« Devant une Humanité qui monte sans
arrêt, mon rôle veut que je me retire toujours plus haut, - suspendue au-dessus
des aspirations grandissantes de la Terre, comme un attrait et une proie, -
presque saisie jamais tenue. Le Féminin, c’est sa nature même, doit aller en s’accentuant
sans cesse dans un Univers qui n’a pas fini d’évoluer : Assurer la dernière
éclosion de ma tige sera la gloire et la joie de la Chasteté »
La Chasteté, qu’il ne se résout pas à
réduire à une vertu, permet de comprendre le sens de l’amitié entre homme et
femme, c’est-à-dire celui d’une union spirituelle intégralement tournée vers la
recherche de Dieu et orientée par Dieu même .Nulle ambiguïté donc dans l’aveu
que fait Teilhard à la fin du Cœur de la Matière : « A l’histoire de ma vision intérieure,
telle que la relatent ces pages, il manquerait un élément (une atmosphère) essentiel
, si je ne mentionnais pas , en terminant , qu’à partir du moment critique où, rejetant
bien des vieux moules familiaux et religieux, j’ai commencé à m’éveiller et à
me formuler vraiment à moi-même , rien ne s’est développé en moi que sous un
regard et une influence de femme ».
-
O
Vierge mère, et fille de ton fils.. (Dante, Divine Comédie, Paradis, XXXIII, v
1)
On l’aura compris, Pierre Teilhard de
Chardin propose au couple homme et femme une ascèse non de séparation ou
d’opposition, mais d’intégration et de dépassement. C’est pourquoi la femme
n’est jamais chez lui une rivale menaçante. Elle n’apparaît au demeurant qu’exclusivement
(ou presque) sous la figure du Féminin, symbole à travers lequel perce et s’impose
la signification et la réalité du tout. Aussi Béatrix est-elle une voie, une introductrice
: « Vierge voilée » dit Teilhard, en ce sens qu’elle cache encore la plénitude du
Féminin, qui se trouve au-delà d’elle, et que le Cosmos est le voile dans les
plis duquel se métamorphose l’éros, qu’enfin elle n’est que le « pseudonyme » de
la Vierge Marie en qui se réalise, de manière personnelle et concrète, l’agapè
auquel elle fournit , en quelque mesure , le dessein même de Dieu .
Dans l’Eternel féminin, Teilhard
inaugure sa réflexion par une sophiologie. Toutefois lorsqu’il invoque Béatrix,
il n’hypostasie ni l’une (la Sophia) ni l’autre, qui ne fournissent qu’autant
de symboles à Marie, associée à l’œuvre cosmologique, universalisante et personnalisante
de son Fils.
Extrait de A L’AUBE DE L’HUMANITE Par Jean Bernard
Cabanes
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