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vendredi 18 juillet 2014

L'émergence du féminisme





Dès sa jeunesse, Emma Goldman milite activement en faveur de la contraception (« étape de la lutte sociale » à ses yeux), de l’amour libre, du droit à la libre maternité, de l’homosexualité ou de l’égalité économique hommes-femmes. Elle ne se définit pas explicitement comme « féministe » mais pense que seule l'anarchie peut apporter aux femmes la liberté et l’égalité.

Même si elle est hostile aux objectifs des suffragettes pour le droit de vote des femmes, Emma Goldman se bat avec passion pour les droits des femmes et pour l'égalité. Elle est considérée aujourd'hui comme une des fondatrices du féminisme libertaire (même si ce courant n'est apparu que bien après sa mort) qui remet en cause le patriarcat analysé comme une hiérarchie parallèle à celle de l'État et du système capitaliste. Elle refuse cependant l'étiquette de féministe car elle estime que le féminisme conduit à une impasse parce que ses militantes négligent ou refusent la lutte des classes ce qui les incitent à développer un lobby interclassiste pour influer sur le gouvernement plutôt qu'un mouvement révolutionnaire pour le renverser.

Infirmière de formation, elle est une des premières à défendre l'éducation des femmes en matière de contraception. Elle analyse l'avortement comme une conséquence tragique de la situation sociale et le contrôle des naissances comme une alternative positive : « Les défenseurs de l’autorité craignent l’avènement d’une maternité libre, de peur qu’elle ne leur vole leurs proies. Qui ferait les guerres ? Qui produirait la richesse ? Qui ferait le policier, le geôlier, si la femme se mettait à refuser de faire des enfants au hasard ? La race ! La race ! crie le roi, le président, le capitaliste, le prêtre. La race doit être préservée au prix de la dégradation de la femme réduite à l’état de simple machine, et l’institution du mariage est notre seule soupape de sécurité contre le pernicieux éveil sexuel de la femme. »

En France

Pour la sociologue Anne Steiner, « Dans les premières années du vingtième siècle, des femmes luttent pour le droit à une sexualité libre, diffusent des conseils et des méthodes pour la limitation volontaire des naissances, réfléchissent à de nouvelles méthodes d’éducation, refusent le mariage et la monogamie, expérimentent la vie en communauté. Militantes anarchistes individualistes, elles ne croient pas que la révolution ou la grève insurrectionnelle puisse être victorieuse dans un avenir proche et refusent la position de génération sacrifiée. Pour elles, l’émancipation individuelle est un préalable à l’émancipation collective et la lutte contre les préjugés est une urgence. C’est pourquoi, elles questionnent toutes les normes, toutes les coutumes, toutes les habitudes, soucieuses de n’obéir qu’à la seule raison. ». Elle cite en exemples : Rirette  Maîtrejean, Anna Mahé, Émilie Lamotte et Jeanne Morand.

L'anarcha-féminisme ou féminisme libertaire, qui combine féminisme et anarchisme, considère la domination des hommes sur les femmes comme l'une des premières manifestations de la hiérarchie dans nos sociétés. Le combat contre le patriarcat est donc pour les anarcha-féministes partie intégrante de la lutte des classes et de la lutte contre l' État, comme l'a formulé Susan Brown : « Puisque l'anarchisme est une philosophie politique opposée à toute relation de pouvoir, il est intrinsèquement féministe. »1 L'anarcha-féminisme peut apparaître sous forme individuelle, comme aux États-Unis, alors qu'en Europe il est plus souvent pratiqué sous forme collective.

Le premier périodique anarcha-féministe déclaré et connu dans l'histoire fut sans doute La Voz de la Mujer (La Voix de la Femme, journal argentin) de Virginia Bolten, féministe révolutionnaire et anarchiste communiste, avec pour devise « Ni dios, ni patron, ni marido » (soit « ni dieu, ni patron, ni mari »). Le journal est édité entre 1896 et 1897.

L'anarcha-féminisme s'inspire d'écrivaines de la fin du XIXe siècle telles Emma Goldman, Lucy Parsons et Voltairine de Cleyre. L'idéologie est pour la première fois mise en pratique en 1936 lors de la guerre civile espagnole, par le groupe Mujeres Libres (Femmes Libres).

Les anarcho-féministes critiquent certains théoriciens anarchistes traditionnels, comme Pierre-Joseph Proudhon ou Mikhaïl Bakounine, pour avoir minoré le problème du patriarcat, rendu une simple conséquence du capitalisme, ou pour l'avoir soutenu. Proudhon, par exemple, considérait la famille comme une société sous sa forme première, où les femmes avaient la responsabilité de remplir le rôle traditionnel. Daniel Guérin (anarchiste et membre fondateur, avec entre autres Christine Delphy et Françoise d'Eaubonne, du FHAR en livre une critique acerbe dans son texte Proudhon, un refoulé sexuel.

De nos jours, l'anarcho-féminisme a une forte influence sur l'éco féminisme : « Les écoféministes doivent remarquer qu'à part les anarcho-féministes, aucun mouvement féministe ne s'est préoccupé de la division nature/culture. » Les rassemblements anarcha-féministes modernes les plus notables sont Mujeres  Creando en Bolivie, Radical Cheerleadersaux États-Unis, et la conférence annuelle La Rivolta! à Boston.

L'anarcho-primitivisme est une autre forme d'anarchisme à impliquer une idéologie féministe. Inspirés des travaux d'anthropologistes tels Jared Diamond et Eleanor Leacock, qui décrivent dans certaines sociétés passées une relation égalitaire entre hommes et femmes, les anarcho-primitivistes soutiennent que l'agriculture a donné naissance non seulement à la distinction des classes, mais également au patriarcat et au sexisme



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