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vendredi 9 janvier 2015

LA FORMATRICE DE VIE


Nus, dans les jonquilles au bord de la rivière, ils se donnèrent la preuve que tout commençait par la sexualité. Ils se comprirent à la façon de deux moules parfaits, prévus pour s'emboîter l'un dans l'autre. Lui: le sexe sorti. Elle: le sexe rentré.
Et Adam connut Eve.

On le sait depuis, c'est une simple différence chromosomique qui forme les deux instruments de survie [Sur les 23 chromosomes que nous possédons dans chacune de nos cellules, il en est un nommé chromosome sexuel: chromosome X ou Y. Les ovules ne possèdent que le chromosome X, alors que le spermatozoïde possède soit un X, soit un Y. Les cellules somatiques possèdent 44 chromosomes et 2 chromosomes sexuels: XX pour la femme, XY pour l'homme (X et Y figurent la forme de ces chromosomes).] à la façon d'un doigt de gant dont le masculin serait l'extérieur, et le féminin l'intérieur, dans une double vision des choses vivantes.

Aucun doute, par cette opposition anatomique des sexes, Adam projette le germe de vie, lui seul peut le faire. Eve le reçoit dans son ventre pour lui donner forme, elle seule peut le faire.

Quels que soient leur imagination gestuelle ou le clair de la lune, c'est toujours Eve qui formera l'enfant, parce qu'elle produit la cellule sexuelle féminine. C'est sa fonction naturelle. Elle n'est pas, comme on voudrait le croire, une entité familiale, sociale, politique, avec, accessoirement, un sexe de femme. Elle est «formatrice de vie», en a l'organe, les attributs, les responsabilités, les pouvoirs et tous les droits. «Formatrice de vie», signifie qu'elle a besoin de donner forme au vivant. Toute femme ne demande secrètement qu'une chose: l'enfant. Et si ce n'est pas dans le plan physique, c'est au moins dans celui où elle peut libérer les pouvoirs de sa créativité.

C'est là le discours immarcescible de la nature. Au moment où tous les discours patriarcaux s'effondrent, il laisse apparaître une nouvelle libération de la femme par la reconnaissance de cette valeur radicale féminine.

Dans notre monde manifesté - c'est-à-dire tangible - la vie ne peut circuler qu'entre deux pôles opposés, + et -, mâle et femelle. Deux principes. Cette polarité crée la sexualité qui est non seulement la fonction d'un organe mais toute la communication du vivant.

Le langage de. la nature est simple! Il y a un principe qui fait des droites, qui rayonne, qui est dur: le masculin (+). Le donneur! L'autre fait des ronds, il émane, aime les courbes: le féminin (-). Le formateur!... Mars et Vénus. Il faut apprendre très tôt aux enfants à reconnaître dans les coquillages, dans les fleurs et chez les naturistes, les manifestations polarisées de ces grandes forces naturelles qui animent le monde: deux outils de travail, deux outils de pensée pour que la vie coule et son bonheur avec. Il faut l'apprendre aux enfants pour que les hommes le sachent.

Enfermés dans leur patriarcat, ils n'ont pas vu que les saisons se nouent et se dénouent par le jeu de ces deux principes. Ni vu qu'un arbre se tient debout de la même double façon. Ses racines, dures, profondes, fouillant le sol pour s'y fixer, en analyser les minéraux, lancer un tronc abrupt, droit et résistant comme du bois. Cette manipulation masculine préparant la manifestation du féminin, les ramures de plus en plus sensibles et gracieuses et rondes et fragiles au fur et à mesure qu'elles s'approchent du ciel, pour libérer en haut les tendresses et les douceurs, les feuilles et les fleurs, les parfums et les couleurs, que les oiseaux y viennent avec les papillons. Et tout là-haut au sommet de l'arbre: la photosynthèse chlorophylienne ! La prière avec le soleil... Ils n'ont pas vu que le féminin assure la photosynthèse spirituelle du monde.

Des millénaires qu'ils imposent leur outil de survie masculin, leur sexe droit, auquel ils ont longtemps accordé un droit de l'homme. Trop de temps aussi qu'ils imposent leur outil de pensée masculin, l'intellect, auquel ils accordent un droit de culture.

Mais l'intellect sépare pour pouvoir désigner et connaître. C'est sa nature, et son rôle. Alors, nous avons tout séparé! Dès la petite école, dès les bons points et les mauvais points. Nous avons tracé un trait de séparation partout, du nord au sud, de l'est à l'ouest, entre le ciel et la terre. Nous vivons séparés dans nos espaces intérieurs, séparés les uns des autres par la plus abominable forme de communication: le jugement. Le jugement comme une facilité, comme une fatalité, comme un faire-valoir, comme une drogue. C'est automatique, nous nous passons les uns les autres au jugement premier. Jugeons-nous les uns les autres. La secte des séparés! La pire, parce qu'elle ne sait pas et que chacun la suit (sectaire = suivre).

Elle ne le sait pas, puisque par un paradoxe fou qui domine la fin de ce siècle, les futurologues ne pensent qu'au masculin - science et technologie sans se poser la question de savoir ce que l'intellect en fera, dont on voit aujourd'hui qu'il continue à tout séparer pour tout asservir, l'espace et les consciences.

Sans voir que l'arbre privé de sa fonction chlorophylienne est tout prêt de tomber...
C'est dire l'importance illimitée ce matin d'une seule ovulation de femme, elle est au féminin!

Extrait de LE POUVOIR FORMATEUR DE LA FEMME
Par Pierre C. Renard 1996


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