L’enfance nous rend beaucoup
plus lucide sur nos peurs et nos aspirations que ce que l’âge adulte ne fera
jamais. Sous la curiosité inhérente à cette période de notre vie, il y a une
grande liberté d’esprit qui se manifeste notamment par le jeu, et par les questions
posées aux adultes, celles-ci les agaçant très – ou trop – vite. Je viens à
l’origine d’une famille chrétienne, mais je me souviens qu’à six ou sept ans,
j’étais fascinée par les légendes médiévales et antiques, la nature, les
animaux... Sans oublier la figure de la sorcière. Elle n’était pas si laide dans mon
souvenir, car j’imaginais toujours une femme douce et sage, bien loin de
l’image de la vieillarde méchante qu’on voit d’habitude au cinéma et dans les
dessins animés, dont j’ai peine à croire, encore maintenant, au fait qu’elles
aient toujours été ainsi. Puis en grandissant, je n’y pensais plus, tout en
gardant le souvenir de mes premières potions concoctées avec les pissenlits et
les marguerites du jardin...
Lorsque j’ai commencé ma recherche
spirituelle, à Mabon 2012, et que je me suis souvenue de mon enfance, je savais
à peine ce qu’était la Wicca. Et en lisant tout ce que je pouvais trouver de
correct ou de complet sur le sujet (notamment grâce à Lune Bleue), j’ai eu un
déclic doucement
évident, un peu comme une flamme qui consume peu à peu un énorme fagot de bois. J’y
retrouvais les principes qui me tenaient à cœur depuis longtemps, le respect de
la nature et de toute forme de vie, l’interconnexion de toutes choses, quelque
chose qui me laissait entrevoir un espoir d’équilibre intérieur que je ne
connaissais pas jusqu’ici, et sans que j’ai pu mettre auparavant un nom dessus.
On ne peut pas forcément expliquer en détail ce qui nous amène à honorer la
Terre, les dieux... C’est un désir très fort qui ne prévient pas toujours. Je
me suis mise à approfondir mes recherches, et cela malgré leur découverte par
ma famille, ce qui m’a valu d’affronter la peur, l’ignorance, mais surtout une
bonne dose d’intolérance et d’orgueil religieux, et encore aujourd’hui, lorsque
c’est surtout elle qui aborde le sujet, pour me décourager. C’est Notre premier
contact avec la figure de la sorcière, pour la plupart d’entre nous, a surtout été culturel (cinéma,
télévision, littérature...) mais souvent erroné, totalement déconnecté de la
réalité du terrain, si j’ose dire. On a tous eu une camarade de classe qui
regardait Charmed à la télévision, ou une période Harry Potter où on lisait ses
aventures tout en traquant le produit dérivé à côté. Cependant, tout le monde sait
pertinemment que la sorcellerie est quelque
chose de beaucoup plus subtil que simplement jeter des sorts à une
méchante rivale lycéenne, ou avoir la capacité de voler dans les airs et lancer
des éclairs, idées largement reprises par Hollywood. Lorsqu’on évoque le sujet
avec un quidam, il pensera toujours à une vieille femme préparant un liquide
bizarre dans son chaudron...
A la fois proche et loin de la réalité
actuelle. De plus,
les monothéismes aidant, la signification profonde de cette figure a été
largement écornée au cours des siècles. La femme sensuelle (sans verrue sur le nez et sans
chapeau pointu), pleine d’assurance et érudite, est devenue une idée de
déguisement pour Halloween et un personnage négatif de conte moraliste dans
l’imaginaire collectif.
En revanche, il existe une poignée de
personnes qui eurent dans leur ascendance familiale un rebouteux, un guérisseur
ou un sorcier (ça marche aussi au féminin), connu pour apporter officieusement
son aide à quelques villageois. Ainsi, elles choisirent pour quelques-unes de
développer à leur tour leur propre don et se constituèrent une « clientèle »
comme cela arrive souvent. La plupart du temps, si l’on ne compte pas les
dérives malheureuses et les charlatans qui arrivent (encore) à escroquer des
personnes en détresse, ces quelques personnes ont pour objectif sincère
d’apporter une aide à qui la demandera. Bien sûr, même si c’est une motivation
tout à fait honorable, elle n’est pas forcément la seule qui devrait donner
à réfléchir.
Comme beaucoup de novices en la matière,
l’aspect magique de la Wicca a été parmi ceux qui m’attirèrent en premier lieu.
Or une bonne pratique est impossible sans une sérieuse réflexion sur
le sujet. Actuellement, je préfère attendre encore un peu avant de décider si oui ou
non, je suis prête pour cela. C’est d’ailleurs ce que je conseille à tout païen
débutant qui n’a pas encore pratiqué de rituel, voire à ceux qui font, comme
souvent, l’erreur de le faire sous le toit de leurs parents, quand ils
n’habitent pas encore ailleurs. La pratique personnelle n’est pas exempte
d’erreurs techniques, et celles-ci peuvent largement discréditer quiconque les
rencontre... De plus, au départ, on a tous en nous quelque chose de conformiste
qui fait que la famille ou les amis ne comprennent pas toujours quand
on s’y met sans vraiment réfléchir aux conséquences.
Or, une sorcière ne l’est pas pour faire
comme une autre, même si le Rede est le même pour toutes. Devenir sorcière
implique, dans le meilleur des cas et le moins dangereux, Comme l’écrit en
substance Rhonda Byrne dans son livre Le Pouvoir (au passage excellent) :
donnez, pensez quelque chose de négatif, et vous recevrez du négatif en retour. Donnez, pensez
quelque chose de positif, et vous obtiendrez du positif en retour. Apprendre à
se connaître soi-même est le premier de nos pouvoirs, celui qui permet de ne
pas répéter les erreurs de la veille et de donner le meilleur de soi dans
quelque chose qui mérite d’être achevé. De même que prendre exemple sur
l’archétype divin (la Déesse, le Dieu, ou une divinité en particulier) quelle
que soit notre tradition, nous évite de trop nous axer sur nos seules
capacités. L’amour de la création, de nous-mêmes, des autres, de la Vie, est un
aspect, sinon le plus important, de cet archétype, et par conséquent la
motivation de la sorcière que nous nous efforçons d’être, pour une partie
d’entre nous, sans attentes précises comme
la tranquillité de l’ego ou l’appât du gain. Mais vouloir devenir
sorcière ne se résume pas à la pratique magique, évidemment. Il suffit aussi de peu pour que l’on puisse
pleinement être proche de la déité que nous cherchons à honorer et des valeurs
que nous voulons mettre en pratique. La foi en elle-même se résume aussi
souvent à la simple observation des
Sabbats qui ponctuent la Roue de l’Année, à allumer une bougie de couleur selon
l’objectif du moment et visualiser ce dernier, pour soi ou pour une personne
qui le demande, ou simplement à remercier la déité pour ce que la Vie nous
accorde en temps voulu ou dans l’instant présent, sans qu’on s’en rende compte
tout de suite : une bonne santé, le repas quotidien, une relation solide...
Je suis consciente, en écrivant cela, que
comme pour beaucoup de païens ou wiccans, la voie que j’ai choisi n’est pas
quelque chose d’inné. C’est un long travail, parfois une lutte contre les
moments de doute ou de désespoir. Toujours se rappeler que cette vie peut aussi
trouver le plus fort de son sens dans ce qu’on apporte à une relation, à son
chez-soi, à sa personne ou celle d’une autre, et à l’environnement qui nous
entoure. Sans que l’on puisse déduire sur le moment que c’est l’amour divin qui
nous fait parfois agir pour le bien de nos semblables, nous agissons aussi pour
lui, avec lui, en lui, de façon spontanée et sans espérer de reconnaissance de
la part de qui que ce soit, sinon que les choses aillent ou rentrent dans
l’ordre. L’équilibre.
Après l’amour, c’est la deuxième motivation
fondamentale d’une sorcière digne de ce nom.
L’exemple de quelques figures contemporaines, telle
Starhawk, nous le rappelle constamment. Pourquoi vouloir devenir sorcière si
c’est pour contribuer au désordre, et ainsi compromettre son objectif de départ
?
Troisième point non négligeable : la
créativité ! En effet, comment prendre du plaisir à ce qu’on veut être si l’on
n’exprime pas un peu de soi ? Des auteurs comme Scott Cunningham l’ont bien
compris : si l’on veut faire quelque chose qui nous permet d’être en accord
avec nous-même et la déité, il est inutile de s’efforcer de suivre à la lettre
des règles dont le sens nous échappe au plus profond de nous.
Elle n’est pas soumise à un Livre saint, ne
cherche pas à se faire obéir sous peine de retranchement de la communauté. Malgré
ce qu’elle transmet en termes d’éthique, de valeurs, nous avons toujours le
choix d’agir pour un besoin honorable, occasionnellement pour une cause qui
l’est tout autant, ou de n’agir que selon notre volonté égoïste et d’en assumer
les conséquences. Ce qui n’exclut pas l’imagination, dans un registre positif.
D’où la possibilité d’imaginer ses propres moyens : rituels, sorts, décoration
de l’autel...
L’Art est une qualification qu’on attribue aussi à la
magie, dans la mesure où elle permet à chacun-e d’impliquer une énergie qui lui
est propre, en quelque sorte une signature, sans quoi les méthodes conseillées
dans les livres deviendraient impersonnelles, voire dogmatiques.
C’est là un des avantages de la tradition
éclectique fondée par Cunningham : nous sommes de cette manière notre propre
capitaine, nous sommes seuls à décider, à condition de respecter quelques
correspondances de base, du bon déroulement de ce pourquoi nous effectuons un
rituel. Il ne tient qu’à nous d’apporter notre enthousiasme dans quelque chose
dont nous avons déterminé la configuration avec soin. Imaginer de nouvelles façons de bien faire les
choses, mettre notre empreinte dans quelque chose qui nous est personnellement
familier. Même si cela reste discutable, c’est aussi une façon de témoigner
personnellement de mon individualité au Divin, et donc de ce qui fait la beauté
de ma vie, comme de celle d’autres humains, à savoir la diversité, la
possibilité de manifester malgré mon état de santé, mes défauts, ma culture
d’origine et d’autres choses le caractère précieux de ma vie aux yeux de ce que
j’honore. Quoi de plus beau, d’une certaine manière, que les contraires dont
sont nés quelque chose de sublime, finalement ?
Le parcours d’un-e païen-ne, sorcier ou
sorcière en devenir, n’a rien d’une promenade de santé, de quelque chose
d’acquis. C’est quelque chose qui nous permet de chercher au plus profond de nous-mêmes,
jusqu’à nos limites et nos intentions les plus secrètes, afin de pouvoir faire
un travail sur
notre rapport au monde, aux lois qui le régissent d’un point de vue spirituel,
éthique, ou autre, et ainsi pouvoir contribuer au bon fonctionnement des choses
qui constituent le présent, car demain n’est jamais aussi loin que ce que l’on
prétend parfois, et lorsqu’on agit mal ou trop tard, il ne tient qu’à nous de
corriger ce qui ne va pas.
Sans jamais oublier l’objectif
qu’on s’est fixé un jour, celui de donner le meilleur de soi quoi qu’il arrive, et ainsi, pour
reprendre une expression du Prophète de Khalil Gibran, s’inscrire « jusque dans
la mémoire silencieuse » de la déité.
par Louve de Beltane
Source :
UN MAGAZINE DE LA LIGUE WICCANE ECLECTIQUE
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