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samedi 24 juin 2017

La mise en valeur de la maternité


La sagesse n'est pas la seule vertu bouddhique à avoir été associée à la féminité. L'amour empathique (maîtri), lui aussi, sera très tôt paré des vertus maternelles, comme le démontre un texte célèbre du canon ancien:
"Ainsi qu'une mère, au péril de sa vie, surveille et protège son unique enfant, ainsi avec un esprit sans limites doit-on chérir toute chose vivante, aimer le monde en son entier, au-dessus, au-dessous et tout autour, sans limitation, avec une bonté bienveillante et infinie". [Metta-sutta]
De fait, la maternité sera toujours valorisée dans le bouddhisme, quand bien même bhikkhu et bhikkhuni font vœu de chasteté et de célibat! Au roi Pasedani, qui se plaignait que sa femme ait donné naissance à une fille, le Bouddha réplique:
"Une fille, ô Seigneur des hommes, peut se révéler une meilleure progéniture qu'un enfant mâle! Car elle peut atteindre aux plus hauts degrés de sagesse et de vertu. Bonne épouse, elle révèrera la mère de son époux et elle-même pourra porter un enfant mâle, promis à de grandes actions et apte à régner sur de grands royaumes. Oui, le fils d'une aussi noble femme peut devenir un guide pour son pays".


L'amour inconditionnel pour les êtres se double ici de la capacité insigne de mettre au monde un être humain, seul état d'existence qui permet de parvenir à l'Eveil. La femme-mère devient ainsi le réceptacle d'un Bouddha en puissance, le média indispensable pour parvenir à la Délivrance, offrant à un être errant dans le samsâra le corps physique de l'humanité, à l'instar de la première d'entre elles, la reine Mâyâ, mère de Siddhârta… Les mères, notamment à Ceylan, auront d'ailleurs droit au titre honorifique de "Bouddha du foyer", tandis que le Bouddha est appelé "mère de tous les êtres vivants", sa tâche étant de faire"naître à la vie spirituelle" tout être perdu dans le samsâra. Sous l'influence du tantrisme, le vêtement monastique lui-même, de son côté, finira par être compris, symboliquement, comme un véritable "placenta spirituel", signe de cette seconde naissance que représente l'état monastique.
Le plus populaire des bodhisattva, Avalokitesvara (plus connu en Chine sous le nom de Guanyin) symbolise la compassion de tous les Bouddhas. A partir du XIe siècle, sous l'influence du bouddhisme tantrique, il sera présenté en Chine sous des traits féminins. Cette représentation "féminisée" est aujourd'hui très populaire dans tout l'Extrême-Orient. Probablement influencés par les missionnaires chrétiens, actifs dès le XVIe siècle, les sculpteurs et les peintres chinois n'hésiteront pas à représenter Guanyin portant un nourrisson dans son giron, dans une attitude qui rappelle les "Vierges à l'enfant" des églises chrétiennes!

La création d'un "ordre" féminin, les bhikkhuni

La communauté des disciples du Bouddha est d'abord essentiellement masculine. Dès son premier sermon, devant cinq ascètes qui avaient partagé un temps sa vie d'austérités, le Bouddha fonde une communauté (sangha) de renonçants (bhikkhu), ignorant au départ - sinon excluant - les femmes. Il faut attendre cinq ans, d'après la tradition, pour que Prajâpati Gautami, sa mère nourricière, se fasse la porte-parole des oubliées:
"Il serait bon, Seigneur, que les femmes puissent être autorisées à renoncer à leur foyer et à entrer dans l'état sans famille pour suivre la Doctrine et la Discipline enseignées par le Tathâgata ("l'Ainsi-venu", un titre du Bouddha). - C'est assez Gautami. Ne mets pas dans ton cœur l'espoir que les femmes y soient jamais autorisées!"
Trois fois rebutée, Prajâpati s'en remet au disciple préféré du Bouddha, son propre cousin germain, Ananda. Celui-ci réitère la demande dans les mêmes termes et essuie à son tour deux refus. A sa troisième tentative, il tourne la difficulté…
"Seigneur, est-ce que les femmes, une fois entrées dans l'état sans famille, sont capables de réaliser les fruits de la Voie et de parvenir à l'état d'arhat? - Oui, elles le peuvent. - Si les femmes sont donc capables de réaliser la perfection et puisque Prajâpati vous a été d'un grand secours (elle a été votre tante, votre nourrice, votre mère adoptive; quand votre mère est morte, elle vous a même allaité), il serait bien qu'elles puissent être autorisées à entrer dans l'état sans famille. - Ananda, si Prajâpati accepte les Huit Grandes Conditions, considérons qu'il s'agit là de son ordination!"
En faisant appel au caractère "conventionnel" et non "essentiel" de la distinction des sexes, Ananda ne faisait que rappeler au Bouddha son propre enseignement… Reste que le sangha vit dans le monde et que le monde est soumis aux conventions! Les bhikkhuni seront donc admises… mais si elles admettent "Huit Grandes Conditions" (voir ci-dessous) qui les placeront, de fait, sous l'autorité des bhikkhu!
La tradition n'oubliera jamais que, une fois acceptée la création de la communauté des bhikkhuni, le Bouddha se serait exclamé aussitôt après: "La Bonne Loi devait durer mille ans… Maintenant que les femmes ont été admises dans le sangha, la Bonne Loi ne durera que cinq cents ans!"
On a beaucoup glosé sur cette exclamation, apparemment profondément sexiste, sans avoir jamais pu déterminer sa signification exacte, tant elle paraît en désaccord avec l'enseignement. Certains y ont vu un ajout tardif, représentatif du machisme ambiant chez les bhikkhu; d'autres pourront y voir le fait que, les femmes représentant la moitié de l'humanité, il est normal que le"temps d'usage" de la Bonne Loi réduise ainsi de moitié…
Aujourd'hui encore les interprétations divergent!


Extrait de l’article à lire en entier ICI : http://www.buddhistwomen.eu/FR/index.php/Textes/Feminin

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