L’apanage de la magie n’est pas réservé à un
individu qui se démarquerait de la communauté. Nombre de pratiques sont connues
par beaucoup de femmes (et d’hommes aussi), mais des personnes sont plus
« spécialisées » que d’autres dans certains domaines. L’apprentissage
magique se fait de personne à personne sans qu’il y ait d’initiation ou de
préparation spéciale. On acquiert souvent une forme de savoir parce qu’on a été
soi-même confronté à une situation difficile qui a demandé le recours à une
pratique magique pour être résolue. Et de pratique en pratique le savoir se
constitue… écrit Ioana Andreesco
Une
amie médecin m’a fait connaître deux praticiennes dont la réputation
d’efficacité était bien établie. Mais c’est un professeur du gymnase de la
commune qui m’a introduite auprès de la « sorcière locale » la plus
renommée des années quatre-vingt. Elle avait alors soixante-cinq ans. Elle
était considérée comme spécialiste de la magie maléfique et l’une des
meilleures pour la magie amoureuse, que l’on nommait « magie de la
souillure ». Grâce à leur relation privilégiée et complice, j’ai pu
aborder ces sujets qu’elle jugeait scabreux et qu’elle pensait que je pouvais
juger honteux. Cela se sentait à sa voix que la gêne rendait parfois presque
inaudible. Mais disait-elle « sans ces choses-là on ne peut pas jouir de
la vie ». Et « ces choses-là », elle me les donnait au cas où
j’en aurais besoin « dans la détresse ». Car cette forme de magie
(amoureuse) est tenue comme la solution extrême, celle du dernier recours, une
fois que la relation conjugale est détériorée. La femme, par l’enfantement et
les règles, est considérée comme étant plus proche de la souillure et de la
séparation des espaces qui sont vus comme purs et impurs.
La
magie de la souillure (de spurcăciune) se servira de toutes les
« sécrétions de la vie intime » (urine, sperme, sang menstruel, et
mêmes matières fécales, ainsi que la sueur) dans le but de salir une relation
déjà ressentie comme impure, car illégale, afin de ramener les événements à un
stade antérieur. L’urine et les excréments sont nommés « les substances
les plus mauvaises du corps » qui, lorsqu’elles sont jetées chez les
ennemis, sont censées semer la zizanie, provoquer la haine et la rupture. Ces
« substances mauvaises » ainsi que le sang des menstrues sont
considérés comme des déchets de l’organisme, « des misères
dégoûtantes », des choses impures qui deviendraient nocives si elles
restaient dans le corps.
L’organisme se purifie en les expulsant et on utilise
leurs côtés nocifs dans cette magie. Les incantations qui soutiendront ces
actions scabreuses utiliseront aussi des paroles ordurières dans le même
but : souiller ceux envers lesquels elles sont proférées. Ce type de magie
va être pratiqué dans le cas d’un couple constitué, composé de l’époux et de
l’épouse, pour éloigner la rivale. Par analogie avec le dégoût éprouvé pour les
excréments, il s’agit de parvenir au même dégoût pour l’intruse et d’amener à
ressouder le couple désuni par elle. Que les amants fautifs se sentent souillés
et en viennent à être dégoûtés l’un de l’autre jusqu’à la nausée et guérissent
de leur attirance coupable. Salir la rivale et sublimer l’épouse. La vie et les
relations intimes qui ont précédemment lié le couple légitime les mettent tous
les deux dans un espace où les éléments uro-génitaux-anaux représentent aussi
une sorte de communication possible, mais alors valorisée ; ne serait-ce
que par le sperme de l’homme et les sécrétions de la femme au moment de l’acte
sexuel.
Je vous propose
de lire le texte en son INTEGRALITE ICI : https://clo.revues.org/1518
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