Les récits
légendaires celtes et, plus tard, arthuriens mettaient souvent en scène des
mystiques féminins jouant le rôle de représentantes terrestres de la divinité
qui incarnait la souveraineté ou le pays. En tant que Souveraineté, ces femmes
pouvaient offrir la créativité, la sagesse et la royauté divine. Lors de leur
mariage avec un roi celte, ce dernier se voyait conférer le droit divin de
gouverner, l'autorité et l'honneur mythiquement liés à la divinité du pays.
On
attendait de lui qu'il conduise son peuple et qu'il lui soit fidèle, en échange
de quoi Souveraineté lui offrait les pouvoirs et la sagesse de l'autre monde.
En Irlande, au cours des cérémonies du sacre royal, la Souveraineté du pays
était une jument blanche et, dans la légende arthurienne, Elle prenait le
triple aspect de Guenièvre. Tout au long de ces récits légendaires, Souveraineté
se montre sous la forme de nombreuses femmes dont chacune incarne un caractère
lunaire (le nom gallois Gwenhwyfar
signifie « Fantôme Blanc » et traduit ce caractère), de même qu'elle
exprime l'une des particularités du pays et du féminin divin en prenant tantôt
l'apparence d'une jeune vierge attirante, de la reine généreuse, de l'affreuse
damoiselle, de la vierge ténébreuse ou tantôt celle de la vieille sorcière. Ces
femmes apparaissent aux héros et aux rois en leur proposant des dons, des
enseignements et en leur jetant des défis afin de défendre la cause de leur
pays.
La vierge, dont la couleur est le blanc, est présentée comme la source de
l'imagination qui suscite l'action. On rencontre un rôle analogue dans divers
récits populaires où des vierges doivent échapper à des dragons, des monstres
ou encore de malfaisantes sorcières. De nos jours, maints livres et films
reprennent ce thème. Dans la légende arthurienne, Guenièvre tient d'abord le
rôle de la jolie fiancée fleurie source de souveraineté pour Arthur, mais
lorsqu'il la délaisse, elle devient celle de lancelot. Son rôle de reine, dans
les premiers récits, la présente en femme dirigeant la cour et soutenant la
position de force occupée par Arthur.
Cette reine, puissante et influente, dont
la couleur est le rouge, permet au héros de relever avec succès le défi qui lui
est lancé ou qui le soutient dans sa quête. Igraine, mère d'Arthur, se retire
dans l'autre monde quand son rôle de souveraine temporelle s'achève ; là elle
conserve une position d'autorité comme reine au Château des Vierges. La vierge
ténébreuse est introduite dans les légendes pour défier le héros de manière
active, le contraignant à une attitude responsable et à s'orienter vers la
connaissance de soi. Dans les mythes arthuriens, elle se présente sous l'aspect
de Kundry, la magicienne, qui reproche à Peredur de ne pas poser le Problème du
Graal et qui, après avoir tancé les chevaliers pour leur inaction, les talonne
afin qu'ils s'activent durant cette quête. Elle est présentée comme une
méchante langue qui met les chevaliers a l'épreuve et les tourmentes. Morgane,
l'enchanteresse, exprime aussi la facette de vierge ténébreuse du fait de son
antagonisme à l'égard du roi Arthur ainsi que par la remise en question
permanente de son mérite à être placée sur le trône. La vierge ténébreuse peut
également se rencontrer sous les traits de la guerrière, compagne du héros
pouvant le faire changer d'avis, investie d'un pouvoir magique et occulte, mais
symbolisée aussi par le dynamisme juvénile.
La vieille femme représente
également un personnage ténébreux, mais détentrice du savoir occulte et du
potentiel de transformation. On la dépeint souvent sous les traits d'une femme
laide et âgée muée en une belle jeune fille par l'action adéquate du héros,
comme on l'a vu dans le récit de Sire Gauvain et de la Sorcière. Les traits que
prend Souveraineté reflètent le cycle lunaire, donc les apparences sous
lesquelles elle se présente - jeune fille, mère, vierge ténébreuse et sorcière
- ne sont pas immuables et passent de l'une à l'autre.
Souveraineté,
divinité de la terre, en représente la nature, le bourgeonnement énergétique
printanier, la générosité hivernale où se dissimule l'éclatante beauté de la
terre, et exprime également le cycle menstruel féminin dans sa traduction
terrestre. Comme la lune et les saisons, nous passons d'une phase de notre
cycle à l'autre, changeons et nous transformons en harmonie avec notre nature
profonde. Souveraineté, comme la terre, inspire l'humanité, lui offre sa
générosité, lui reproche son inaction ou ses actes erronés et modifie notre
manière d'être.
EXTRAIT
de Les forces du cycle féminin de Miranda Gray - Retranscrit par Francesca
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