Comment le regard porté sur la vie peut-il
permettre de passer du mal-être au bien-être profond, réel, joyeux ? Comment ce
regard dépend-il de la façon d’être avec celle(s) qui m’entoure(nt) ?
Elle arrive avec son petit bébé qui sourit et
gazouille. Les regards se tournent vers elle. Elle entend « Oh, qu’il est beau
! » puis des apartés « Évidemment, c’est un enfant facile ! », « Et dire
qu’elle l’éloigne de son père. »
Elle joue avec son fils qui découvre sur une
table des crayons de couleur : « C’est le bleu, et ça le jaune, et celui-là, il
est rouge. Bleu comme le ciel d’azur, jaune comme le citron, rouge comme les
fraises. Oh, tu as vu quand on fait des ondes avec son crayon, ça peut dessiner
une feuille d’arbre ! » L’hôtesse du lieu, soi-disant pour le bien-être
maman-enfant murmure à son sujet, « Tout le monde dit d’elle, qu’elle est à moitié
folle. »
Cette amie pleure, elle la prend dans les bras.
Au loin, d’autres femmes murmurent : « des gouines, des lesbiennes, je te dis.
»
Comment vivre avec ces commentaires mauvais, qui
collent à la peau ? Que faire de ces commérages, colportages, langues de
vipères, commentaires, critiques derrière le dos, calomnies, jalousies, envies
qui polluent chaque moment en société ? Leur faire face, leur dire la colère,
s’en laver, s’en frotter à la brosse rouge, quitte à se faire mal ?
« Vous êtes amour. Vous cherchez l’amour autour
de vous, chez une compagne, un compagnon, une maison, un chien, mais VOUS ÊTES
amour ». Entendre cela à la radio lui envoie une onde… de choc ! Et puis, elle
marche dans la rue et la lumière devient du miel, elle entre dans le tramway,
elle remarque les sourires, elle remercie, elle reçoit des gestes attentionnés.
Si jusque-là elle regardait essentiellement ce qui lui faisait du bien en
essayant de ne pas tenir compte de ce qui la blessait, elle se met soudain à
sentir qu’elle a en elle « l’amour ». Chacun vit avec ses souffrances, pourquoi
en vouloir pour cela ? Nier ces souffrances, cela protège, mais cela ne les
soigne pas. Soudain, elle ose plonger le regard dans celui des inconnues. Les
traîtresses d’hier peuvent-elles être des sœurs? Elle en fait le pari fou, et
alors ? En être taxée un peu plus ou un peu moins, qu’est-ce que cela lui fait
? Elle plonge son regard et elle comprend qu’elle peut avoir des amies, avec
leurs blessures, des amies. Y a-t-il besoin de chercher plus loin ?
Elle reçoit les gestes de grâce, de tendresse,
d’affection, les regards empathiques, les mots courtois, bons, justes. Elle
sent que ces femmes aussi sont amour.
Elle voit aussi que son cœur s’emplit quand elle
pense à cette amie, si discrète, qui l’aime telle qu’elle est, avec sa liberté,
sa spontanéité, ses maladresses, ses mauvaises idées et ses bonnes. Elle aime
également profondément cette amie malade, généreuse, sensible, naturelle. Et
celle-là, si spirituelle, charismatique, éclairée et si blessée aussi. En fait,
plus elle pense aux femmes qu’elle aime, plus elle en voit, comme si ce regard
lui faisait apparaître la beauté de celles qui l’entourent, mais aussi leurs
fêlures à aimer.
Dans le fond, les médisances, les violences
n’étaient-elles donc que des aveux de souffrance ?
Peu à peu, son regard puisant dans la phrase «
Vous êtes amour » la mène à puiser dans celui des autres, mais aussi à
accueillir sa propre féminité : un corps de femme, avec ses plis, replis,
coffres à bijoux et secrets, un cœur de femme sensible et extrêmement fort à la
fois, mais aussi des manières de femme, si difficiles jusqu’alors à accepter.
Pourquoi renoncer à ce qu’un homme nous laisse passer devant au restaurant ?
Quel délice d’accepter qu’il tire sa chaise pour qu’elle s’assoie ? Et s’il paie
la note, et bien pourquoi pas ! Cette femme est ta sœur, est ma sœur, est la
bien-aimée.
Isabelle SYLVIN
Éducatrice
Un Nid de douceur :
http://unniddedouceur.blogspot.fr/
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