommes ne font que trois
choses
En 1594, déjà, un voyageur, Alvarès d’Almada, note que, sur cette île, « les hommes ne font que trois choses : la guerre, construire les
embarcations et récolter le vin de palme. Tandis que les femmes font tout le
travail qu’ailleurs font les hommes. » (Extrait du livre de Christine Henry).
Cette domination féminine s’exerce aussi sur les rapports amoureux. La
femme décide de son époux. Ce qui n’est pas fréquent dans les familles rurales
africaines. Une fois mariée, elle peut s’en défaire aisément si elle n’est plus
heureuse. « Les femmes sont libres de
choisir, c’est comme ça, souligne Domingo Salvo, un époux qui
ne voit aucun problème dans ce système. En plus, il est facile de
changer de mari, car nos mariages sont traditionnels et non officiels. »
Les Bijagos sont polygames. Ainsi, treize femmes ont pris le père de
Domingo Salvo comme mari. « Les hommes mariés peuvent être
choisis par une autre femme que leur épouse. Il n’y a pas d’interdits. Même si
cela n’empêche pas les tensions entre coépouses »,note Raoul
Mendes Fernandes, chercheur en sciences sociales à l’Institut national d’études
et de recherche (Inep) de Bissau.
Sous l’autorité des prêtresses
Okinka
L’île est gouvernée par une reine. Il existe aussi un roi, mais son rôle
y est limité, il est un simple porte- parole. Ils ne sont pas mariés entre eux.
Chaque village est dirigé par un conseil de femmes élu pour un mandat à vie.
Les réunions sont interdites aux hommes. Les femmes prennent toutes les
décisions importantes au village. Que ce soit pour les rituels, les traditions
comme en particulier les décisions concernant la retraite des femmes et des
hommes (voir ci- contre). On pourrait dire qu’elles ont un pouvoir exécutif,
administratif et judiciaire. Elles décident des affaires importantes du tabanca
(village).
Chaque village est placé sous l’autorité du conseil des anciens présidé
par son roi et la prêtresse du village. Elles sont les intermédiaires entre les
hommes et les esprits. La société Bijagos est matriarcale au sens où les femmes sont les
maitres de cérémonies et dotées de puissant pouvoirs. C’est sous un arbre
sacré, un Fromager que les prêtresses rendent leurs décisions de justice. Elles
incarnent l’esprit des défunts et démontrent parfois leur pouvoir en terrassant
des singes d’une simple tape. Des
cérémonies d’initiation (Fanado) se déroulent toujours assurant ainsi la
continuité de cette culture très subtile . Le pouvoir des femmes y est
important , c’est le pouvoir de la lignée matriarcale. On appartient à une
lignée matriarcale, à un clan, à un village, puis à une île et pour finir au
peuple Bijogo. Sous régime « matriarcal » les femmes possèdent tous
les biens , mais font tous les travaux…les hommes cultivent et pensent…
Dominga est une prêtresse : les esprits se sont incarnés en elle
pour lui enseigner le respect des aînés, les coutumes, les relations avec les
hommes : « Nindo a créé l’homme
pour récolter la sève de palme, sarcler les champs, chasser le macaque, pêcher,
aider la femme en tout, explique Neto, un habitant de l’Archipel. Car c’est la femme qui est la plus forte et la plus intelligente,
et même si, nous, nous aimerions commander et organiser, nous ne nous sentons
pas capables d’être les “chefs de famille”. C’est la tradition de nos
ancêtres. » « C’est ainsi que le veut
Nindo, qui vit dans le ciel avec les défunts » confirme Dominga.
«
Oui, en effet, dans la communauté, aucune décision ne peut être prise sans
l’accord des prêtresses. Elles sont en contact direct avec les forces
spirituelles, avec Nindo. Une fois que leurs décisions sont prises, elles sont
irrévocables. Un individu qui ne les respecterait pas serait banni, chassé de
l’île. C’est tellement impensable que le cas ne s’est jamais produit ».
Orango, l’île dirigée par les
femmes
La plus grande des îles, Orango Grande, qui abrite aussi le parc
national des Bijagos, est le fief des femmes au pouvoir. Si les villages ont
leur chef, c’est aux prêtresses, descendantes de la reine Pampa Kanyimpa,
que revient le pouvoir suprême. Aucune décision ne peut être prise sans leur
accord et leurs jugements sont irrévocables. Ne pas les respecter reviendrait à
se faire chasser de l’île. Et toute la communauté repose sur un schéma
matriarcal. Les femmes choisissent ici leurs amants et plus tard leur époux.
C’est à elles aussi que reviennent les éventuelles initiatives de divorce et
les enfants restent à leurs côtés quoiqu’il advienne. À Orango, les femmes ne
contrôlent pas seulement la vie spirituelle. Dans cette microsociété
matrilinéaire (le lien de parenté se transmet de la mère à l’enfant), elles
possèdent les sols, les rizières et décident de la construction des maisons.
Le temple de la reine-déesse et
du dieu Nindo
Dans un temple sacré sont vénérés les esprits des ancêtres, notamment
ceux de la reine Pampa Kanyimpa, que les Bijagos considèrent comme une
divinité. Deux femmes d’âge mûr surveillent l’entrée du temple. Personne n’a le
droit de toucher la porte du temple. Même les villageois n’y sont pas
autorisés. « S’ils le faisaient, ils
seraient condamnés à sacrifier un bœuf pour calmer la colère des dieux »,
prévient la grande prêtresse. En protégeant toujours la porte, elle ajoute : « Nindo veut que les décisions
soient prises par les femmes, car les hommes ne sont pas à même de faire des
choix judicieux pour l’avenir de la communauté. » À l’intérieur du temple, les
prêtresses allument un feu sacré afin d’invoquer les mânes des ancêtres. Elles
psalmodient le nom de Pampa Kanyimpa, la reine défunte. Elles acceptent d’être
prises en photo, mais sans le “chef” du village. Car il n’occupe pas un rang
assez important pour être sur le même cliché que les prêtresses qui régissent
la vie de la communauté.
La reine Pampa Kanyimpas,
résistante aux colons portugais
En apparence, Eticoga ne diffère en rien des autres villages
bissau-guinéens. Le jour, les femmes pilent le mil, lavent le linge dans des
bassines en plastique, ramassent les coquillages, essentielle source de
protéines des habitants. Les fillettes défilent pour récupérer l’eau du puits.
La nuit tombée, des lampes de poche à l’effigie de Barack Obama, et des bougies
pallient l’électricité qui n’est toujours pas installée.
Pourtant, il semble que le pouvoir des femmes soit établi pour
longtemps, dans ce village de 3 400 habitants. Eticoga héberge la
sépulture de la reine Pampa Kanyimpas. C’est le chef du village en bermuda,
chemise trop large et sandales bleues en plastique qui vous pousse la porte du
caveau, orné de scènes de vie de la reine.
Les Bissau-guinéens vouent un véritable culte à la plus célèbre
souveraine des Bijagos. Malgré des rapports tendus avec l’ancienne colonie
portugaise, la Reine a su conclure un accord de paix juste pour son peuple.
Pampa Kanyimpas a régné jusqu’à sa mort, en 1923.
Une société initiatique
Tout au long de leur enfance et de leur adolescence, les jeunes sont
entièrement pris en charge par leurs familles. Ils ne travaillent pas et, à
partir d’un certain âge, peuvent avoir une activité sexuelle avec plusieurs
partenaires. Mais lorsqu’ils parviennent à l’âge de 22 ans, tout change et ils
doivent s’exiler dans des îles éloignées de leur village où ils consacrent leur
temps au travail et à l’initiation. Cet exil est obligatoire car il est vu
comme une initiation pour passer du statut d’adolescent à celui d’adulte.
Chaque Bijago appartient à la classe d’âge qui lui est propre et en change tous
les 8 ans avec, à chaque fois, un nouveau rituel qui lui permet d’accéder à
l’univers des ancêtres et de revivre dans l’au de là.
En route vers le patriarcat
La résidence est patrilocale et la filiation matrilinéaire. La société
s’organise non pas autour des clans, qui ne sont pas des groupes organiques,
mais plutôt autour des classes d’âges. Fortement hiérarchisés, mais sans
pouvoir central, les villages sont régis par le conseil des anciens, les aînés,
qui exercent des fonctions d’arbitrage, dirigent l’économie et contrôlent les
institutions sociales et religieuses. La vie matrimoniale des Bijago et la
maternité dépendent entièrement de l’initiation. Or l’initiation féminine n’est
elle-même qu’une contribution à l’initiation masculine.
Le mariage n’est pas un commerce
Bien que la résidence soit virilocale et patrilocale, la filiation est
matrilinéaire. Les épouses et leurs enfants habitent la maison du père, mais la
descendance appartient au clan de la mère. Le mariage est exogamique au niveau
du clan mais de tendance endogamique au niveau du village. Les mariages à
l’extérieur du village supposent le déplacement de la femme dans le village du
mari, où elle devient pour toujours une hôte. Il n’y a pas de compensation
matrimoniale en biens matériels, ni sous forme d’échange d’épouses. On prétend,
dans plusieurs îles, que le choix du partenaire matrimonial est fait par les
femmes en offrant un plat de riz cuisiné au jeune homme qu’elles ont élu. Ce
choix féminin n’empêche nullement les hommes, en cas de mariage dans une autre
île, de parler de rapto. Il
n’est pas impossible que cette idée de rapt, qui présente une contradiction
avec le choix du conjoint par les femmes, soit une réminiscence de l’époque où
toutes les îles étaient en guerre les unes contre les autres et où les femmes
capturées étaient prises comme concubines.
Toutefois, qu’elles se marient dans un autre village, une autre île ou même sur
le continent, les femmes reviennent toujours dans leur village d’origine, pour
accomplir leurs propres rites d’initiation féminine.
Les prêtresses initiatrices des
guerriers défunts
Une femme a pour obligation première d’initier un jeune homme décédé
appartenant à sa famille matrilinéaire. À défaut, elle s’occupera de
l’initiation d’un membre de son clan, où les possibilités s’élargissent
considérablement. Mais pour que toutes les femmes aient un mort qui les possède
il faudrait que le taux de mortalité des jeunes hommes atteigne le double de
celui des jeunes femmes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il se peut que la
mortalité masculine ait été beaucoup plus forte dans le passé, au temps des
guerres entre les îles et contre les étrangers.
L’adoption de la personnalité d’un "guerrier" par les femmes
en possession, renforce l’hypothèse de l’existence d’un lien entre l’initiation
féminine et les antécédents historiques, plus précisément les guerres qui
marquèrent l’archipel pendant des siècles. Par la possession, les femmes
auraient comme fonction de récupérer l’orebok, ou principe vital, des jeunes guerriers morts
à la guerre pour le réintroduire dans un cycle perpétuel entre vie et mort. Une
fois soumis aux colonisateurs et à la pax lusitunia, la survie des jeunes
hommes aurait cessé d’être spécialement menacée et le taux de décès se serait
équilibré entre genres. De nos jours, pour que toutes les femmes puissent initier un défunt, il faut recourir à des méthodes de
"récupération" de défintos. On peut en venir à initier un mort qui
aurait déjà pris en possession une autre femme, mais qui n’aurait pas achevé,
grâce à elle, son initiation. En effet, la femme peut elle-même mourir sans
avoir pu terminer l’initiation de son défunt. Celui-ci prend alors en
possession une nouvelle jeune femme pour la terminer. On peut ainsi récupérer
des jeunes gens morts il y a des années, voire des décennies. Mais ce qui n’est
pas concevable, c’est de rester sans défunto.
L’île d’Orango sous la lignée
matristique
Au sud de la Guinée-Bissau (à 60 km des côtes) se trouve un archipel
d’îles, appelées les îles Bijagos. Au sein des îles Bijagos, l’île d’Orango
« la grande » attire par sa faune et ses coutumes. L’île d’Orango
« la grande » est elle-même composée de 5 îles principales et de
plusieurs îlots : Canogo, Menèque, Orangoziinho, Mbone. Au total, 3500
habitants peuplent ces terres où ce situe le Parc National des Bijagos, classé
réserve naturelle par l’UNESCO.
La Biosphère qui constitue les îles Bijagos est très riche. Des
mangroves, des tortues, des hippopotames marins, des singes, des lamentins, une
forêt équatoriale, des savanes sont l’apanage d’Orango « la grande ».
Les Bijagos sont animistes.
Au sein même d’Orango « la Grande » se love Orango. C’est une
île comptant en son sein qu’une seule ville : Ecotiga. Cette île, précisément,
attire les regards aussi bien pour sa faune et flore que pour la condition de
vie des femmes.
Dans la ville d’Eticoga, les femmes sont les seules décisionnaires de
leur vie. Elles choisissent leur époux. Quand une femme a choisi un mari, elle
dépose devant son logement un plat de poisson/crustacé mariné à l’huile de
palme. Si l’homme mange le plat, le mariage est fixé. Si l’homme refuse, il est
déshonoré par le village. Le divorce est possible. Seulement, il doit être
prononcé par l’épouse. Lorsqu’il est prononcé, elle garde la maison et les
enfants.
Les hommes n’ont aucune décision à prendre dans la ville. Seules les
femmes prennent position. Cependant, une hiérarchie existe. Les habitants de
chaque village est soumis à la décision du chef de l’île qui lui-même est
soumis à la décision des 12 prêtresses (les Okinka) soumises à leur tour à la
décision des Iras (les esprits).
Source Presse