Le jésuite
Joseph-François Lafitau présente la société iroquoienne comme un véritable
matriarcat :
«C’est dans les
femmes que consiste la Nation, la Noblesse du sang, et de la conservation des
familles. C’est en elles que réside toute l’autorité réelle. Le pays, les
champs et toute leur récolte leur appartiennent. Elles sont l’âme des conseils,
les arbitres de la paix et de la guerre. Elles conservent le fisc ou le trésor
public. C’est à elles qu’on donne les esclaves. […] Les hommes au contraire
sont entièrement isolés et bornés à eux-mêmes.»
La société
iroquoise était organisée en confédération tribale, gérée par des conseils
démocratiques. Selon leur constitution, le pouvoir ultime de trancher et le
pouvoir de veto sur les décisions votées à l’unanimité est accordé aux Mères de
clans, les royaneh femmes, les « citoyennes » les plus
influentes de la Confédération. Elles détiennent aussi le pouvoir de nommer de
nouveaux chefs ou de les destituer. Le titre de sachem (chef civil) était
par défaut transmis par la mère.
Article 36 : » les femmes sont les
héritières des titres des chefs confédérés, aussi bien que de ceux des chefs de
guerre «
Les femmes les
plus sages ou les plus âgées peuvent ainsi casser un chef politique, en cas de
défaut de confiance, d’erreur politique ou d’injustice sociale. Le vol, le
mensonge, l’irrespect des lois et l’accumulation de richesses étaient durement
réprimés. Un bon politique, c’est à dire un bon chef, était nommé à vie pour sa
générosité, son intelligence, son bon sens, sa rhétorique et sa probité.
Article 39 : » Un chef de guerre qui
agit contrairement aux lois de la Grande Paix peut être déposé par les femmes
et par les hommes de sa nation, séparément ou conjointement. Après cela les
femmes, détentrices des titres, choisiront le candidat. »
L’article 53 stipule : » Lorsque les
femmes royaneh, détentrices du titre de chef, choisissent un de leurs fils
comme candidat, elles doivent en choisir un qui inspire une confiance totale,
qui est bienveillant et honnête, qui sait s’occuper de ses propres affaires,
qui soutient sa famille et qui a obtenu la confiance de sa nation ».
Article 95 : » Les femmes de chaque
clan doivent avoir un Feu du Conseil constamment allumé et prêt à accueillir
une assemblée. Si, selon elles, il est nécessaire pour le peuple de tenir un
conseil, alors il sera tenu et la décision qui en découlera sera transmise au
Conseil de la Confédération par le Chef de Guerre. »
Les mères sont
les détentrices du pouvoir réel et les gardiennes du feu. Il n’y a pas ici la
stricte égalité du bulletin de vote qui d’ailleurs ne veut rien dire sur le
plan de l’égalité entre hommes et femmes. Mais il y a un équilibre, une égalité
dans la répartition des responsabilités politiques, économiques et sociales
entre hommes et femmes. Pour départager un conflit politique, le pouvoir de
trancher et de départager n’est pas attribué à une institution supérieure qui
couvre les autres et dont les membres seraient sélectionnés parmi les citoyens
par des procédés toujours et forcément contestables, peu démocratiques. Au
contraire, ce pouvoir de trancher appartient à la communauté des mères, à
celles qui exercent ou ont exercé la responsabilité humaine de donner la vie.
Comme chez les gaulois et les celtes, ce sont donc elles qui vont décider en
dernier lieu si leurs hommes, leurs enfants vont partir ou non à la guerre. Les
querelles intestines entre petits chefs désirants devenir de grands chefs
n’existent pas car les institutions ne le permettent pas et d’autre part parce
que les mères ont le pouvoir de casser un chef mauvais ou belliqueux.
Molly Brant, une grande matriarche iroquoise
Mary Brant, ou
Konwatsi’tsiaiénni, ce qui signifie « quelqu’un lui prête une
fleur », Mohawk (vers 1736 — Kingston, 16 avril 1796). Mieux connue
sous le nom de Molly Brant, Mary est l’une des plus importantes femmes de
l’histoire autochtone d’Amérique du Nord. Chef dans la société matrilinéaire
des Six-Nations, elle est très influente et jouit alors d’un statut bien plus
important que celui de son célèbre jeune frère, Joseph Brant. Les
Autochtones la consultent sur tous les sujets d’importance. Elle doit également
son pouvoir à sa relation avec sir William Johnson, premier surintendant
des Indiens de l’Amérique du Nord britannique, que les Autochtones des Six-Nations
honorent en tant que bon ami et conseiller.
À la fin de son
adolescence, Molly devient la conjointe de Johnson. Séduisante et intelligente,
cette femme s’occupe de son foyer avec beaucoup d’habileté et gère le domaine
de Johnson dans la Mohawk Valley (état de New York) lors des fréquentes
absences de son mari. Après le décès de celui-ci en 1774, Molly et son frère
demeurent de fervents loyalistes. Molly rend d’immenses services à la
Couronne en encouragent les Six-Nations à conserver leur alliance avec l’Angleterre.
À la fin de la guerre, elle s’installe à Cataraqui (aujourd’hui Kingston, en
Ontario).
SOURCE / Extrait du Magazine
geo-hist-matriarcat
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire