Dès sa jeunesse, Emma Goldman milite activement en faveur de la
contraception (« étape de la lutte sociale » à ses yeux), de l’amour
libre, du droit à la libre maternité, de l’homosexualité ou de l’égalité économique
hommes-femmes. Elle ne se définit pas explicitement comme
« féministe » mais pense que seule l'anarchie peut apporter aux femmes la liberté et
l’égalité.
Même si elle est hostile aux objectifs des suffragettes pour le droit de vote des femmes, Emma Goldman se bat avec passion pour les droits
des femmes et pour l'égalité. Elle est considérée aujourd'hui comme une des
fondatrices du féminisme
libertaire (même si ce courant
n'est apparu que bien après sa mort) qui remet en cause le patriarcat analysé comme une hiérarchie parallèle
à celle de l'État et du système capitaliste. Elle refuse cependant l'étiquette
de féministe car elle estime que le féminisme
conduit à une impasse parce que ses militantes négligent ou refusent la lutte
des classes ce qui les incitent à développer un lobby interclassiste pour
influer sur le gouvernement plutôt qu'un mouvement révolutionnaire pour le
renverser.
Infirmière de formation, elle est une des premières à défendre l'éducation
des femmes en matière de contraception. Elle analyse l'avortement comme une
conséquence tragique de la situation sociale et le contrôle des naissances
comme une alternative positive : « Les défenseurs de l’autorité craignent l’avènement d’une
maternité libre, de peur qu’elle ne leur vole leurs proies. Qui ferait les
guerres ? Qui produirait la richesse ? Qui ferait le policier, le
geôlier, si la femme se mettait à refuser de faire des enfants au hasard ?
La race ! La race ! crie le roi, le président, le capitaliste, le
prêtre. La race doit être préservée au prix de la dégradation de la femme
réduite à l’état de simple machine, et l’institution du mariage est notre seule
soupape de sécurité contre le pernicieux éveil sexuel de la femme. »
En France
Pour la sociologue Anne
Steiner, « Dans les premières années du vingtième siècle, des femmes
luttent pour le droit à une sexualité libre, diffusent des conseils et des
méthodes pour la limitation volontaire des naissances, réfléchissent à de
nouvelles méthodes d’éducation, refusent le mariage et la monogamie,
expérimentent la vie en communauté. Militantes anarchistes individualistes,
elles ne croient pas que la révolution ou la grève insurrectionnelle puisse
être victorieuse dans un avenir proche et refusent la position de génération
sacrifiée. Pour elles, l’émancipation individuelle est un préalable à
l’émancipation collective et la lutte contre les préjugés est une urgence.
C’est pourquoi, elles questionnent toutes les normes, toutes les coutumes, toutes
les habitudes, soucieuses de n’obéir qu’à la seule raison. ». Elle cite en
exemples : Rirette Maîtrejean, Anna
Mahé, Émilie Lamotte et Jeanne Morand.
L'anarcha-féminisme ou féminisme libertaire, qui
combine féminisme et anarchisme, considère la domination des hommes sur les femmes comme
l'une des premières manifestations de la hiérarchie dans nos sociétés. Le
combat contre le patriarcat est donc pour les anarcha-féministes partie intégrante de
la lutte des classes et de la lutte contre l' État, comme l'a formulé Susan Brown : « Puisque
l'anarchisme est une philosophie politique opposée à toute relation de pouvoir,
il est intrinsèquement féministe. »1 L'anarcha-féminisme peut apparaître sous forme individuelle, comme aux États-Unis,
alors qu'en Europe il est plus souvent pratiqué sous forme collective.
Le premier périodique anarcha-féministe déclaré
et connu dans l'histoire fut sans doute La
Voz de la Mujer (La Voix
de la Femme, journal argentin) de Virginia Bolten, féministe
révolutionnaire et anarchiste communiste, avec pour devise « Ni dios,
ni patron, ni marido » (soit
« ni dieu, ni patron, ni mari »). Le journal est édité entre 1896 et
1897.
L'anarcha-féminisme s'inspire d'écrivaines de la fin du XIXe siècle telles Emma Goldman, Lucy Parsons et Voltairine
de Cleyre. L'idéologie est pour
la première fois mise en pratique en 1936 lors de la guerre civile espagnole, par le groupe Mujeres Libres (Femmes Libres).
Les anarcho-féministes critiquent certains théoriciens
anarchistes traditionnels, comme Pierre-Joseph
Proudhon ou Mikhaïl Bakounine, pour avoir minoré
le problème du patriarcat, rendu une simple conséquence du capitalisme, ou pour
l'avoir soutenu. Proudhon, par exemple, considérait la famille comme une
société sous sa forme première, où les femmes avaient la responsabilité de
remplir le rôle traditionnel. Daniel
Guérin (anarchiste et membre
fondateur, avec entre autres Christine
Delphy et Françoise d'Eaubonne, du FHAR en livre une critique
acerbe dans son texte Proudhon,
un refoulé sexuel.
De nos jours, l'anarcho-féminisme a une forte influence sur
l'éco féminisme : « Les écoféministes doivent remarquer qu'à part
les anarcho-féministes, aucun mouvement féministe ne s'est préoccupé de la
division nature/culture. » Les
rassemblements anarcha-féministes modernes les plus notables sont Mujeres Creando en
Bolivie, Radical Cheerleadersaux
États-Unis, et la conférence annuelle La Rivolta! à Boston.
L'anarcho-primitivisme est
une autre forme d'anarchisme à impliquer une idéologie féministe. Inspirés des
travaux d'anthropologistes tels Jared Diamond et Eleanor Leacock, qui décrivent dans
certaines sociétés passées une relation égalitaire entre hommes et femmes, les
anarcho-primitivistes soutiennent que l'agriculture a donné naissance non
seulement à la distinction des classes, mais également au patriarcat et au
sexisme
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