Il faudrait ici pouvoir évoquer plus
longuement les parallélismes possibles avec des textes contemporains qui
méditent et entrecroisent mystère marial et mystère féminin.
Pour Gertrud von Le Fort, la Femme
Eternelle c’est bien entendu la Vierge Marie. Elle développe (bien davantage
que Teilhard) une riche thématique du voile, car en bien des formes qui
précèdent et préparent Marie luit un « rayon voilé » du mystère de la Femme Eternelle
Marie, espérance du salut et forme de
l’Eglise, constitue la « médiation » nécessaire (mais libre) à la Médiation
rédemptrice du Christ.
La correspondance entre Marie et
l’Eglise n’est pas moins affirmée chez Pierre Teilhard de Chardin que chez
Gertrud von Le Fort : comme telle, elle permet d’ailleurs à Teilhard de mieux
cerner formellement le sens de sa propre dialectique : dialectique d’attraction
et non d’opposition.
S’il y a bien dialectique en effet, pour
autant l’Eternel féminin accompli dans la figure de Marie n’apparaît pas comme
une médiation à proprement parler, mais « trace de l’axe de la vie », elle se
donne comme une « région d’attraction commune » qui loin de disparaître comme «
une servante inutile, ombre devant la Réalité » subsiste, « jusque dans les
ardeurs du contact divin (…) tout entière avec tout (son) passé.
Bien plus je continuerai à me
révéler,-aussi inépuisable dans mon devenir que les charmes infinis dont je
suis toujours, même inaperçue, le vêtement, la figure et l’accès… »
Béatrix n’a été que l’intermédiaire vers
Marie qui à son tour est puissance d’offrande du monde et de tout amour ardent
de charité au Christ unique Médiateur.
Dialectique d’attraction, sans
médiations intermédiaires proprement dites .Le Féminin chez Teilhard joue
plutôt le rôle d’un « Milieu » : réalité dynamique où toute opposition va s’effaçant,
champ d’énergie émanant d’un foyer immanent et transcendant qui l’oriente et le
dirige.
L’Eternel
Féminin est écrit peu après le Milieu Mystique (août 1917). Il trouvera bien
des échos dans le Milieu Divin !
L’Eternel Féminin reste donc un hommage,
un peu utopique peut-être, en tous cas un poème musicalement scandé, une
merveilleuse cantate à l’amour.
Pour Teilhard la Femme est et reste la
Vivante, Seconde Eve qui conduit celui que son charme fascine au Dieu qui
l’attend. Nulle annihilation du désir mais détachement par excentration,
retournement, comme on l’a déjà remarqué, par quoi s’accomplit le désir sans être
détruit , au point d’atteindre une perfection inexprimable, lieu de saturation
de toutes ses énergies.. :
« Alors que vous me croirez absente, -
alors que vous m’oublierez, air de votre poitrine et lumière de vos yeux, - je
serai encore là, noyée dans le soleil, que j’ai attiré en moi… Il vous suffit, n’est-il
pas vrai, bienheureux élus, de relâcher pour un instant la tension qui vous
précipite en Dieu, ou de regarder un tant soit peu en deçà du foyer qui vous
fascine, pour voir de nouveau, à la surface du feu divin, se jouer mon image.
-Et à ce moment vous admirez que, dans
les longs plis de mes charmes, se déroule, toujours vivante, la série des
attractions successivement traversées qui, depuis les confins du Néant, ont
fait accourir et se rassembler les éléments de l’Esprit, -par amour. Je suis
l’Eternel féminin. »
L’Eternel féminin ou l’anti-Parsifal ?
Extrait
de A L’AUBE DE L’HUMANITE Par Jean Bernard Cabanes
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