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lundi 22 février 2016

Serpents-totems des clans matrilinéaires



Nu Kua ou Nu Kwa ou Nugua est la très puissante déesse créatrice chinoise qui, après le grand déluge, devint « l’épouse » de son frère. Son nom est dérivé du mot qui désigne la courge ou le melon, symboles de fertilité, c’est pourquoi elle est parfois appelée la « fille-courge ». Mi-humaine, mi-serpent, Nuwa avait la capacité de changer de forme à volonté. Elle est représentée tenant deux compas, tandis que Fuxi tient une équerre, symbole du rôle qu’ils jouèrent dans la création. C’est Nuwa qui aurait inventé une sorte de cithare mais surtout c’est elle qui est à l’origine de l’humanité. Nüwa, puissante divinité créatrice et figure tutélaire du matriarcat primitif, parachève l’œuvre du titan Pangu, en peuplant la terre avec les hommes modelés dans l’argile, jaune, êtres dont la vocation première est d’apporter de la vie, la sociabilité, et de peupler la terre. Il est fort probable que le patriarcat confucianiste ait déformé le mythe originel de Nuwa, en lui attribuant l’invention de l’instrument d’asservissement du patriarcat, l’institution du mariage; et en qualifiant son duo utérin avec son frère Fuxi de « mariage ». Dans la famille matriarcale, ce n’est pas parce que l’oncle maternel élève ses neveux qu’il en est le géniteur.



Déesse-créatrice de l’humanité

Nuwa (chinois simplifié : ; chinois traditionnel :  pinyin : nǚwā, aussi transcrit Nügua), est un personnage de la mythologie chinoise dont l’origine remonte à l’antiquité. Déesse créatrice, elle a façonné les premiers hommes avec de la glaise, leur a donné le pouvoir de procréer. Elle est la sœur et « l’épouse » de Fuxi. À partir des Tang, ils sont présentés comme les inventeurs des rites du mariage, dont elle est la patronne. Ils sont les deux des trois Augustes dans la légende. Elle est également donneuse d’enfants. On lui attribue l’invention du se , sorte de cithare. C’est aussi elle qui a réparé le ciel déchiré à cause de la guerre déclenchée par les dieux de l’eau et du feu.

Reléguée au rang de divinité mineure, sauf chez les sauvages

Comme tous les personnages de la mythologie antique, elle est connue par des textes assez tardifs (dynastie Han et peut-être fin des Royaumes combattants), sa nature exacte et son origine sont donc difficiles à déterminer. S. Papillon lui reconnait une forte ressemblance avec des divinités indo-européennes, évoquant la possibilité d’une origine tokharienne. Elle n’est restée dans la religion chinoise que comme divinité mineure. Les Miao du Sud-Ouest de la Chine lui rendent aussi un culte et ont conservé le mythe du Ciel brisé, mais considèrent qu’elle l’a réparé en colmatant la brèche avec son corps.

Son frère « époux » civilisateur

Fuxi ou Fu Hsi est un personnage de la mythologie chinoise, héros civilisateur et le premier des trois Augustes. Il apparait aussi sous les noms de Paoxi, Mixi, ou Taihao (suprême éclat). Les textes les plus anciens le décrivant datent des Royaumes combattants et des Han occidentaux. Les Chants de Chu mentionnent une fresque le représentant avec Nuwa, son « épouse » (et aussi, selon certaines sources, sa sœur). Comme à elle, on lui prête le corps d’un serpent et l’invention du mariage. Parmi ses contributions supposées à la civilisation chinoise, la plus remarquable est l’invention des huit trigrammes du Yì Jīng ( bāguà), à l’origine de la calligraphie.

Des dieux-serpents maçonniques ?

Les représentations graphiques de Nuwa la dépeignent en général moitié-femme, moitié-serpent. Elle est souvent accompagnée de Fuxi, tenant en main un compas alors qu’il tient une équerre. Il apparaît le plus souvent en couple avec Nuwa, les queues de serpent formant la partie inférieure de leur corps s’enroulant l’une autour de l’autre. Ils se font face ou se tournent le dos, tenant en main l’équerre (Fuxi) et le compas (Nuwa) qui pourraient symboliser la terre et le ciel. Les instruments peuvent être remplacés par la lune et le soleil, symboles du Yin et du Yang. Les plus anciennes représentations connues sont des gravures sur pierre de la dynastie Han. Sur quelques-unes, un troisième personnage non-identifié apparaît entre eux.

L’invention du mariage à la création du monde

C’est le chroniqueur Li Rong des Tang qui prète au couple l’invention du mariage dans le Duyizhi : Seuls sur le mont Kunlun à l’époque où il n’y avait pas encore d’humains, ils songèrent à se marier. Les deux jeunes gens voulaient se marier et avoir des enfants, mais ils savaient qu’ils devaient obtenir la permission des dieux. Ils escaladèrent alors une montagne sacrée, et chacun édifia un feu de joie au sommet. Ils eurent recours à une divination par l’observation de la direction de la fumée. Les fumées des deux feux se mêlèrent, signe que Nuwa et Fuxi interprétèrent comme la permission de se marier. La réponse étant favorable, ils procédèrent à la cérémonie, mais comme Nuwa était embarrassée, elle se cacha derrière un éventail ; ce fut là le premier rituel de la cérémonie nuptiale. Au bout d’un certain temps, Nuwa mit au monde une boule de chair. Fuxi découpa la boule en de nombreux morceaux avec une hache, et transporta les fragments jusqu’au ciel en grimpant sur une échelle. Une bourrasque éparpilla les morceaux de chair à travers le monde. Lorsqu’ils touchèrent le sol, ils devinrent des êtres humains. C’est ainsi que la terre fut repeuplée après le Déluge.

Le dragon totémique, conquérant des sauvages sans père

Selon le Baihu tongyi de Ban Gu, à l’origine, les êtres humains vivaient sans règles morales et ignoraient qui était leur père. Vêtus de peaux de bêtes, ils se nourrissaient à la façon des animaux, se mettant en chasse lorsqu’ils avaient faim, consommant la peau, la fourrure et le sang de leurs proies, ou en abandonnant les restes, incapables de les conserver. Après avoir scruté le ciel et la terre, Fuxi instaura le mariage, détermina les mutations des cinq éléments, créa les lois et les huit trigrammes. Il enseigna aux hommes les méthodes de cuisson, la chasse, la pêche, les armes de métal, le premier sacrifice au ciel. Il dispute à Huangdi deux inventions : la cithare guqin et le symbole du dragon composé des parties des animaux totems des tribus vaincues, car selon certains textes, il fut aussi un empereur.

Comme le relate Tchouang-tseu :

« J’ai entendu dire que dans la haute Antiquité, il y avait beaucoup d’animaux et peu d’hommes. Pour éviter les bêtes sauvages, les hommes habitaient dans des nids. Durant le jour ils ramassaient des glands et des châtaignes; le soir venu ils perchaient sur les arbres. C’était là ce qu’on appelle l’Âge des Nicheurs.

« Les hommes de l’Antiquité ne connaissaient pas les vêtements; ils entassaient du bois en été pour se chauffer en hiver. C’était là ce qu’on appelle l’Âge où l’on sut vivre. Du temps de Chen-nong, le Divin Cultivateur, on dormait tranquillement, on se levait joyeusement. On connaissait sa mère, mais non son père; on vivait avec les élans et les cerfs; on labourait pour se nourrir et l’on filait pour se vêtir. Personne n’avait l’intention de nuire à son voisin. C’était là l’âge où la vertu parfaite prospérait.
« Mais le Souverain Jaune n’était plus capable de vertu parfaite. Il livra bataille à Tch’e-yeou dans la plaine de Tchouo-lou; le sang coula sur une étendue de cent stades. Puis Yao et Chouen entrèrent en action. Ils instituèrent la hiérarchie officielle. T’ang exila son souverain Kie. Wou tua son souverain Tcheou. Depuis lors, les forts ont opprimé les faibles; la majorité a tyrannisé la minorité. Depuis l’époque de T’ang et celle de Wou, il n’y a plus eu que fauteurs de désordres. » – (Tchouang-tseu, L’oeuvre complète, Pléiade, p.321)

 » Quand règne la vertu parfaite, on n’honore pas les sages, on n’emploie pas les hommes compétents. Le dirigeant domine comme les branches supérieures de l’arbre; le peuple est libre comme le cerf dans la campagne. Chacun va son droit chemin sans connaître le sens du devoir; les hommes s’aiment les uns les autres sans connaître l’idéal de l’amour humanitaire. Ils sont véridiques sans savoir ce qu’est la loyauté; ils tiennent parole sans connaître la valeur de l’engagement. Ils s’entraident sans considérer qu’ils font des libéralités. C’est pourquoi leurs actes ne laissent pas de traces et pourquoi leur histoire n’est pas transmise à la postérité. «  – (Tchouang-tseu, L’oeuvre complète, Pléiade, p.173)

Il se peut que cette civilisation globale préhistorique s’est donc éteinte sans laisser de traces, comme l’a expliqué Tchouang-tseu. Le symbole de la femme, du sacré féminin, « qui donne », s’est vu peu à peu remplacé par le symbole de l’homme conquérant, « qui prend », et pour qui il est important de laisser des traces.

Sans père, né d’une vierge

Huang Fumi ( (215-282) des Jin prétend dans son Histoire des empereurs et des rois, dìwángshìjì) que sa mère était une jeune fille du clan Huaxu pendant le règne de Suiren. Un jour, dans la Tourbière du tonnerre, elle vit une empreinte de géant et décida de la mesurer avec son pied. C’est ainsi qu’elle conçut Fuxi qui prendra la succession de Suiren.

Le père fondateur de la civilisation chinoise

On dit qu’il établit sa capitale à Wanqiu au Henan, comté de Huaiyang, où l’on situe l’emplacement de son tumulus funéraire. Il existe de nos jours encore un temple où des cérémonies lui sont offertes du 2 du deuxième mois au 3 du troisième mois. Selon la généalogie chinoise traditionnelle, il est l’ancêtre des clans Feng (), Ren, Su, Xuju, Zhuanyu. Taihao, son surnom, est selon certaines sources le nom d’un chef des Dongyi (littéralement : barbares de l’Est).


Le nom de famille chinois garde les traces du matriarcat

L’idéogramme chinois xing qui signifie le nom ou le nom de famille, est composé du pictogramme , femme, à gauche du complexe phonique sheng, croître, naître, vie. Contrairement au Nom du père en occident, le nom chinois est le nom de la femme-mère, littéralement : né de la femme… Le nom de famille chinois était donc à l’origine le nom du clan à l’époque matriarcale, un nom féminin. Ainsi, les huit grands noms de la haute antiquité chinoise étaient tous composés avec le pictogramme , femme. Le mot est composé de femme et enfant. Et il veut dire tout simplement bien.

Chez les Moso, et encore davantage chez les Naxi, le culte des serpents-totems, appelés Ssù, est resté vivace. Bien que très proche du culte des Naga, par l’influence de l’hindouisme qui a transité par le bouddhisme tibétain, il garde de nombreuses caractéristiques archaïques, comme chez les Nairs matriarcaux du Kérala, dans le sud de l’Inde. Le culte des serpents n’y est jamais mélangé avec le bouddhisme, il est préservé à l’écart des autres cultes locaux (Dongba, Bön…), comme une relique d’une période antérieure. Chaque clan matrilinéaire est protégé par un animal totem, dont le bas du corps est un serpent.


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