Pour Baudelaire la femme est l’autre. L’autre absolument
vers lequel tendent et sont portés tous les hommes, sans pour autant que cet
autre, insaisissable par nature, leur appartienne jamais. Dès lors, la femme
devient, pour le poète, l’objet d’un culte impossible, d’une religiosité qui se
meut en damnation et qui entraîne l’homme dans la chute.
La chute par le corps d’abord, puisque Baudelaire décrit
la femme comme un être simplement charnel, comme une machine vivante et
corruptrice, comme un être naturel, ou un vampire docte en voluptés et qui, de
ce fait, est docte dans l’art « de perdre au fond d’un lit l’antique conscience
».
Ainsi, c’est la femme naturelle qui livre l’homme au
péché, étant l’instrument du diable ; cette image trouvera une incarnation particulière
dans la vie du poète, sous les traits de la juive Sarah, dite « la Louchette »,
mais surtout de la seule femme à laquelle le poète restera attaché jusqu’à la
fin de sa vie, ne pouvant jamais se résoudre à la quitter, Jeanne Duval. Les
conséquences de cette déchéance par la chair entraînent non seulement, comme
nous l’avons dit, la mort de l’antique pureté, mais encore, et surtout, une
chute spirituelle.
Elle réduit l’homme d’esprit, le dandy qui veut se
dégager de la matière, s’élever par le travail et l’exercice de son
intelligence, à une régression qui le conduit à ployer sous le poids
insupportable de sa propre matière. A- La femme et la chute Dans ses Journaux
intimes Baudelaire écrira : « La femme ne
sait pas séparer l’âme du corps. Elle est simpliste, comme les animaux. Un
satirique dirait que c’est parce qu’elle n’a que le corps » montrant par là
combien la femme est pour lui réductible à un être strictement charnel, à un
être vide et sans âme.
La femme est alors et ce de manière nécessaire vue comme
un être naturel : « La femme à faim et
elle veut manger, soif et elle veut boire. Elle est en rut et veut être foutue.
Le beau mérite ! ». Elle est assujettie à ses désirs et, non contente de ne
pouvoir les réguler, elle n’en a même aucune conscience, elle se voit attribuer
une âme sensitive qui la réduit à l’état de bête, de brute, et de « vil animal
». Aussi, dans « l’Examen de Minuit » Baudelaire se rappelle :
Nous
avons blasphémé Jésus
Des
Dieux les plus incontestables !
[…]
Baisé la stupide Matière
Avec
grande dévotion
En d’autres termes, Baudelaire affirme avoir « baisé »
avec le diable, celui-là ayant pris possession de la matière vacante, du corps
féminin privé d’âme, la transformant en une sorte de vampire qui tire l’homme
vers la chute par la concupiscence, ce que rappellera encore le poète dans ses
Journaux intimes en écrivant que « L’éternelle Vénus (caprice, hystérie,
fantaisie) est une des formes séduisantes du diable ». La femme est pour
Baudelaire l’incarnation du démon. Mieux, elle est l’instrument du diable
chargé d’amener l’homme à sa propre déchéance sous l’effet d’une concupiscence
débridée et grâce à une aptitude naturelle à faire le mal, étant donc par là
même une inconscience à le faire, le mal n’étant que le prolongement de sa
nature.
Nous pouvons voir combien Baudelaire fut hanté par la
sensation d’étouffement que représente la femme, sensation mortelle incarnée
par ses bras comme dans « La métamorphose du vampire »
Extrait de Charles Baudelaire
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