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samedi 5 juillet 2014

La féminité de l'âme et le mariage intérieur



Jung disait que le seul vrai mariage, c'est-à-dire le mariage dépourvu de toute projection, était le mariage intérieur. Le mariage extérieur est une préparation, un acheminement progressif vers cet état de mariage intérieur. En Inde, l'androgyne reçoit un culte en tant que tel sous forme d'Ardhanarishwara, le dieu mi-homme mi-femme, avec une latéralité du corps masculine et l'autre féminine. Une représentation de structure analogue est celle d'un dieu qui est à moitié Vishnou et à moitié Shiva. Il s'agit là aussi d'une représentation remarquable du génie synthétique de l'Inde, permettant de limiter les risques de guerre de religion entre les sectes vishnouites et shivaïtes. De même, la représentation du dieu Ardhanarishwara permet de limiter les risques de guerre des sexes.

Pendant une phase de sa pratique spirituelle, Ramakrishna s'était habillé en femme et avait vécu dans les appartements des femmes. Il s'agit d'une pratique chez les fidèles de Krishna pour montrer que le seul mâle est Dieu et que, par rapport à lui, toutes les âmes sont féminines.

L'identification à un corps masculin ou féminin est enracinée presque aussi profondément que l'identification au corps lui-même. La remettre en question dans un but spirituel ébranle une base fondamentale de l'ego et permet un élargissement de conscience inattendu. Un jour, la grande mystique Mirabai est venue voir à Vrindavan (petite ville près de Delhi où Krishna est censé avoir vécu) le successeur de Chaitanya Mahaprabhu, le réformateur du culte de Krishna au xvie siècle. Celui-là était très strict, et fit dire à Mirabai qu'il ne voyait pas les femmes. Elle lui fit parvenir la réponse suivante : “Tu dis que tu ne vois pas les femmes, mais je croyais qu'il n'y avait qu'un homme à Vrindavan, Krishna.” Le moine comprit tout de suite à qui il avait affaire, et reçut Mirabai.

L'anthropologie confirme la psychologie en montrant que le mental humain fonctionne fondamentalement par paire d'opposés. Chez les primitifs, non seulement les hommes et les femmes sont nettement séparés, mais la tribu est séparée en deux groupes complémentaires. Les animaux et plantes tabous pour l'un ne le sont pas pour l'autre, et vice-versa. Si une certaine distribution des rôles est inévitable du point de vue social et psychologique, la différence entre les groupes et les sexes doit être dépassée par la démarche intérieure, spirituelle.

Il ne suffit pas de rester fixé à l'alternance indéfinie des dvandvas (paires d'opposés), du yin et du yang, mais de les transcender par l'expérience du dvandvatita (au-delà des paires d'opposés), du Tao primordial.

Trouver une âme sœur procure un grand bonheur ; mais il est un état qui procure un bonheur mille fois plus grand, c'est de constater que toutes les âmes sont sœurs, que toutes elles boivent le même lait, le lait du Soi : ne peut-on pas dire qu'elles sont sœurs de lait ?

Si on considère les expressions, on s'apercevra qu'on parle de revenir à soi-même, et non pas à lui-même ou à elle-même. Cet indice donné par le langage n'évoque-t-il pas le fait que la voie de la connaissance, c'est-à-dire la démarche réflexive du “Qui suis-je ?” aboutit ultimement dans “cela”, qui est au-delà de la masculinité ou de la féminité de l'être ?

Par le Dr Jacques Vigne

À lire du Dr Jacques Vigne :

Méditation et Psychologie , éd. Albin Michel.

Le Mariage Intérieur , éd. Albin Michel
Le Maître et le Thérapeute , éd. Albin Michel
Éléments de psychologie spirituelle , éd. Albin Michel


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