Ainsi que j’ai pu le
lire en parcourant le forum Witchwox,
il semblerait que la plupart des contentieux auxquels nous sommes confrontés,
et qui semblent diviser notre communauté, mettent en lumière le fait que la
Wicca, cinquante ans après sa création, est aujourd’hui à un carrefour à partir
duquel nous devrons tracer son avenir. Les choses ont évolué si rapidement
qu’une personne telle que moi pourrait déjà être considérée par certains comme
appartenant à la “vieille garde”, parce que nous avons commencé notre
apprentissage au sein d’un coven avant l’arrivée d’Internet. Nous devions
trouver des enseignants qui puissent nous accepter au sein de leurs groupes,
nous former et nous guider au travers du processus initiatique. Et tout ceci se
passait en petits groupes, dans l’intimité du domicile de nos enseignants.
Il n’y a pas si
longtemps, il n’y avait pas autant de livres sur la Wicca et la sorcellerie.
Aujourd’hui bien sûr, il y a le choix entre beaucoup d’auteurs, dont beaucoup
de livres sont le résultat de recherches approfondies et diffusent de nouvelles
perspectives sur notre histoire, nos traditions et nos méthodes, et d’autres
qui semblent totalement dépourvus de faits, d’idées et de sagesse. D’un autre
coté, il y a plus de choix, sans parler des milliers de sites web, qui vont du
sublime au ridicule.
Sommes-nous
simplement soumis à la loi de l’offre et de la demande ? Par exemple, j’avais
trouvé il y a plusieurs années dans une librairie un exemplaire de La
Bible des Sorcières de Janet et Stewart Farrar. Je l’ai acheté, lu
et je m’y référais fréquemment. J’ai également trouvé au cours de ces années
dans les rayons de librairies un exemplaire de The
Grimoire (le grimoire) de Lady Sheba, Lid off the
Cauldron (Recouvrir le chaudron) de Patricia Crowther, Rebirth
of Witchcraft (la renaissance de la sorcellerie) et Witchcraft
for Tomorrow (la sorcellerie pour demain) de Doreen Valiente,
Rites from the Crystal well (les rites du puits
de cristal), Grey Cat’s Deepening Witchcraft (approfondisement
de la sorcellerie du chat gris), Triumph of the Moon (le
triomphe de la lune) de Ronald Hutton et l’Aradia de
Charles Leland.2
Aujourd’hui
cependant, ces titres ne se trouvent pas souvent en librairie. Pourquoi ? Les
librairies sont simplement des commerces qui font de l’argent en vendant des
livres. Peut-être que ce que les librairies proposent en rayon montre avec
justesse ce que les acheteurs païens/wiccans souhaitent. Je pense que ce que
les clients veulent le plus est ce que vous voyez en rayon.
C’est nous, plutôt
que nos détracteurs, qui avons une influence sur les articles vendus en
boutique. Il est à noter qu’il
y a quelques années quelques chrétiens extrémistes avaient tenté d’interdire ou
de faire baisser les ventes des livres de Harry Potter, arguant
qu’ils enseignaient la sorcellerie aux enfants. Bien évidemment,
nous savons qu’il n’en est rien. Même les lecteurs non païens ont réalisé
combien ces opposants apparaissaient absurdes et dissonants, et ironiquement,
cette campagne a rallié des soutiens en faveur des livres et les livres de Harry
Potter sont maintenant parmi les mieux vendus au monde. Les parents
sont ravis que leurs enfants s’intéressent à la lecture, même si c’est un
enfant magicien imaginaire qui suscite leur enthousiasme.
De même les
campagnes de chrétiens extrémistes à l’encontre du Da
Vinci Code n’ont eu aucun effet sur les ventes de ce livre. La loi de
l’offre et de la demande régit le marché, et des millions de gens ont acheté et
lu le Da Vinci Code, même après que les
porte-parole de quelques églises se soient dressés pour dire aux gens de ne pas
le faire. A la fois les livres de Harry Potter et
le Da Vinci Code intéressent les lecteurs
wiccans, même s’il ne s’agit pas de livres wiccans. La loi de l’offre et de la
demande explique aussi pourquoi les
librairies proposent la série Les survivants de
l’Apocalypse (the Left Behind) et d’autres livres qui
attirent les chrétiens extrémistes. Les librairies vendent simplement des
marchandises appelées livres.
Nous savons que nous
suscitons l’intérêt du grand public quand des éditeurs publient des titres tels que Wicca
and Witchcraft for Dummies (la Wicca et la sorcellerie pour les nuls) ou The
Complete Idiot’s
Guide to Wicca and Witchcraft (le guide complet de
l’idiot sur la Wicca et la sorcellerie)2.
Les entreprises qui produisent ces collections flairent l’argent qu’il y a à se
faire sur ces titres ; ce ne sont pas des entreprises vouées à la publication
de livres wiccans.
Le fait que certains
d’entre nous grimacent devant ces titres et que d’autres les achètent est un
des signes montrant que la Wicca est à un carrefour. Le carrefour, la croisée
des chemins, concerne notre avenir en tant que mouvement.
La Wicca croissant
en popularité, les portes se sont largement ouvertes, et une attitude mature
reflète ce que nous sommes en réalité pour quiconque souhaite se reconnaître en
tant que wiccan. Il n’y a désormais plus réellement de barrières à l’entrée.
Habituellement les groupes wiccans exigeaient des gens qui souhaitaient faire
partie de notre communauté qu’ils s’engagent au moins à participer
régulièrement à des réunions et des rituels. Mais à présent, même cela est
apparemment négociable, les gens choisissant
juste de passer à des événements publics quand ils le sentent. Donc, notre
vision de nous-mêmes change. Les pratiquants solitaires surpassent probablement
en nombre ceux qui appartiennent à des groupes, et cela est un changement de
notre monde aussi. Il n’y a pas si longtemps, les gens qui voulaient devenir
wiccans se joignaient à des groupes où ils pouvaient apprendre et pratiquer avec
d’autres, en personne. C’était le passé. Le changement a été stimulé par des
livres populaires tels que La Wicca Vivante de
Scott Cunningham. Maintenant l’augmentation du nombre de pratiquants solitaires
a alimenté le désir de plus de titres qui facilitent l’apprentissage individuel
à partir d’un livre.
Internet a également
offert aux pratiquants solitaires la possibilité d’obtenir des informations
sans faire partie d’un coven. Il y a des groupes qui ne se rassemblent que via
internet et des forums de discussion, et qui utilisent la webcam pour pratiquer
des rituels de groupe. Beaucoup de ces internautes constituent une part
importante du public présent lors de rassemblements régionaux et d’évènements
publics, parce qu’ils aspirent à des interactions avec d’autres, même si elles
ne sont que très occasionnelles.
La situation
difficile des magasins ésotériques/ païens/new age/wiccans est reliée à un
développement important. Aussi récemment qu’au début des années 90 il n’y avait
dans ma zone urbaine des Etats Unis qu’un Border et qu’un Barnes & Nobles3.
Il y avait une poignée de librairies indépendantes qui avaient en stock des
collections complètes d’ouvrages païens, wiccans et métaphysiques, un grand
choix de jeux de tarots, calices, pentacles, bougies, huiles et autres choses
que nous utilisons. Ces boutiques procuraient aussi un espace de rencontre pour
des groupes wiccans et païens, ainsi que de discrètes références aux personnes
en recherche. Lors de la dernière décennie, ces deux chaînes de magasin ont
mené une expansion agressive et effrénée, de telle manière qu’à présent chaque
centre commercial héberge un magasin de ces enseignes, voire des deux, alors
que plusieurs de ces petites mais formidables boutiques disparaissaient.
Pourquoi ? Beaucoup
de wiccans et de païens ont commencé à effectuer leurs achats dans les chaînes
de magasins ou sur internet.
J’ai longtemps
maintenu que nous, wiccans et païens, devions maintenir les boutiquiers
indépendants viables, car ils nous rendaient service bien avant que les chaînes
de magasins s’intéressent à nous. Nos livres n’ont jamais représenté plus
qu’une petite fraction de l’offre des chaînes, alors qu’ils étaient au coeur de
l’offre des boutiques indépendantes. Il n’y a pas si longtemps, ces marchands
indépendants constituaient une part importante du lien communautaire.
Aujourd’hui, avec l’émergence du web, ils ont un rôle bien plus restreint. Moi
aussi, j’effectue parfois des achats en ligne, mais j’aime également me rendre
dans une vraie boutique entre des vrais murs, où les autres clients ont le même
état d’esprit, et où les employés savent de quoi vous parlez quand vous
recherchez quelque chose d’un peu inhabituel. Si vous achetez en ligne, essayez
de soutenir les marchands païens indépendants.
Je pense que toute
cette évolution sous-tend les prémices de débats à propos de la pertinence de
construire des édifices, de s’impliquer dans les refuges pour sans abris et les
soupes populaires, de la contradiction du terme wiccan-chrétien, ou si les
livres de Wicca doivent être adaptés et réécrits pour les adolescents. La ligne
de fracture semble être que les gens qui ont été formés dans de petits covens
locaux vont largement continuer à pratiquer de la sorte, alors que ceux qui
sont venus à la Wicca en solitaires,
qui achètent et communiquent en ligne, vont largement continuer à s’abstenir de
rejoindre de tels groupes, bien qu’une minorité cherchera à s’affilier dans de
petits covens. Il me semble que les groupes fluctuants d’électrons libres qui
aiment se réunir juste pour célébrer certains sabbats sont plus favorables au
fait d’avoir des lieux où se rendre en ces occasions, tandis que les covens
locaux ne laisseront jamais leurs portes ouvertes à quiconque souhaite y faire
un tour.
L’avenir de la
Wicca, comme de n’importe quelle autre religion dépend du fait d’intégrer de
nouveaux arrivants à la communauté. Nous semblons avoir deux niveaux de
croissance et de développement, avec une communauté étendue qui visite les
sites internet, assiste à des rassemblements et des évènements publics, et une
communauté plus restreinte qui travaille dans de petits groupes à domicile;
mais nous tissons tous des liens hors de nos zones de confort habituelles à
l’occasion. Nous sommes à la croisée des chemins car si au début nous n’avions
qu’un modèle de petit groupe, la technologie et la popularité se sont combinées
pour offrir des modèles au format plus étendu et plus ouvert.
Les gens peuvent
apprendre, mûrir, développer des liens d’amitié et de travail à travers chacune
des deux approches, bien qu’un groupe plus ancien ait un niveau de confort
différent du groupe récent, avec des concepts de fondement de la communauté
différents. C’est une chose de travailler avec un petit groupe pendant un long
laps de temps et de développer des relations, cela en est une autre, complètement
différente, d’héberger un évènement public et de gérer quiconque se présente.
J’ai fait les deux et j’ai des sentiments mitigés à propos de ce qui est le
mieux.
D’un coté, quand
vous avez un petit groupe dont les membres travaillent bien ensemble, même s’ils
ne sont qu’une demi-douzaine, des liens étroits peuvent se tisser et les
rituels peuvent être intenses. D’un autre coté, quand vous organisez un grand
rituel public et que près d’une centaine de personnes y assistent, même si vous
ne connaissez pas personnellement la plupart d’entre eux, beaucoup d’énergie et
d’atmosphère festive peuvent se dégager. Cela peut être une sensation
formidable. Maintenant j’ai choisi de travailler au sein d’un petit groupe
local, parce que j’aime la continuité du travail avec des personnes et de
pouvoir observer leur évolution; mais j’affectionne la cérémonie à grand
spectacle des grands événements et j’y assiste de temps en temps.
La Wicca a besoin
des deux approches pour continuer à croître. Nous n’avons pas à choisir entre
les deux. Je pense que nous sommes certains de continuer à avoir des
différences d’opinion. Nous sommes une communauté si variée que je pense qu’il
est naturel que nous résistions à toute tentative d’organisation ou
d’homogénéisation, car je pense que la liberté d’être différent est ce qui
attire la plupart d’entre nous en premier. Évidemment, étant donné que j’écris
ceci pour Witchvox et que je me suis servi d’internet pour dénicher
des livres rares d’anciennes éditions, j’apprécie la nouvelle technologie. Des
frictions entre les différents camps sont probablement inévitables quant à
savoir quelle voie est la meilleure. Les gens auront toujours un avis sur la
question. Cependant, nous avons également l’opportunité d’essayer différents
modèles et de nous attacher à celui qui nous aura apporté la meilleure
expérience.
Le fait que nous
sommes de plus en plus mentionnés dans la culture populaire, dans des articles
de journaux, des émissions de télévision, etc... continue à être à la fois
positif et négatif. Même si personne ne connaît et ne connaîtra jamais notre
nombre exact, il est sûrement croissant dans une certaine mesure, autrement
personne ne nous accorderait la moindre attention. Certains d’entre nous
choisissent de rester très discrets sur leurs croyances et pratiques
religieuses, et d’autres luttent publiquement pour nos droits. Chacun d’entre
nous arrivera à sa propre croisée des chemins et devra décider de ce que nous
devons faire. Je suis plus optimiste qu’inquiet à propos de notre avenir, mais
je garde un oeil sur toute sorte de développement qui pourrait nous affecter.
Cela fait partie de nos crises de croissance.
Retrouvez
les articles de Pan, en anglais, sur le site de Witchvox :
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