La magie rituelle fait peur, c’est un fait. Qui plus est,
elle a ceci d’étonnant qu’elle a tendance à effrayer aussi bien ceux qui y
croient, et la pratiquent, que ceux qui n’y croient pas. Ça fait quelques
années maintenant, que je bataille pour essayer de dédramatiser un peu la
pratique de la sorcellerie. Car si je suis tout à fait d’accord pour dire que
ce n’est pas quelque chose d’anodin (mais comme un baptême au fond), je suis
toujours un peu attristé par les peurs irraisonnées des différentes personnes
que j’ai pu croiser, face à la magie. J’aimerais donc essayer de cibler les
véritables raisons qui peuvent rendre la magie rituelle effrayante, tout en
tordant le coup à certaines idées qui ont malheureusement pris comme des feux
de paille et qui contribuent à faire de la sorcellerie, de manière très
paradoxale, ou une pratique d’initiés, qui serait réservée à une « élite »
porteuse de « dons », ou une pratique marginale, relevant quasiment de la
folie.
C’est sûr que vu comme ça, il y a de quoi avoir peur... La « loi du
triple retour » Je ne peux décemment entamer cet article sans m’attaquer à
cette espèce de règlement un peu bâtard, sorti de nulle part et sans aucun
fondement, que l’on appelle de manière abusive une « loi » : celle du « triple
retour ». Disons le tout de suite, cette... chose (je n’ai pas trouvé de
meilleur terme) n’a de « loi » que le nom : elle n’est ni nécessaire, ni
impérative, ni contraignante, ni même efficiente et, surtout, elle n’est pas le
moins du monde réelle. Lorsque je faisais partie de l’équipe de gestion du
forum de l’Alliance Magique, j’avais en charge l’ensemble des sections qui
concernaient la sorcellerie et la magie rituelle et, inévitablement, je voyais
débarquer des tas de gens effrayés qui posaient énormément de question sur
cette fameuse « loi », appréhendant d’être triplement châtiés à la moindre
bougie mal allumée. Le phénomène m’a tellement interpellé que j’ai fini par
poster un sondage, auquel pas mal de membres pratiquant régulièrement la magie
ont répondu.
Résultat : moins de 40% des votants ont déclaré y croire (ce que
je trouve déjà énorme), et plus de 30% n’en savaient rien. Ça résume assez bien
toute la confusion qui gravite autour de cette « règle ». C’est que cette
fameuse « loi » pose quand même des soucis, à commencer par son aspect «
chiffré » : pourquoi 3 ? Pourquoi pas juste l’équivalent (sur le modèle de la
loi du Talion) ? Ou pourquoi pas 10 tant qu’on y est, histoire de punir comme
il se doit tous les malheureux pratiquants un peu fébriles. Cet aspect chiffré
met en avant un problème, il a l’air beaucoup trop humain pour une loi censée
émaner d’ailleurs... d’autant que, autre problème, on ne sait pas vraiment d’où
elle émane cette fameuse loi, et dans un monde de pratiques ou les énergies se
manipulent, se tournent, se retournent et se détournent, on imagine mal une
divine-calculette faire le compte de notre ardoise et nous sortir la note en
trois exemplaires à la fin du rituel si l’on s’est planté quelque part...
Vous
l’aurez compris, il n’y a rien de sérieux là-dedans.
Le « triple retour » est
| vraisemblablement arrivé dans les bagages de la vague New Age qui nous
submerge depuis quelques années et qui, si elle a eu le mérite de rendre le
paganisme (presque) fréquentable, n’a pas manqué malheureusement d’attirer
beaucoup de pseudos-théoriciens en mal de reconnaissance, et qui ont voulu se
refaire la cerise sur le dos de la sorcellerie, en promulguant des lois là où
d’évidence, ils n’en avaient ni le droit, ni la possibilité. Attention, ça ne
veux pas dire que l’on peut faire tout et n’importe quoi en magie rituelle, car
oui, c’est bien de l’énergie qu’on manipule, et il convient d’être vigilant,
comme lorsque l’on évite, par exemple, de mettre son smartphone dans le
micro-ondes.
Non, ça veux simplement dire que la magie n’est pas un code pénal,
et que tenter d’en dégager des commandements aussi figés ne lui donnera pas
plus de crédibilité, au contraire... Car au fond, le meilleur moyen de
considérer la sorcellerie comme tout à fait crédible et digne de foi, c’est de
comprendre qu’elle obéit aux mêmes règles que le monde matériel, et cela
m’amène au point suivant. Quand on croit, mais qu’on a peur Beaucoup de gens
qui croient et qui pratiquent la magie, en ont donc peur. Mais cette peur, qui
a pris forme à travers cette fameuse « loi du triple retour », n’est au fond
que la peur relative aux conséquences imprévues de nos actions.
Il y a une
phrase de Paul Valéry qui résume assez bien la situation :
« L’homme sait
assez souvent ce qu’il fait, mais
il ne sait jamais ce que fait ce qu’il fait ». On est en plein dedans.
Car lorsque quelqu’un entreprend un rituel, quel qu’il soit,
il est évident qu’il sait parfaitement ce qu’il veut faire, et quel objectif il
s’est fixé. En revanche, il n’est pas sûr de ce que va faire son rituel, et la
peur est précisément là. C’est normal, et c’est même sage, mais si cette
appréhension est naturelle en ce qui concerne la magie, elle vaut, au fond pour
tout le reste. Lorsque je disais précédemment que la magie obéissait aux mêmes
lois que notre monde physique, c’est parce qu’elle en est indissociable. Les
énergies que l’on mobilise lors d’un rituel ne viennent pas d’une sphère coupée
de notre monde matériel, elles viennent de la terre, de l’air, des objets qui
nous entourent, de nous-mêmes. Il n’y a rien à mon sens de « surnaturel » dans
la magie, et la maxime citée plus haut le confirme dans la mesure où elle
s’applique aussi bien à la sorcellerie qu’à... n’importe quoi d’autre.
Chacune
de nos actions est dirigée vers un objectif précis, mais nous n’avons aucun
contrôle sur ce que la réalisation de cet objectif va entraîner, c’est le
fameux « effet papillon » en somme. Il faut le savoir, mais il me paraît
délicat d’en avoir peur, sans quoi nous passerions nos journées assis dans un
fauteuil, sans pour autant régler le problème, d’ailleurs. Ce que je veux dire/
(évitons les répétitions), c’est que, si dans votre quotidien, les effets
incontrôlables de vos actions ne vous préoccupent pas plus que ça, essayez
simplement de vous dire que c’est exactement la même chose pour la magie.
Vous
n’êtes ni omniscients, ni prescients, et votre humanité implique l’incertitude
face à un avenir qui dépend partiellement de vos décisions. C’est angoissant,
mais c’est comme ça. La magie met sans doute un peu plus en avant cette peur
dans la mesure où elle nous met peut-être justement davantage face à notre
impuissance. Cela étant, les conséquences de vos actes ne seront pas exacerbées
pour autant. A ce sujet d’ailleurs, il est tout à fait probable qu’en étant
beaucoup trop angoissés quant aux conséquences de vos rituels, vous créiez
vous-mêmes les effets néfastes appréhendés, de la même manière qu’un
hypocondriaque se met à développer tous les symptômes d’une maladie qu’il
redoute.
L’aspect psychologique n’est pas à négliger dans la pratique de la magie rituelle, et si cette
dernière est souvent déconseillée aux personnes fragiles, c’est moins parce
qu’ils risquent de ne pas savoir ce qu’ils font, que parce qu’il y a de fortes
chances qu’ils développent des angoisses irraisonnées et qu’ils se perdent
eux-mêmes là où il n’y a, au fond, pas tellement de raisons. Je le répète, la
magie n’est pas anodine, mais elle n’est pas plus dangereuse que n’importe quel
rite, et je suis beaucoup moins alarmé de voir un adulte avoir recours à ces
pratiques, que de voir un nouveau-né baptisé sans qu’il ait eu le temps d’avoir
conscience de l’engagement que cela implique.
Quand on a peur sans croire La magie effraie, de manière
étrange, une autre catégorie de personnes : ceux qui n’y croient pas, ou tout
du moins ceux qui disent ne pas y croire. D’emblée, il semble que cette peur
soit connexe à la première, et en même temps légèrement différente, puisque
différemment ciblée. La connexion se fait car là-encore, ces personnes ont peur
des conséquences d’actes bien précis, à ceci près qu’il ne s’agit plus des
leurs, mais de ceux des autres. Et c’est ici que l’on remarque une différence,
puisque les personnes qui craignent la magie sans pour autant y croire n’ont,
au fond, pas réellement peur de celle-ci. C’est de ceux qui la pratiquent
qu’ils s’effraient. En général, on observe deux types de craintes : celle qui
consiste à avoir peur « pour la personne » : on appréhende qu’elle tombe entre
les mains d’une secte, qu’elle se perde dans cette activité étrange ou qu’elle
soit devenue folle.
Et puis il y a celle qui consiste à avoir peur « de la
personne » : car, dites-moi, quelqu’un qui est capable de s’adonner à ces
choses bizarres, « satanistes » (bonjour les clichés) et compagnie, jusqu’où
peut-il aller ? Boire du sang de porc ? Sacrifier des animaux ? Des bébés ? Mon
Dieu aidez-nous ! Soyons sérieux, et là je m’adresse avec toute la
bienveillance du monde à ces personnes que l’on pourrait « effrayer » : la magie,
ça n’a rien à voir avec tout ça. Oui les sectes existent (les sacrifices, non),
mais ça ne représente qu’une très faible minorité de personnes qui s’égarent,
comme certains peuvent s’égarer dans les méandres des casinos ou des verres de
vin.
Avoir peur « pour » ou « de » quelqu’un qui pratique la magie, cela reviendrait à craindre que chaque musulman soit un terroriste, ou que tous les chrétiens de la terre rêvent encore du bûcher...
heureusement, ça n’est pas le cas, et pour nous non plus ! Cette peur de la
magie, en tant que peur des gens qui la pratiquent, n’est finalement qu’une
peur que l’on pourrait appeler « sociale » : une peur de l’étrange, du bizarre,
du « louche », du « pas comme nous ».
Là encore, c’est une crainte que l’on
retrouve couramment, et ailleurs qu’au sein de la sorcellerie. Elle n’a même
presque rien à voir avec elle. Vers une dédramatisation de la sorcellerie Pour
résumer, on l’a vu, il devient urgent de dédramatiser la pratique de la magie
rituelle. Après quelques années, je n’ai plus la naïveté de croire qu’un jour,
les sorcier(e)s pourront afficher ouvertement leurs pratiques, mais je me dis
qu’il peut être salutaire pour tout le monde, même en conservant un voile sur
tout ce qui relève de l’ésotérisme, de ne plus en avoir peur. À tous ceux qui
pratiquent dans la crainte donc, je vous le redis, gardez à l’esprit que la
magie n’est qu’un outil, que ses effets ne dépendent que de l’usage que vous en
faites, et que l’incertitude autour des conséquences de vos actes vaut malheureusement
pour tout. Enfin, à ceux qui ont peur sans croire, ceux qui ont peur « de nous
» ou « pour nous », rassurez-vous : nous avons le plus souvent un travail, une
vie de famille, nous payons nos impôts.
Certains d’entre nous sont même
propriétaires fonciers et adorent le jardinage. En un mot... nous allons bien !
Source Wicane.
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