La pratique de l’art, sous quelque forme que ce
soit, amène l’être humain dans un mode d’expression qui lui est spécifique, qui
est sien, qui le révèle, qui lui révèle sa véritable identité.
Que nous soyons « acteur-créateur » ou «
spectateur-récepteur », lorsque nous nous confrontons à l’expression artistique
quelle qu’elle soit, nous agissons. Tous nos sens s’éveillent. Nous plongeons
alors dans notre espace intime où histoire personnelle, croyances, patrimoine
familial, culturel, éducatif et religieux s’entremêlent et nourrissent notre
création, notre perception. L’œuvre en question devient catalyseur d’émotions,
de ressentis et de réflexions.
Pratiquant les arts plastiques depuis l’enfance,
chaque fois que je me retrouve devant cet espace vierge, que je vais
m’approprier avec la couleur, la terre ou tout autre matériau, des ressentis paradoxaux
m’habitent : l’enthousiasme, la retenue, la crainte, l’audace, tous se
bousculent jusqu’à l’instant du premier geste qui entame le processus créatif.
En tant que thérapeute, je fais cette même observation. Présente et ouverte à
la personne qui œuvre devant moi, je vois celle-ci faire se dérouler, par le
biais de la couleur, du dessin, du modelage, de la mosaïque ou toute autre
technique plastique, le magnifique fil créatif qui l’amène petit à petit à se
connecter à qui elle est vraiment.
Ce qui émane de chaque moment de création est un
immense sentiment de plénitude, de lien profond avec l’essence même de la vie.
Une vibration intérieure qui nous connecte avec qui nous sommes. (Lorsque je
pratique le land art avec mes patients : cette observation devient extrêmement
vive. La nature devient palette, matière, espace de création. Ce lien avec
l’environnement naturel dynamise la créativité de la personne, la ramène à son
essence pure, à son appartenance).
Le geste créatif quel que soit son support donne
à l’être l’occasion de s’exprimer. L’âge ne rentre pas en ligne de compte, et
pourtant. On observe la facilité avec laquelle un enfant s’abandonne à son
potentiel créateur de manière déconcertante. Il laisse aller ses mains ; les
couleurs, le trait, la matière, tout est exploré. Il n’y a de sa part aucun
jugement. Il fait. Il découvre dans la joie et une sorte d’application : la
rondeur des formes ou leur rudesse, la souplesse du trait ou sa fermeté,
l’harmonie des couleurs mais aussi leur disharmonie, tout est prétexte à créer,
à s’extasier. L’esthétique ne sera qu’une appréciation personnelle de ceux à
qui il montrera son œuvre : « C’est beau, ce n’est pas beau ».
En effet, l’esthétique n’est qu’un aboutissement
subjectif. Certes, il peut contribuer à la restauration de l’image de soi mais
avant tout, dans ce mode d’expression artistique, l’élan qui emmène la personne
à donner d’elle, à se montrer, va contribuer à l’ouvrir à elle-même, à sa
ressource créative. Durant ce moment de rencontre avec soi, le plus difficile à
éviter est effectivement le jugement. Malheureusement bien des personnes se
confrontent à cette étape : l’œuvre aboutie ne répond pas à une exigence de
l’ego, à cette blessure narcissique contractée pendant l’enfance qui est restée
là, béante, anéantissant tout désir d’expression et entraînant avec elle tous
les dommages qui vont freiner l’épanouissement de l’être.
La créativité, ne naît pas du talent, elle est
engendrée par l’ouverture à soi-même.
Le choix de la technique : peinture, dessin,
modelage, collage, mosaïque, land art... émane du désir de la personne.
Celle-ci va se sentir attirée et entrer en relation avec la technique qui va
petit à petit la révéler. Puis va en découler cette ouverture à soi-même. Cette
étape passe souvent par l’inévitable phase du rejet : « Comment ai-je pu
produire cela ? ». C’est dans cette phase difficile que le patient a
particulièrement besoin d’être soutenu en le confrontant à cette réalité : «
Oui, c’est bien toi qui as créé cette œuvre, mais ton regard est filtré par ta
blessure ! ».
Observer ce qui nous déplaît dans notre œuvre
est comme prendre en compte cette part de soi qui est dans l’ombre. La regarder
objectivement dans l’acceptation initie le processus de guérison. Et ce qui
était sombre, désordonné, qui générait de l’aversion, du rejet, devient source
de joie et d’épanouissement. « Je crée comme je le ressens, comme je le vis et
c’est le plus important ! » La personne entre alors en amour avec la technique
qu’elle fait sienne, elle la vit, elle respire avec elle, celle-ci l’habite
quotidiennement, au-delà des séances de thérapie. La magie s’opère alors, le
processus thérapeutique se met en place et la créativité se déploie.
La créativité s’élève au-dessus de tout préjugé
et exigences égotiques. La personne alors, en explorant tous « ses possibles »,
s’enrichit d’elle-même, de sa propre source.
Travaillant auprès de personnes déficientes,
j’ai découvert au fil de ces douze années de pratique en institution combien
l’art pouvait stimuler le désir, l’enthousiasme, puis générer la confiance et
l’estime de soi. Que ces personnes soient contemplatives, ou qu’elles soient
créatives pleines d’enthousiasme avec ou non du talent, que leur œuvre parte ou
non pour une grande exposition internationale telle que celle proposée par «
l’association My Heart » ; chacune d’entre elles se sera appropriée ces
instants de créativité comme une part d’elle-même.
L’universalité de l’art fait tomber toute
frontière : chacun dans son processus créateur va donner de lui, de sa vérité.
Ce message sera accueilli avec enthousiasme ou pas, mais il véhiculera avant
tout la liberté d’expression, la liberté d’ÊTRE.
Martine VIOLLEAU
Art thérapeute. Je travaille depuis 12 ans en
institut médico-éducatif et exerce également en libéral où le rebirth, la
gestalt, le travail psychocorporel et le rêve éveillé s’associent pour une
approche global de la personne.
martineviolleau@yahoo.fr
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