(Accarias L'Originel)
questions par internet (email) à son
auteure Sahaj Neel
Question M.france :
Votre ouvrage « Journal d'une tantrika, ou le doux saisissement de
l'amour » paru chez Accarias L'Originel retrace votre expérience
tantrique (notamment en Inde), c'est une quête de la liberté par l'amour et la
sexualité, une recherche de l'émerveillement dans chaque instant. Au départ
vous êtes je crois une chercheuse en sciences humaines, qu'est-ce qui vous a
amené sur ce chemin mystique ?
(Sahaj Neel cite deux citations tout d'abord)
« Quoiqu'il en
fût, l'importance de me dévêtir, de me laisser aimer toujours plus par ce vide,
par cet espace vacant pourrais-je dire, devenait de plus en plus clair.
Avez-vous déjà essayé d'ôter vos vêtements dans un placard ? Ou bien de
déplacer les meubles d'une pièce encombrée, surchargée ?
« Décrivez une
maison » proposent les taoïstes. Certains y voient des murs, des fenêtres,
des portes, un plancher, des meubles, …d'autres goûtent la présence de son
espace intérieur, libre.
Il me semble que
l'espace est ce lieu d'où éblouit le sourire, qu'en penses-tu ? » p.
84.
Émerveillement est bien un mot clé. En fait
concernant le lien entre ce que l'on pourrait appeler comme vous le suggérez
« un chemin mystique » et les sciences humaines est très direct. Il
s'agit d'une curiosité tenace concernant l'être humain qui m'a toujours animée
et plus fondamentalement ce qui lui permettrait de « retourner à la maison »,
soit d'être libre d'identifications semblant inutiles.
En acceptant de joindre les deux, j'ai pu
observer combien il est utile de reconnaitre alors les moyens d'accéder à cette
connaissance sans entrer dans des rejets sectaires, car ce qui se passe est
au-delà des « écoles ». J'ai commencé le yoga vers 17 ans, époque où
j'étais entièrement plongée dans les passions philosophiques et me gorgeais de
tout ce que je trouvais à ce propos, je peignais, écrivais de la poésie et je
vivais déjà dans une grande proximité avec mes rêves nocturnes.
Certains m'enseignaient directement, soit par
des présences ressenties, soit par des états de conscience modifiés que je
tenais à apprivoiser. Les sciences humaines, notamment la psychologie et la
sociologie, sont devenues ce que j'appelle ma carte de visite classique d'une
aventurière de l'épopée humaine, ou comme je le compris plus tard : d'une
yogi vivant en Occident. N'oublions pas que les sciences humaines proviennent
de cette même curiosité, de personnages habités souvent par un feu poussant lui
aussi les limites du connaissable. Pour moi, ces deux approches ne se sont
jamais opposées, si elles ont créé quelquefois des difficultés au niveau de
l'organisation sociale, de la reconnaissance des qualités professionnelles par
exemple, cela représentait dès le début un défi choisi portant aussi ses
propres stimulations. Il est intéressant de se trouver dans une zone mobile et
flexible de la pensée sociale et non dans son centre hiérarchique que les
forces souvent égotiques tendent à maintenir, voir à figer. Le
« yoga » est aussi un concept… réveillant souvent des croyances
limitantes.
C'est donc aussi par ce biais que les
« voies » peuvent nous libérer, tout dépend de ce qu'on l'on accepte
de voir (à creuser !). En d'autres termes, oui, il a fallu parfois jongler
entre des principes que les écoles respectives tentaient de tenir à l'écart.
Prenons un premier exemple : la notion de dévotion, mal comprise en
psychologie occidentale contemporaine. J'ai donc tiré partie de cette
« limitation première » pour développer une « troisième voie »
et suis devenue précisément une chercheuse développant la manière de percevoir
le psychisme et la conscience dans les deux cultures, occidentale et asiatique.
Un autre exemple relève d'une richesse linguistique, encore trop souvent
laissée à la confusion.
Quels sont les mots justes pour parler de
ce que l'on pense exister en nous, nous définir même : le mental, le moi,
le self/Self…
Ils correspondent en sanscrit à un tout autre
regard sur nos facultés, raas, manas, jiva, atman et para atman…, creuser ses
correspondances ou différences pousse très loin notre investigation. Pour
donner un troisième exemple, rappelons-nous que la psychanalyse est bien basée
sur les notions de transfert et de contre-transfert. Les relier à la relation
« Guru-shisha/disciple » est plus qu'intéressant (cf. notre parution
chez L'Harmattan, 2007, Psychanalystes, gurus et chamans en Inde, issue d'un
colloque à New Delhi avec Psychiatres du Monde).
Ainsi, pour développer votre question, je me
suis aussi forgée avec ce « ce n'est pas toujours confortable », et
cela est une base commune aux deux disciplines !
Dans la voie que j'aborde dans le livre, les
limites renvoient au Cela, si on les regarde pour ce qu'elles sont, faites de
vacuité ! « Là », dans cette zone pouvant aussi s'affranchir de
certains concepts et user d'une certaine subversion intellectuelle, j'incarnais
aussi une flexibilité me permettant de rencontrer deux sortes de personnes, et
cela est passionnant : celles ne sachant pas souvent qu'elles étaient
prêtes à s'ouvrir aux champs du yoga et donc de la psychologie
transpersonnelle, puis celles qui y naviguaient en consœurs aventurières depuis
longtemps (par exemple lors de lectures Maslow, Lowen, ou des contacts humains
Jaques Vigne avec lequel je collabore souvent).
Encore une fois, la connaissance ne peut pas
être enfermée ni dans l'illusion d'une délimitation didactique, ni (même au
sein des écoles « spirituelles » !) dans celle de « ceux
qui savent parce que plus anciens sur ce chemin » et les
« nouveaux ». Car, pour nous, l'énergie qui sous tend et surgit du
corps de connaissance est notre véhicule. C'est l'essence de la situation qui
nous intéresse, non son cadre, ni ses présupposés. Là aussi, on pourrait dire
que si la rencontre n'ouvre pas sur un « inattendu », elle échappe à…
la rencontre essentielle. Dans ce domaine, garder « l'œil vierge »
est une des plus belles images nourricière de notre voie, elle semble mener à
la présence.
Toujours dans ce sens, je me suis alors très
tôt engagée politiquement, notamment dans la défense des droits humains.
L'injustice m'était insupportable et quelque chose en moi ne pouvait concevoir
le développement d'un bonheur personnel sans participer à celui des autres
visages-miroirs m'environnants. Trouver le nirvana ? Cette quête ne m'a
jamais satisfaite, déjà intellectuellement : il « devait y avoir
autre chose derrière cela, de plus vaste que la satisfaction d'un moi ».
Donc j'avançais dans la rencontre avec
l'humain, l'humanité qui se cherche, en étant à l'écoute de ce que cela
déclenchait en moi. L'inattendu était à accueillir en moi, de « moi »
à moi… si il y avait un moi justement.
Tout serait-il la voie ? Dans quelles
conditions se demande l'aventurier des terres secrètes.
L'apprenti avance sur un chemin très
intéressant, notamment quand il accepte d'expérimenter avant de s'attacher à
s'identifier aux résultats. Cela peut prendre des années car les motivations,
les intentions avec lesquelles nous entrons dans les scénarios et progressons
dans ce rêve doivent être reconnues, elles sont la clé pour passer d'un
registre à l'autre. « Observer » est un maître mot autant dans la
voie yogique que dans l'analyse.
Avec le recul, je me rends compte que j'ai
toujours laissé beaucoup de place à l'observateur en moi (ou Ajna, drachta).
Toujours pour répondre à votre question, cela veut dire que, même en temps que
chercheuse en sciences humaines, je suis restée fidèle à ce que je
reconnaissais comme ma voie intérieure. J'ai refusé des contrats et donc la
sécurité qui en découlait, pour ne pas me mentir. Puis, concernant le
cheminement mystique, il a commencé en fait très tôt et d'une certaine façon a
préparé mes orientations et engagements sociaux bien avant l'âge adulte.
Autrement dit « ma place » dans
« l'Ici et le maintenant » ne devait pas être décidée par les autres,
ni par des avantages sociaux. Parlons-nous de renoncement ? De choix
profonds. La liberté nécessite de l'audace, oui, beaucoup d'audace ! L'éveil
à notre nature est aussi une révolution sociale. Les paradigmes relationnels
changent du tout au tout ! Qui exploiterait qui ? Autant dans les
interactions économiques que dans les relations intimes.
Voilà le lien avec … l'amoureux. Autour de
l'âge de quatre ans, je savais déjà que ma relation à l'homme (le masculin)
correspondrait au développement le plus secret et le plus profond de mon
âme et se développerait au sein de l'intention de retourner vers
« l'espace pur ». Très jeune, vers 4 ans aussi, j'avais également des
souvenirs d'une vie passée où j'étais très clairement établie en yogi dans une
montagne et bénissais les personnes venant m'apporter des offrandes. Cela alors
que personne dans mon contexte familial n'avait suggéré de telles images. J'ai
rencontré mon premier amoureux à cet âge-là. Un âge où le flux de la vie ne
crée aucune dualité au sein des sentiments, il n'y a pas d'un côté
le mystique ou le sacré et de l'autre ce qui est moins pur.
Tout était déjà lié à cette sorte de force
venant d'une rivière profonde de mon intériorité qui poussait vers cet espace
lumineux où la conscience pouvait tout observer et résider en paix. Aussi, très
tôt, comme beaucoup d'entre nous, j'ai eu des expériences d'expansion de
conscience lorsque je m'échappais du village pour me retrouver seule dans la
montagne. Bien sûr, je ne pouvais pas identifier ce qui se produisait, mais je
reconnaissais par contre que je ne pourrais partager cela avec les autres, que
c'était cela la vraie vie, et quelque chose en moi était déjà parti à la
recherche de ceux qui comprendraient, partageraient et me permettraient de
vivre en pleine lumière.
Cette route commencée avec cette pureté non
séparatrice de l'enfance rejoint le saut dans les bras de l'amant cosmique, en
d'autres mots, dans l'espace de l'unité.
Donc il y eu d'autres yogis, le
Vajrayana ou la voie du diamant ou de l'éclair par exemple et …des
scientifiques, pour faire simple ! Rires.
Pouvez-vous nous
parler de votre relation, avec cet amant tantrique Shankar dont vous parlez
dans le livre ? Est-ce ce un amour physique, « humain » ou un
amour divin, spirituel ou les deux à la fois ?
Sahaj Neel cite :
« A mon amant j'ai pu tout dire…. »
p.102
«(…) Tes questions, Ô bien-aimée, forment la quintessence des tantras.
(…)».Bhairava Vijnana, Stance 7-10, p. 14.
Cet homme existe réellement (rires) ; il
est bien constitué d'os et de chair ! C'est cela qui était intéressant.
Lui aussi a parcouru un chemin d'ascension, de retour à la source depuis cette
« organisme corps-esprit » (comme disait Ramesh Balsekar) et, comme
certains autres, il en a accepté à la fois les limites et « la
flamme ». Je ne tiens pas à donner plus de détails sur lui notamment
socialement. Où vit-il ? Qui ont été ses enseignants ? Etc. En tant
qu'écrivain je n'ai pas voulu privilégier ce genre de curiosité mais bien
suggérer que ce chemin pouvait être emprunté par tous, et de préférence dans
certaines conditions, citées dans Journal d'une tantrika. Puis, que cette
rencontre amoureuse ne se passait pas seulement ou pas tant « avec cet
autre », qu'à l'intérieur…
Tant que ces deux aspects sont perçus comme
dissociés bien sûr ! La dernière Porte, le chapitre 8 est bref, mais il
relate cet « enlèvement » vers un espace non-duel; il est en fait la
véritable origine de ce livre, cet espace où « celle qui tendait
vers » a disparu. Le défi était dans la progression de ce livre
– dont je ne me rappelle pas l'écriture ! –, de revisiter
l'espace « duel », de la rencontre …depuis la perspective non-duelle.
C'est assez particulier dans les ouvrages
actuels sur cette thématique, un peu une porte enfoncée ! Je sais que
certains ne le comprendront pas, ne voudront pas sortir du sentier devenu battu
lui aussi des ouvrages quasi pédagogiques sur l'advaita, et ne dépasseront pas
les deux premières portes (chapitres). Justement, la volute juste et rendant
active l'alchimie de ce livre se passe déjà là, lâcher prise sur la forme de
cet ouvrage, de notre rencontre, et se laisser emmener par le récit !
C'est un essai-récit (« techniquement parlant », a stipulé mon si
cher éditeur !) célébrant la non-dualité comme le départ et
l'aboutissement du tantrisme et/ou le tantrisme intégré comme l'ultime advaita.
Les textes si raffinés comme La doctrine secrète de la Déesse Tripura sont très
clairs à ce sujet. Les clés, les portes et les ponts présents dans cet ouvrage
sont à découvrir à la fois dans le livre et dans sa propre expérience. Comme
c'est écrit : la clé de voute rendant l'alchimie vivante dépend de
l'attention que le lecteur y portera… elle peut devenir présence, co-présence
avec… l'amant.
L'amant, c'est ce qui réduit la dualité,
« en prenant dans ses bras » le manifesté. Il ne s'agit pas de
quantifier cette attention, mais de se détendre et de s'ouvrir à la proposition
d'entrer dans cette danse, cette spirale, menant d'un face à face amoureux fait
de « chair et d'émotions » à notre ampleur d'amant(e) cosmique.
Autant le livre nous guide entre les draps de notre rencontre amoureuse, vers
des régions du Tibet, des yoginis vivant dans des grottes indiennes ou de
Dakinis en bergère libertaire ; autant ce livre renvoie le lecteur à son
courant puissant responsabilisant et donc propulsant. Même si la douceur de la
shakti est tangible, on ne s'endort pas !
De longues assises observant ce qui se déroule
ont mené jusqu'à ces pages. Car que cherche-t-on vraiment ? Naviguer
librement ? Et si librement correspondait à pleinement ? Peut-être
puis-je prendre le temps de respirer pleinement et me demander : Suis-je
en disposition de recevoir ce qui répond à ce vœux profond ? Ai-je fait le
choix, outre l'étape de la demande, de préparer le terrain, le lit de
noce ? Ou bien est-ce que je me satisfais de me rassurer dans un lit sur
lequel j'ai vaguement tiré de vieux draps rapiécés ?
« L'ignorance tue, très cher, notre
liberté, car la liberté est le corps de la connaissance de ce que nous sommes
fondamentalement. C'est pour cela qu'elle déshabille. » p. 125.
Comment voyez-vous la
difficulté de la femme qui semble parfois plus intéressée par l'amour d'un
homme que par l'amour du Divin ? Est-ce que le tantra vous a permis de
transcender cette dualité ?
C'est une bonne question. En effet, ce livre
débute dans une situation qui peut paraître celle d'une femme banale désirant
rencontrer un partenaire à la fois amoureux et sexuel, c'est pour cela que
l'endroit où se déroule la rencontre est laissé à l'imagination de chacun, il
peut être à la fois placé en Inde ou bien dans une ville occidentale. Encore
une fois, cette ouvrage-voie part du récit d'une attitude (presque plus que de
personnages au sens premier du terme) permettant de se poser devant un fait
précis : je suis car je ressens et c'est cela que je veux transformer en
une voie de libération, en « un ici et maintenant » éternel. Je ne
veux pas rester prisonnière de vieux programmes limitant mes relations, ma
capacité à vibrer avec la vie même. Aimer renverrai à cette révolution
intérieure : jusqu'où ? Donc qui aime ? Et peut-on cesser ce
questionnement avant la réalisation : je ne veux pas vivre dans la
croyance d'une séparation d'avec les qualités de ma nature fondamentale, saine,
libre et joyeuse.
C'est à
elle que je décide d'être fidèle. S'engage alors un chemin fait de ce questionnement
sur la réalité de notre séparation entre personnes, entre parties du monde.
L'axe fondamental de toute la voie se
concentre ici, dans cette fraction de seconde de rencontre avec soi-même,
l'acceptation maximum de ce que je suis dans cette expérience avant de chercher
à s'en échapper. Je le dis dans la passerelle trois : oubliez tout ce que
je viens de dire, le Tantra n'a rien à voir avec la sexualité ou des
techniques. La phrase « clé de voute » est vraiment importante dans
l'ouvrage. Lalita Dévi énonce bien « Avant de lâcher prise, comme tout le
monde veut le faire, il faut avoir saisi pleinement… » Ainsi le contrat
d'honnêteté (-fidélité) avec soi-même doit être sans cesse renouvelé,
« soyez vous-même votre propre flambeau » a énoncé clairement Bouddha
Sakkyamuni. Le suc fruité provient de cette étreinte tant désirée et pourtant
tout à la fois repoussée.
En pénétrant dans cet espace quantique, une
vibration majestueusement libre commence à s'ouvrir sur l'espace sans limite… .
Le livre contient de
nombreuses citations du Vijnana Bairava, un texte indien pour explorer la
dimension sacrée dans la rencontre avec soi, avec l'autre et avec l'existence.
Est-ce que ce sont toutes des techniques pour l'expansion de la
Conscience ?
Oui parce que ce texte est en lui-même
transcendant. Et non, bien sûr, parce que tout n'est pas écrit, livré justement
en tant que « formule ». Mais ce texte dont certaines stances
choisies sont citées à chaque étape de l'ouvrage est indéniablement un principe
actif puissant et si agréable à notre éveil. Sa trame nous immisce justement au
sein de la réunion initiatique de Shiva et Parvati. Comme tout texte canon dans
la tradition tantrique, son écriture repose sur un défi : nous emmener
vers un espace libre, vierge de la pensée des autres entourés pourtant par ces
deux déités célébrant leur union. Nous sommes au-delà de la pensée formelle.
Dans Journal d'une tantrika ou le doux saisissement de l'amour, j'ai cherché à
maintenir cette virginité et à laisser se créer un texte vierge de la pensée
même de l'auteure ! Pour moi c'est cela le gage d'un bon livre : le
lecteur y jouit de tout l'espace nécessaire à l'expansion, il est guidé dans un
espace encore plus vaste qu'avant la lecture.
Dans ces voies délicates, il n'y a jamais eu
de liste des pratiques, ni de véridiques manuels en fait. Elles sont vraiment
basées sur la relation. Donc pour l'instant, ici, au lieu de citer des exemples
de pratiques, visualisations, exercices respiratoires, je préfère encore une
fois citer des principes actifs à l'ouverture recherchée, ils sont
incontournables. La présence, par exemple, en est un. Toutes les pratiques
permettant de développer la présence… honnête et lumineusement vibrante,
peuvent mener à l'expansion de la conscience non duelle. De même, souhaitons
que le quêteur ose… oser, avancer vers, « déplacer » sa posture
d'attente face au monde. Il s'agit autant d'une épistémologie que d'une
philosophie, d'une posture faisant primer l'expérience. Alors, peut-être, La
Dévi, elle aussi, apparaîtra dans votre champ de rencontre !
Et n'oublions pas que Sahaj en sanscrit veut
aussi dire « spontanée ».
Voilà trois principes actifs cités !
« La forme active de la Dévi permet à
chacun d'être plus ouvert au monde, aux autres, car d'abord à soi dans la douceur
du mouvement créateur. » p.126.
Vous semblez être
engagée sur la voie de l'amour comme beaucoup de femmes mais vous parlez aussi
de la voie du yoga, de la méditation. Est-ce qu'il faut avancer sur les deux
pour pouvoir réaliser notre nature profonde ? Quelle est votre
expérience ?
J'ai observé que « la voie de
l'amour » attire autant d'hommes que de femmes, à la rigueur certains
feront peut-être plus de détours que d'autres avant d'être conscients de cette
attirance, mais puisque les détours font partie du chemin, je ne soulignerais
pas de différence d'attrait due au sexe. Maintenant à propos de votre question,
tout comme dans le livre, je ne généraliserai pas ni ne donnerai une réponse
valable pour tout un chacun. Cependant, puisque j'aime les défis, je dis oui,
il est avantageux d'avancer sur les deux voies pour réaliser notre nature
profonde. C'est ce que relève avec arrogance cette voie : ne point séparer
le sacré du réel mais bien pénétrer dans ce réel pour y trouver le point, ou la
base d'un retournement particulier, d'une dynamique « d'enlèvement par
notre nature profonde » comme je le nomme. Encore une fois pour répondre à
votre question cela dépend de la perspective. Nous exprimons-nous ici d'un
point de vue fondamental ou relatif ? Je développerai ici seulement le
point de vue relatif – puisque je vous laisse l'expérience du livre pour
aborder ce que j'ai à partager du point de vue fondamental – en proposant
l'idée que le yoga et les techniques de méditation ont pour objectif de changer
les habitudes de notre organisme psycho-physique afin de laisser les qualités
de notre nature fondamentale émerger. En effet, il est judicieux de développer
les deux à la fois, l'une permettant de voir ou nous nous situons par rapport à
l'autre. Cela rappelle la tradition des yogis de l'Himalaya qui, suite à de
longues ascèses, rejoignaient une ville afin de tester leurs
« résultats ». C'était la fonction principale de Rishikesh, première
bourgade posée à l'endroit où le Gange termine ses passages sauvages entre les rochers
et les pentes de l'Himalaya avant de rejoindre la grande plaine.
Qui ont été vos grands
maîtres sur le chemin de la vie ?
C'est une question intéressante appelant de
multiples plans où situer les réponses. Je pourrais dire que mon frère était le
premier maître, ainsi que la mort et l'amour qui nous liaient profondément l'un
à l'autre (il eu, dès la naissance, une maladie dégénérative). La nature et le
silence également car nos dialogues étaient incessants et me permettaient de
rencontrer ce qui en moi nourrissait le laisser-aller et le lâcher-prise.
Tout autant que le poétique comme état d'approche et de réception du monde.
Puis, sur un autre niveau le premier maître réalisé que je pense avoir rencontré est Kalou Rimpoché peu avant sa mort dans les années 89.
Il
semblerait que cette rencontre qui a réactivé ma connexion avec les Tibétains
dans ma 20e année. Je pense par exemple à Béru Khientsé Rimpoche et au Karmapa
dont je suis très proche. En même temps j'ai rencontré aussi dans ces années
mes premiers enseignants de tai-chi Chuan et taôismes, Chi Kong et danse
Odissi. Mon empreinte dans la mystique chrétienne était également très intense,
plus liée à ma famille de chair avec laquelle de grandes rencontres se sont
passées : des ermites mais aussi des écrivains et penseurs inconnus.
Puis je dois nommer Shri Ramana Maharshi. Ce
grand maître est venu me chercher dans un rêve (alors que je ne le connaissais
pas). Je suis allée vivre plusieurs années autour d'Arunachala en Inde, la
montagne sacrée dans laquelle il a dissout, déposé sa conscience, peut-on dire.
J'ai eu beaucoup de chance, car sans même les chercher, me déplacer, ils
apparaissaient à tout moment dans ma vie. : Amma, Tich Nath Han, des
Amérindiens, le Mexique, ce chamane Balinais avec qui j'ai travaillé deux ans
très intensément (autour du volcan Mont Agung). Et Daniel Odier me rapprochant
de Lalita, des forêts du Cachemire… Pour résumer, puisque je ne peux pas tous
les énumérer, et si l'on parle de rencontres activant la transformation, citons
un ingrédient permettant que le liant de la recette « prenne » :
l'attitude initiant la rencontre encore une fois, car l'on peut rater un train
posté sur le bon quai de gare même. Pour moi, avancer vers ces guides revenait
à cultiver et me « munir » de cette intensité à être entière, de
l'intensité porté à l'amour de la vérité, l'envie de ne jamais renoncer, de
toujours recommencer si je tombais, et d'en rire !
Est-ce que vous pensez
qu'il faut forcément un maître spirituel pour avancer ?
Dans la plupart des cas oui. Très rarement
non. Ultimement la question est résolue avant de la poser.
Est-ce qu'aujourd'hui, vous vous sentez plus heureuse ?
AH ! (Rires).
Qui est heureux ?
L'objectif d'échapper à la souffrance, d'être heureux est souvent cité comme le début du chemin, mais ce n'est pas nécessaire d'en rester là. Qui cherche cela ? Où est-il ? Où est-elle ? A-t-elle une réelle existence identifiée séparée d'avec l'objet du bonheur ? Où se situer par rapport à la souffrance qui préside à toutes les autres : « croire à notre séparation d'avec la source » ? (je m'arrête là pour l'instant !)
Quoiqu'il se passe dans ma vie, c'est issu de la grande « trame » du possible, et c'est perçu depuis son espace bienveillant, donc il n'y a plus d'inquiétude à avoir (sourions !).
Après la publication
de ce livre, quels sont vos projets maintenant ?
Trois autres ouvrages assez différents les uns
des autres. Ils ont aussi débarqués au sein du « majestueux champ de la
conscience » !
Et puis il semblerait que l'on me demande de partager de nouveau la présence, quelques fois dans des rencontres avec d'autres « initiés » (rires) à la non dualité » diraient certains, je dirais « à la folle sagesse ». Je laisse ouvert, la voie sait où elle va, elle sourit pour cela ! C'est simple. En tout cas je suis heureuse de vous rencontrer.
« L'extase mystique n'est pas soumise à
la pensée dualisante, elle est totalement libérée des notions de lieu, d'espace
et de temps. Cette vérité ne peut être touchée que par l'expérience (…) ».
Vijnana Bhairava, stance 14-17.
Si vous souhaitez
contacter l'auteure qui vit en France :
Email : sahajneel@yahoo.com
Email : centre.dame.verte@gmail.com
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