La
confrontation avec notre violence intérieure dans le contexte maternel et
familial peut venir fragiliser les idéaux conditionnés et permettre la
véritable reconnaissance de soi dans un plus juste respect de ses limites.
Pauline Beau, mère de quatre fils, nous fait partager son regard sur cette
expérience et ses clés de transformation.
C'est
un sujet sensible. Sensible comme un point du corps qu'on viendrait pointer un
peu plus spécifiquement, et qui réagit au toucher en laissant émerger des
mémoires pas toujours très agréables. Quel point ? Il me semble qu'il s'agit de
la rate, celle qui fabrique le sang, mais aussi qui rumine, encaisse, et du
foie, qui filtre les substances physiques et psychiques du corps, et qui
explose de colère quand il en vient à saturation.
Dans
ma famille côté maternel, c'est une constante : la saturation, suivie
d'explosion, de toutes sortes de situations mal gérées qui mènent à l'impasse.
L'excès de feu se traduit en colère titanesque, incontrôlable pour
l’intéressée, incompréhensible pour l'entourage. Ou alors par un excès de
rancœurs, de plaintes, qui parasitent de saines relations au sein même de la
famille. Les causes en sont multiples, et pourtant ont toutes la même source :
la négation d'un féminin autre que procréateur et corvéable à merci.
Merci
au culte millénaire de la Vierge Marie, idéal impossible à vivre, en tout cas
tel qu'il est transmis dans notre culture : une abnégation sans fin pour ses
enfants, irréprochable car « sans », sans sexualité (du moins nous dit-on), et
sans désir personnel.
Or,
sans connexion directe au désir fondamental, comment nourrir l'axe de la
colonne vertébrale, comment tenir debout, la moelle épinière vivifiée,
irriguée, par l’énergie sexuelle qui y circule ? L’énergie s'accumule au niveau
du plexus solaire, sans trouver la circulation du haut vers le bas, du bas vers
le haut, et ne trouve comme exutoire que l'expression anarchique des émotions,
et plus tard les somatisations de toutes sortes : migraines, aigreurs, cancers
etc…
Il manque cruellement à notre panthéon une
Kali, déesse indienne de la destruction, ou une Sekhmet Égyptienne, déesse à
tête de lionne prise de rage les cinq derniers jours de l'année, mais aussi
Reine de sa Puissance, qui rappellent aux femmes occidentales leur pouvoir
sacré de sorcière, celle de la source. Et au quotidien ? Je suis la maman
de quatre garçons de 12, 10, 8 ans et d'un petit dernier de 9 mois.
La
découverte de cette colère ravageuse est la plus grande difficulté de mon
expérience de maternité. Là où le masque tombe, où de la Mère Idéale que je
croyais pouvoir être, pouvant donner et aimer sans compter, je me découvre
harpie, brandissant des « Range ta chambre ! », marmonnant des « J'en ai marre
», entre une vaisselle, un rendez-vous chez le dentiste et un changement de
couche, plus souvent que je ne l'aurais espéré… Craquage.
Craquage
salutaire : non, je ne suis pas parfaite, oui j'existe autrement que pour
mes enfants. Encore faut-il l'entendre soi-même, puis le faire entendre à
l'entourage… Et savoir déléguer, et donc faire confiance à une mère,
belle-mère, papa, nourrice, institutions… Pour prendre le relais un temps quant
aux soins des enfants, et me retrouver seule face à moi-même.
D'omnipotente,
j'apprends non seulement à mettre au monde, mais aussi à donner mon enfant au
monde, tout en évitant dans l'enthousiasme de la liberté retrouvée de
l'abandonner au monde. Subtil dosage, où seul un sens de plus en plus aigu de
la structure permet de jongler entre les multiples casquettes que demande la
maternité : cuisinière, infirmière, conseillère, aide aux devoir, taxi, femme
de ménage, animatrice, flic…, sans y perdre le nord, son axe, sa colonne
vertébrale, ni son souffle. Ainsi, la ronde infernale des taches sans cesse
recommencées trouve un sens, une cohésion, car nourrie dans sa moelle : la
reconnexion à ce que je suis dans mon essence, qui me permet d'envisager
l'autre, particulièrement mon enfant, sur ce même plan, sans me sentir asservie
à lui.
L'aide
du père est précieuse et bienvenue, élément de structure notoire. Toute mère
témoignera de la facilité déconcertante avec laquelle les enfants rejoignent la
table familiale (ou rangent leur fameuse chambre) quand leur père d'une voix
ferme le leur demande, chose beaucoup moins immédiate par la voix de la mère.
Certes,
la femme a à cultiver son «père intérieur» pour parvenir au même résultat, il
n’empêche que c'est une constatation : un homme dans la maison, elle tourne
plus rond. Et l'homme encore, celui qui reconnecte à la source. Lui qui sait
retrouver sa femme exilée sur une île déserte pour cause de saturation
sus-relatée, oublier le père… Retrouver le parfum qui vient aux amants, la
douceur et la morsure… Jouer et jouir. Même si la route pour se retrouver l'un
l'autre est parfois semée d’embûches... : avons-nous vraiment envie de nous
retrouver ? Et comment ?
Le
chemin est long pour transformer le quotidien banal d'une mère de famille en
magie précieuse. Par la structure, je pose mes limites, les fais respecter,
aère mon emploi du temps, me ménage impérativement des plages de « rien »,
entre les différentes actions du jour. - Je prends du recul sur la situation,
et commence à rire de mes agacements: finalement, le foutoir généralisé de la
chambre, faisant d'ailleurs miroir au mien propre dans la maison, n'est pas si
dramatique. - J'apprends les vertus du dialogue et de la communication.
Ouvrir
l'écoute à l'autre, lâcher prise. - J’aime. Un peu plus que d'habitude, un peu
mieux, sans attente, gratuitement. - Je contacte, exhume et honore cette déesse
sauvage, maîtresse d’elle-même et de son instinct, celle qui chasse, qui court
et qui sait intimement ce qu'est « être mère », pour elle-même et pour ses
petits, qui peut donner sans se perdre, et qui prie, reliée, sur la Terre comme
au Ciel.
Francesca du blog http://etredivinaufeminin.blogspot.fr/
Pauline
Beau pbeau77@yahoo.f
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