Le féminin de l'être : pour en
finir avec la côte d'Adam par Annick Souzenellle
LE LIVRE / Après le temps du
féminisme, mouvement social dont Annick de Souzenelle note à la fois la
nécessité historique et les limites, et après le temps d'une féminité
artificielle exploitée par la publicité, l'heure est venue d'explorer le sens
du féminin. A partir d'une lecture du texte biblique en hébreu, l'auteur du
Symbolisme du corps humain nous introduit dans cette dimension essentielle.
Scrutant la Genèse, elle s'inscrit en faux contre l'image d'une Eve « sortie de
la côte d'Adam », pour mettre en évidence Isha, « l'autre côté d'Adam », la
réalité féminine présente en chacune de nous. Elle réinterprète ensuite
d'autres grandes figures de la Bible - Marie, Marie-Madeleine, Lot ou Lazare -
pour les replacer dans une perspective mystique dans laquelle l'âme de l'homme
est une « fiancée » promise aux noces divines. -4ème de couverture- (date
de publication : 15 octobre 2006)
Extrait
d’un entretien d’Annick de
Souzenelle –
auteur du livre Le Féminin de
l’être – avec la comédienne Juliette
Binoche. Entretien
paru dans Libé
« A. de S. : Je me suis posée la question des lieux
du corps dans les textes bibliques. Pourquoi est-ce le talon d’Eve qui est
blessé ? Pourquoi la hanche de Jacob ? Pourquoi les cheveux de Samson ? Etc.
Quand j’ai été capable de lire le texte en hébreu, j’ai compris que tous ces
mots du corps étaient chargés de sens, signifiant autre chose que ce qu’en a
consigné et figé la traduction qu’on nous donne. C’est en défrichant à la lettre
les lieux du corps que j’ai abordé le problème le plus important dans la Bible
: la question du masculin et du féminin. Le mot mâle, en hébreu, c’est le verbe «se souvenir»,
et n’importe quel être, qu’il soit un homme ou une femme, porte en lui cette
capacité à se souvenir. Le mot femelle en hébreu, c’est, d’une façon très crue,
«un trou». Mais un trou qui est un abîme sans fond, c’est-à-dire toute la
transcendance de l’être.En même temps, c’est le mot qui veut dire aussi
«le blasphème» : si je m’arrête à un moment donné dans cette expérience de
l’abîme, et que je la fige en une signification idolâtre, alors je blasphème.
Il faut donc que j’aille toujours plus loin en moi, toujours plus loin…
J.
B. : Ne pas s’arrêter,
jamais…
A.
de S. : Le féminin porte
dans sa définition biblique cette fonction spirituelle intense, continue,
intrépide, et cela n’est pas du tout passé dans les traductions de la Bible des
Septantes, celles qui ont servi de base aux catholiques. Tout
être humain est appelé à aller vers lui-même, à descendre dans ce «trou» : il
fait à la fois oeuvre mâle (il se souvient) et oeuvre femelle (il s’ouvre à
lui-même), ce qui réconcilie ce qui a toujours été séparé. Il nous faut épouser tous les
éléments qui sont dans cet abîme et restent des énergies inaccomplies. Car nous
sommes tous enceints du divin. »
« J. B. : J’ai souvent l’impression, en
vous entendant, d’avoir fait l’expérience physique de ce que vous décrivez
comme une expérience spirituelle. Il y a eu mes cauchemars de petite fille, mais
aussi, par exemple, une expérience physique du trou. Il y a quelques années,
j’ai voulu visiter la grotte de Marie-Madeleine, à la Sainte-Baume. Elle était
fermée pour travaux, alors je suis allée dans une autre, à un quart d’heure de
marche, la «grotte aux oeufs». Il fallait d’abord traverser une forêt d’ifs, de
hêtres et de chênes, trois heures de marche extraordinaires. Puis, face à la
grotte, qui est comme un sexe féminin, une quinzaine de mètres de hauteur, une
fente dans la roche, je me suis mise à rire et à pleurer en même temps. C’était
insoutenable, de peur et de joie, d’être face à un tel abîme. Même avec une
lampe de poche, je ne pouvais plus avancer, je n’arrivais pas à descendre. Mais
j’avais écrit une lettre, importante pour moi, que je voulais placer au fond.
C’était un voeu. Petit à petit, je suis descendue. Arrivée en bas, je me suis
sentie extrêmement bien, comme dans l’utérus de la terre. J’ai déposé ma lettre avec
joie, c’était une libération.
A.
de S. : Cette
plongée dans le sexe de la terre fut votre expérience du «trou» mystique. C’est beau, émouvant, le signe que vous pouvez aller
loin dans votre vie intérieure. C’est au plus loin possible qu’existe le noyau
divin qui nous donne vie. »
site
web d’Annick de Souzenelle : souzenelle.free.fr
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