La
Chouette Lunaire : Aux temps modernes, cet oiseau est
devenu un symbole de sagesse en raison de son lien étroit avec la divinité
grecque Athéna ou la déesse romaine Minerve, mais son symbolisme le plus
ancien, efficacement transmis par la tradition populaire, l'associait à la mort
et à la destruction. Ainsi, on pensait que le cri de cet oiseau entendu de jour
ou trois nuits de suite annonçait un décès. En Ecosse, la chouette portait le
nom de cailleach, c'est-à-dire vieille femme, assimilé à la mort et à l'hiver.
Au Pays de Galles, un puissant imaginaire sexuel
s'attache également à cet oiseau, puisqu'on dit que le cri de la chouette
annonçait qu'une jeune femme non mariée venait de perdre sa virginité.
Dans le légendaire celte, on la retrouve dans le conte
de Lleu : à partir de fleurs et de plantes, ses oncles magiciens lui réalisent
une fiancée qu'ils nommèrent Blodeuwedd, c'est-à-dire « Visage fleuri » en
gallois. Mais elle ne lui resta fidèle que le temps nécessaire aux fleurs pour
perdre leur parfum, avant de s'éprendre d'un chasseur qui blessa mortellement
Lleu d'un coup de lance. Mais ses oncles le retrouvèrent et le guérirent. Comme
punition, la fiancée infidèle fut changée en chouette et, aujourd'hui encore,
le mot gallois désignant cet oiseau est blodeuwedd. Blodeuwedd était une femme
à l'appétit sexuel prononcé et qui suivait son instinct naturel. De bien des
points de vue, l'infidélité n'était pas son fait, mais celui des hommes qui
voyaient en elle la réalisation potentielle d'attentes irréalistes.
Son histoire s'apparente à celle de Lilith, issue de la
terre comme Adam : étant son égale, elle refusa de s'unir à lui dans la
position du coït arrière et s'enfuit de l'Eden. Dès lors, elle fut assimilée à
la chouette effraie, représentée avec des pattes griffues et des ailes
d'oiseau. Elle était considérée comme créative, démoniaque, symbolisant
l'aspect lunaire et féminin négatif, reine de l'autre-monde, porteuse de mort
infantile et la séductrice nocturne des hommes. En tant que telle, elle
s'identifiait à l'autre Eve, négative celle-là, c'est-à-dire à la malédiction
menstruelle qu'elle introduisait dans la création par le biais du serpent. Les
deux récits montrent la vraie nature féminine qui se manifeste entre puberté et
ménopause.
La chouette symbolisait les pouvoirs occultes internes
et la sagesse que confère le cycle menstruel, de même que la nécessaire
mutation du moi intérieur précédant le renouveau. Le Lièvre Les lièvres puis,
plus tard les lapins, représentaient la fécondité, le dynamisme biologique de
la croissance, du renouveau et du plaisir sexuel, de même qu'on les associait
étroitement à la lune et à ses divinités. Le lièvre était notamment associé à
la déesse Oestra, qui devait par la suite donner son nom à la fête de Pâques.
On la représentait avec une tête de lièvre et les animaux qui l'accompagnaient
pondaient les œufs de la vie nouvelle pour annoncer la naissance du printemps -
une image que nous retrouvons dans le « Jeannot lapin » pascal. Norse, divinité
lunaire scandinave et Freyja, déesse de l'amour et de la fécondité, étaient
toutes deux assistées de lièvres, comme l'était Vénus, divinité romaine.
On dit par ailleurs que les motifs visibles à la
surface de la pleine lune tracent le portrait d'un lapin ou d'un lièvre, tandis
que la tradition orientale montre que cet animal tire sa fécondité de la
contemplation de l'astre nocturne. On l'associait aussi aux facultés féminines
et lunaires que sont divination, transmutation, folie inspirée et sexualité. La
reine celte Boudicca élevait un lièvre pour la divination : avant une bataille
et afin de prédire son dénouement, elle le lâchait de sous son manteau et
observait la voie qu'il suivait. L’association du lièvre et de la sexualité est
parvenue jusqu'à nous, trouvant à s'exprimer dans le concept d'employée de
boîte de nuit habillée en lapin (bunny girls). Il est possible qu'en raison de
ces connotations « indésirables » l'église médiévale ait regardé le lièvre
comme un animal de mauvais augure.
Dès lors, on associa les lièvres aux sorcières et on ne
pouvait tuer celle qui en avait pris l'apparence qu'avec un crucifix d'argent
ou, plus tard, avec une arme tirant des balles fabriquées dans ce même métal.
La déesse noire Aux temps préhistoriques, l'image de la source de vie était
celle d'une divinité que l'on considérait à la fois comme la matrice de
transformation et comme le dynamisme générateur et créateur de l'univers et de
toute vie. Elle était perçue comme la force vitale permanente et invisible de
l'univers ; sa manifestation physique était la création.
On observait l'expression de ces images dans le cycle
lunaire. La divinité manifestée était perçue dans les trois phases lumineuses
de la lune en tant que trinité : croissance-réalisation-déclin, traduisant
ainsi le caractère transitoire du cycle des saisons et de la vie. La divinité
non manifestée correspondait à la phase de nouvelle lune, à la matrice, à
l'invisible et permanente source de vie. Les représentations ultérieures de la
déesse lunaire la montraient comme une trinité au lieu d'une divinité tétramère,
non parce qu'on en ignorait l'aspect occulte, mais parce qu'elle était
invisible à l'œil humain, de façon identique à la phase de nouvelle lune. Elle
s'identifiait à l'obscurité de l'invisible, du non manifesté, à la source de
vie porteuse de potentialités et à la pure conscience qui se profilait derrière
la trinité lumineuse.
Ses ténèbres symbolisaient l'essence du cycle dans sa
totalité, puisque les phases lumineuses ne pouvaient être comprises, si ce
n'est par comparaison à l'obscurité. L'image de la divinité de la vie et de la
mort, de l'obscurité et de la lumière perçue comme un cycle lunaire complet
présentait un clivage, la déesse noire symbolisant les énergies destructrices
tandis que la mort séparée de son autre aspect, positif celui-là, représentait
les énergies constructives et la vie. Ainsi, l'image féminine de mort et de
destruction n'était plus suivie de celle, compensatrice, du retour à la matrice
universelle pour renaître, aussi le cycle lunaire vie-mort-renaissance était-il
rompu.
En dernier ressort, l'image du féminin divin se
polarisa : d'un côté l'éclatante divinité de la vie et, de l'autre la
terrifiante déesse infernale qui amenait avec elle le principe de mort
irrévocable. La puissance sexuelle intense et l'énergie destructrice éprouvées
par les femmes au cours de leurs cycles menstruels fusionnèrent dans l'image de
divinité guerrière assoiffée de sang. Le caractère créateur des énergies en
cause fut ignoré et l'image sexuelle farouche, évoquant la folie sanguinaire
s'exprima par le biais de divinités comme Ishtar, Sekhmet et Morgane. C'est
alors que la mère accueillant la mort fut perçue comme maléfique, s'adonnant à
la destruction absurde pour le seul plaisir de détruire.
Le couple « sexe et violence » se perpétue d'ailleurs
au sein de notre société moderne au travers des films et des livres, et dans
les nombreux viols accompagnés de violence sexuelle. Ainsi l'image originelle
dans laquelle sexualité créatrice et mort s'entrelaçaient fut atrocement
déformée : si, en tant qu'élément porteur de changement, on considère l'Ange
Exterminateur d'un point de vue linéaire, il est effrayant ; mais si on
considère vie et mort comme un cycle perpétuel, l'Exterminateur devient la voie
vers une existence et une croissance nouvelles.
La mythologie a souvent restreint le rôle des divinités
soit à celui de bonne « mère génératrice de vie » soit à celui d'effrayante «
déesse de la mort », mais ces images portent souvent la marque du cycle
complet. Ainsi Hécate, divinité grecque de la nouvelle lune était reine des
sorcières et divinités de la mort. Représentant la face cachée de la lune en
fin de phase décroissante, elle était la protectrice de la divination, des
rêves, de la magie, mais aussi celle de l'énergie montant des ténèbres
intérieures suivies de son cortège de visions, de compulsions, d'inspiration
extatique et de folie destructrice. Reine des morts, Hécate brandissait le
flambeau de la régénération et de la renaissance.
Dans d'autres récits, elle portait un bandeau éclatant
et montrait un cœur tendre ; c'est elle qui manifesta sa compassion pour la
peine éprouvée par Déméter après l'enlèvement de Perséphone. Elle faisait
l'objet d'un culte en tant que représentation triple, notamment aux carrefours
où les quatre voies symbolisaient les quatre phases lunaires. Ainsi, à
l'approche de l'un d'eux, trois directions possibles s'offrent à notre vue,
mais la quatrième reste invisible sous nos pieds. Athéna, divinité vierge symbolisant
sagesse et intelligence, véhiculait également des images reflétant son côté
ténébreux.
La tête de Gorgone lui était étroitement associée
puisqu'elle ornait son bouclier ou son égide. La légende rapporte que la
Gorgone correspondait à Méduse, une femme à chevelure de serpents dont le
regard fixe et mortel pétrifiait les hommes. Son sang tuait ou faisait
renaître, selon la veine d'où il provenait. Son visage entouré de reptiles
ondulants évoquant une vulve fit d'elle un symbole de renouveau et de mort, mais
aussi sexuel, régénérateur, et créateur. Athéna était également représentée
accompagnée d'une chouette, évocation de la mort et de la faculté de prophétie.
On peut donc considérer Hécate et Athéna comme rassemblant, dans une certaine
mesure, d'autres aspects des phases lunaires, mais symbolisées en divinité
unique.
La descente d'une divinité au royaume des morts pour
amener avec elle vie nouvelle et connaissance est un thème qui revient souvent
dans la mythologie ; il reflète le cycle des saisons, de la lune et de la
femme.
Dans le légendaire grecque, Perséphone, fille de
Déméter, divinité symbolisant les céréales, fut enlevée aux enfers. Sa mère,
dans son chagrin, priva le monde des énergies de fécondité et de croissance
jusqu'à ce que sa fille fut retrouvée. Perséphone ne pouvait réintégrer
totalement le monde des vivants que si elle ne ramenait rien des enfers ; or,
elle avala quelques semences de grenade, geste qui l'obligeait à retourner aux
enfers une fois par an. Perséphone, ou Coré, était la Compagne du blé en tant
que graine et plante, alors que Déméter incarnait le blé lui-même. Ce récit
exprime le principe unificateur du cycle lunaire, selon lequel l'enfant né de
la mère est fait de la même substance qu'elle.
La coupe du blé, donc sa mort, ne tue pas la graine qui
permettra la repousse, mais c'est un geste nécessaire au renouveau de la vie.
Aussi Perséphone, à l'instar du grain de blé, séjournait-elle aux enfers,
devenant ainsi reine des morts, jusqu'à ce qu'elle renaisse au printemps. On peut
aussi voir dans sa descente aux enfers une analogie avec le cycle menstruel
pour demeurer dans l'obscurité de la menstruation. Comme Eve, Perséphone
cueille le fruit rouge pour s'intégrer désormais à un cycle comportant trois
étapes successives : retrait, renouveau des énergies et descente aux enfers. A
ce moment, au-dessus d'elle, dans le monde des vivants, Déméter rappelle les
énergies de fécondité, faisant place à l'hiver, exprimant ainsi l'union
existant entre le cycle féminin et celui de la Terre.
Au moment de ses
règles, la femme vit une phase d'intériorisation énergétique aux dépens de son
investissement extérieur ; elle est plus orientée vers la conscience
introspective, favorisant ainsi son évolution et sa compréhension du monde afin
de réinvestir dans l'univers quotidien la connaissance ainsi acquise. Donc
Perséphone et la femme en période menstruelle vivent-elles un hiver caractérisé
par le retrait des énergies de fécondité.
La première descente dans les ténèbres est nécessaire
pour que la vierge devienne mère. Ces descentes menstruelles successives lui
permettent d'accueillir à nouveau la partie la plus jeune de son être afin de
revivre. Descendre chaque mois, accompagnée de Perséphone, c'est pour nous
descendre dans l'enfer du subconscient afin d'approcher davantage la source de
toute vie, de toute conscience, ainsi que donner un sens à la vie et la
comprendre. Le récit de L'Eveil suit la voie empruntée par Eve lors de sa
première descente. La Dame Rouge est l'Enchanteresse, c'est-à-dire la belle-mère
maléfique qui met fin à l'enfant en l'ouvrant aux facultés que confère la
féminité. La Dame Rouge est détentrice des dons d'imagination, de magie, de
transformation et d'authenticité. Dans l'obscurité, sa vue engendra chez Eve
affolement, compulsion, inspiration extatique, ainsi que dynamisme énergétique
et sexuel.
Eve est appelée par la Mère des Ténèbres à transmuter son énergie
pour créer à partir de la destruction et faire sortir la lumière de
l'obscurité. Par cette descente, Eve constate l'existence de deux mondes, l'un
visible et quotidien, l'autre invisible et intérieur. Comme la divinité
préhistorique, elle appartient à ces deux univers et chaque mois elle évolue
dans l'espace qui les sépare. Sa première descente inaugure le déroulement des cycles
de renouveau qui l'accompagneront entre puberté et ménopause.
EXTRAIT
DE LA FEMME LUNAIRE de Miranda Gray -Editions Jouvence - retranscrit par Francesca
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