L'accompagnement d'une naissance peut et
devrait, quel qu'en soit le lieu, laisser la place à l'intime et à l'être. Que
la grossesse soit eutocique ou suivie de très près pour des raisons
particulières, la chaleur humaine est de mise. Le plaisir d'être en soi,
entourée de personnes en lesquelles on a une confiance profonde, avec lesquelles
on se sent vivre un rapport d'égal à égal : oui, cela existe, cela se prépare
aussi. Le choix d'être seule, en soi-même, l'accompagnant se faisant
extrêmement discret, ou n'existant pas, cela se vit aussi.
En quête de pistes et ne voulant me limiter à ma
propre expérience ou à des sources livresques, j'ai envoyé des questions autour
de moi. Je reçus cette réponse de Sarah Destrebecq, qui fut ma doula :
"J'ai l'impression qu'il y a eu un moment, quand je te massais, où on
s'approchait dangereusement de l'orgasme... Je crois que si ce moment avait pu
se prolonger et que tu aies accouché à ce moment-là, cela aurait été
orgasmique. Qu'est-ce qui était présent?
De la confiance, beaucoup, pour
pouvoir lâcher prise sur l'extérieur. En ce qui me concerne, confiance à
l'intérieur de moi, et en toi. Il fallait du calme aussi, en tout cas que tu
puisses être dans ta bulle sans distraction, sans rien qui vienne stimuler ton
néo-cortex, pour parler comme Odent.
Il me fallait être à l'écoute de ta
vibration profonde. Sans le toucher, je ne suis pas sûre que j'y serais
parvenue. Pour que l'accompagnement que j'offrirais à une femme lui permette de
s'approcher d'un accouchement orgasmique, il faudrait qu'elle se sente tout à
fait libre de s'abandonner devant moi, et qu'elle sente mon soutien
inconditionnel. La confiance. Jusqu'au fond des tripes." Diantre !
J'aurais frôlé la chose... Il est vrai que ce massage nous emmenait dans une
danse étonnante, moi dans l'eau, elle au dehors. Je n'ai point oublié le baiser
échangé avec le père de mes enfants, alors que je baignais dans cette piscine
qui m'offrait la sérénité me permettant de m'ouvrir par moi-même. J'avais prié
ma sage-femme de sortir. Nous étions entre nous. Que Ina May Gaskin soit ici
remerciée pour la suggestion de ce doux moment !
Annick de Lamotte, sage-femme, sait sur le bout
des doigts ce que discrétion veut dire : "Le but est que la femme vive son
accouchement selon son désir profond et selon ce qu'elle est à ce moment.
Savoir vraiment qu'elle est compétente et adapter son accompagnement à ce
principe de base : ne pas la toucher sans sa permission, être très discret,
savoir que c'est elle la personne importante et pas soi, veiller à une
atmosphère pleine d'amour et de respect, être bien ancrée dans son être
profond, veiller à l'environnement, chaleur?, lumière?, téléphone?, sonnette?,
odeurs?, mains chaudes et douces?"
Notons ici la place offerte au désir et
à la personne qu'est la mère. De là le choix de l'intimité, ou de ce que Michel
Odent nomme privacy. Car là où l'on se tient devant la femme et lui parle, on
peut tout aussi bien se tapir dans un coin. La pénombre, la chaleur et la
présence discrète renforcent la sécurité que la mère construit en elle-même. La
question revient sans cesse : qui est là? Qui est, qui sont ces personnes qui
accompagnent? "Compagnon/compagne (amant/amante) ou autre. Y aura-t-il
partenariat ou non ?
Autrement dit, s'il s'agit d'un partenaire, cet instant
intime, sera-t-il la vraie prolongation de celui qui a conduit à la fécondation
et s'est déjà poursuivi tout au long de la grossesse ? Il s'agit plutôt d'un
moment intime solitaire, dans lequel toute autre personne n'a aucune place
directe. L'accompagnant reste à sa place, c'est-à-dire distante, ne répondant qu'aux
sollicitations, aux questions, aux ordres, et reste vigilant aux signes. Mais,
y a-t-il une autre manière d'accompagner un enfantement ?" dixit
Jean-Claude Verduyckt, sage-femme. Il n'est peut-être pas d'autre manière
d'accompagner une femme qui se connait, se respecte et dispose de sa propre
personne. Ou en fait la conquête. Où la naissance n'est pas uniquement celle de
qui l'on croit... "Pour accéder potentiellement à ce vécu, il faut que la
femme - et l'homme - se sentent en sécurité et surtout que la maman vive cette
aventure comme un acte d'amour, comme si elle faisait l'amour, c'est-à-dire
qu'elle soit en pleine possession de son pouvoir de femme et de son pouvoir
d'être humain. Et qu'elle exprime ce pouvoir dans sa façon de donner naissance
à son enfant." Jane Delespesse, accompagnatrice de vie et doula.
Parler d'orgasme?
Non, il ne faut pas avoir un orgasme en donnant
la vie. Il survient quelquefois, bien imprévisible : "Orgasme : Point
culminant du plaisir sexuel, jouissance. Stade ultime de l'érotisation,
retentissant durant quelques secondes dans le cerveau comme un vertige
éblouissant la conscience. Je ne sais pas ce que les gens comprennent en lisant
"naissance orgasmique". Je sais encore moins ce que les hommes
comprennent à ces deux mots quand ils sont appliqués à la femme enfantante.
Parler de naissance orgasmique, pour moi, c'est parler de femmes, de sexualité
et d'érotisme féminin, mais je ne peux pas en parler à la place des autres. On
sait que la jouissance est atteinte dans diverses conditions. Il faut lire les
bouquins érotiques. Existe-t-il une recette pour accompagner une naissance
orgasmique? Je ne peux déjà pas employer le mot accouchement. Ce simple mot
évoque pour moi le viol: "couche toi là, que je te fasse du bien !"
Existe t-il une recette? Connaissez-vous une recette qui vous fait jouir à tous
les coups? Moi, non... Si : la masturbation, mais je n'ai besoin de personne,
surtout de personne. La masturbation qui me fait jouir à TOUS les coups est
solitaire...." Joelle Terrien, sage-femme et auteure.
Parler du plaisir
"Un accompagnement pour moi va vers le
respect de la personne et de ses désirs. Je parle de sexualité et, souvent, il
y a des surprises. Je parle des différents ressentis que peuvent avoir les
femmes, y compris l'orgasme. C'est essentiel de savoir que c'est possible. Je
dis les conditions nécessaires à ce qu'un accouchement se passe le plus
physiologiquement possible, et je compare souvent cela à l'orgasme : si vous
avez un spot dans la figure et 3 personnes autour, c'est compliqué.
À part
cela, une amie a eu un orgasme en accouchant dans une maternité de niveau 3, le
gynécologue entre ses jambes et 3 personnes dans la pièce et j'ai connu plein
d'accouchements très respectés, à la maison, où il y avait plein de belles
choses, mais pas d'orgasme. Il faut aller chercher la douceur et le plaisir,
particulièrement pendant la grossesse. Se mettre au centre aide à accoucher
dans sa puissance, orgasmique ou pas, mais en tous cas dans du "bon".
Quand on me demande s'il faut se masser le périnée pour le préparer, je réponds
: "si vous y prenez du plaisir, foncez, mais si vous faites cela en vous
forçant, en écartant de force les muscles, je pense qu'il vaut mieux
éviter."
Si on proposait aux femmes d'écouter leur ressenti, quel qu'il
soit, au lieu de leur donner des solutions... Mais jamais jamais je ne
promettrais un accompagnement vers une naissance orgasmique. Une naissance
respectée, oui et oui. Goûter du plaisir dans le processus, oui. Mais
orgasmique, en faire une fin en soi ? Se mettre une pression en plus ? Je suis
convaincue qu'il y a aujourd'hui des femmes qui se sentent nulles de ne pas
avoir eu un orgasme en accouchant et qui se posent la question de ce qu'elles
ont raté." Charlotte Marchandise, doula.
Parler des peurs et de la logistique
"Je travaille en pré-natal sur les peurs
des parents : peur de la douleur, de devenir mère/père, peurs au sujet du corps
et de la santé de la mère, autour du bébé. Mon objectif est qu'ils ressentent
la confiance, ayant compris leurs peurs, changé d'avis éventuellement, ou pris
des décisions pour mettre en place des filets de sécurité sur ce qui continue
de les inquiéter. L'idéal est qu'ils arrivent le plus zen possible au moment de
la naissance. Qu'ils n'aient qu'à penser à la magie de cette rencontre qui s'en
vient. Par ailleurs, je conseille de réfléchir aux conditions matérielles, afin
qu'ils mettent tout en place pour respecter leurs besoins personnels :
intimité, bain, musique, ce qui leur convient. Un plan de naissance permet aux
parents de parler avec le personnel soignant : cela les rassure - ou non - sur
le lieu et les personnes qu'ils ont choisis. C'est encore le moment de choisir
un autre lieu." Julie Gaffarel, doula.
Ou d'autres accompagnants. Un changement de
dernière minute est toujours possible. Michel Odent a mis en vidence l'effet
nocebo des consultations prénatales. Des accompagnants informés de la
littérature médicale, qui n'induisent pas de stress superflu par effet nocebo,
seront toujours utiles. Enfin, des personnes bien dans leur peau. N'est-ce pas
essentiel pour envisager de leur ouvrir la porte de son intimité?
Francesca du blog http://etredivinaufeminin.blogspot.fr/
Ingrid van den Peereboom
auteure, formatrice et mère de 8 enfants
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