Il existe
des médecins depuis le 3° millénaire avant Jésus-Christ, comme en témoignent
les stigmates de trépanation, certainement pratiquées avant la mort, trouvés
sur les crânes lors de fouilles récentes dans le Midi de la France. En Mésopotamie,
les Summériens disposaient vers le XXX e siècle d'une véritable pharmacopée.
Mais y a-t-il eu des femmes médecins à l'époque primitive ? Les témoignages les
plus nombreux concernent l'Australie :
— Dans l'île
de Bornéo, chez les Olo-Ougadyous et les Dayaks, le médecin s'appelle Bazir et
la médecienne Balian. Chez les Olo-Maanyam, les femmes seules exercent la
médecine.
— Dans l'île
de Sumatra, chez les Minangkabaouers, on décrit de véritables cérémonies
médicales où la Doukoune, prêtresse-médecin, va à la recherche de l'âme aidée
des Djihines, esprits féminins ; mais associée à la partie mystique, il y a la
partie rationnelle : la distribution de médicaments.
— Dans les îles de Nias et
de Bali, chaque village de moyenne grandeur possède à la fois un homme et une
femme médecin ; celle-ci n'a pas le droit de se marier chez les
Topantonnouasous de l'île de Celébéo.
— Dans l'île
de Saleier, la médecienne s'appelle Bissou et aux Philippines, ce sont les
Shamanes.
— En Asie, en Cochinchine orientale, un missionnaire français signale
l'existence des « Bo-joan », femmes médecins. Dans l'Asie du Sud-Est, les
femmes sont admises à la dignité de prêtre-médecin.
— En Arabie,
à côté des « Hakimes », médecin traditionnel, il y a les « Bobalis », négresses
libres exerçant la médecine dans les classes pauvres.
— En
Amérique du Nord, chez les Indiens, on trouve deux types de médecine,
rationnelle et surnaturelle ; la première pratiquée par les « Muskevines », la
seconde par les « Mides », beaucoup plus vénérées. Chez les Dakotas et les
Greeks, les femmes accèdent à ces deux types de fonction.
— En
Amérique du Sud, chez les Goagires, la femme peut être « Piache ». Il apparaît
donc bien que les femmes ont pratiqué la médecine primitive, surtout comme
prêtresses et sages-femmes, pratiquant les versions externes, les manœuvres
internes, les embryotomies chez les Dakotas, les césariennes dans les peuplades
du cours supérieur du Nil. L'exercice de la médecine par les femmes dépend de
leur situation dans la société ; là où elles sont asservies ou méprisées, la
voie de la dignité de prêtresse-médecienne leur est fermée.
En Egypte et
en Grèce, la médecine est exercée par les prêtres et les femmes font partie du
service divin. La situation de la femme égyptienne est satisfaisante ; Hérodote
écrit : « Les femmes sont sur les places publiques et s'occupent de l'industrie
et du commerce » ; elles donnent aussi des soins. Euripide, dans Médée,
s'étonne de la liberté des femmes égyptiennes.
En Grèce, il
faut suivre les trois époques :
— L'époque
héroïque ne laisse que peu de documents accessibles sur le sujet, mais
Homère montre bien que la femme est l'égale de l'homme ; elle connaît les
plantes médicinales et Médée passe pour avoir été la première à préconiser
l'usage des bains.
— L'époque historique, celle de la Grèce
indépendante, du IVe au Ier siècle avant Jésus-Christ ; la situation de la
femme varie selon les tribus : chez les Doriens, les femmes sont libres, mais
beaucoup moins chez les Ioniens, surtout à Athènes où elles restent au gynécée.
Platon, cependant, leur reconnaît des « aptitudes réelles pour la philosophie
et la médecine ». Vers la Ve Olympiade, les philosophes commencent à enlever
aux prêtres d'Esculape la prérogative de la médecine. Pythagore joue là un rôle
important ; à sa mort, ses élèves deviennent « périodeutes » ; ils parcourent
les villes pour enseigner et soigner. Théano, son épouse, prend la direction de
l'école et l'on compte des femmes parmi les périodeutes. Théano écrit des
iivies sur les maladies des femmes. Un siècle plus tard, naît Hippocrate et,
dès lors, existent deux sortes de femme médecin en Grèce : l'Ornatrix ou
sage-femme et la Iatromaïa, sorte de généraliste pour femmes, visitant les
femmes au gynécée où les hommes ne sont pas admis (Lipinska). Marcel Beaudoin,
en 1901, dans son livre Les femmes médecins, rapporte l'histoire anecdotique de
cette jeune femme grecque nommée Agnocide, qui aurait étudié sur les bancs de
l'école déguisée en homme ; elle aurait pratiqué la gynécologie et les
accouchements, mais aurait été condamnée par l'aréopage.
— L'époque
gréco-romaine (I" siècle avant J.-C.-IVe siècle après J.-C.) C'est la
chute de l'indépendance, la situation des femmes évolue : Pline parle
d'Olympias d'Athène, dite la Thébaine, auteur de formules thérapeutiques pour
les maladies des femmes. Salpe, Sotira, Laias d'Athènes sont également des
sages-femmes érudites. Pour Galien, il existe de véritables femmes médecins à
cette époque, telle Elephantis qui écrit sur l'alopécie ; Eugérasie, auteur
d'une prescription contre le gonflement de la rate ; Antiochis (IIe siècle
après J.-C.) propose un traitement de l'hydropisie, de la sciatique et des
arthrites et un cataplasme émollient, et la ville de Tlos honore sa mémoire en
érigeant une statue, témoignant de son habileté médicale. Elle est citée par
Héraclide. — Sanitra se serait spécialisée dans les affections du siège ;
— Xanite compose une préparation contre
la gourme et la gale ;
— Maia traite les condylomes et rhagades ;
— Basilia de
Corycos et Thecla de Sileucie sont connues en Asie mineure ;
— Enfin,
Cléopâtre, au Ie r siècle après J.-C, écrit un « livre sur l'ornement du corps
», une « notice sur les poids et mesures » et un « traité sur les maladies des
femmes et les accouchements » ;
— Orégénie, à la fin du I" siècle, est
l'auteur de « Soins que l'on doit aux femmes enceintes » et de divers manuels
d'obstétrique. A Rome, aux premiers siècles, la médecine n'est pas une profession,
mais on fait volontiers appel à certains étrusques qui pratiquent une médecine
sacerdotale, puis s'installe une médecine laïque, exercée par des Grecs des
deux sexes, surtout développée dans le monde des affranchis et des esclaves.
César, enfin, accorde le droit de cité à tous ceux qui exercent la médecine ou
enseignent les arts libéraux, et c'est alors un afflux de médecins grecs et
notamment des femmes, dont l'exemple sera suivi par certaines Romaines, d'où la
coexistence à Rome des Iatromeae d'origine grecque et des Médicae, d'origine
romaine.
par Mme le docteur D. PENNEAU,
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