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vendredi 1 avril 2016

Le pouvoir des mères



Le jésuite Joseph-François Lafitau présente la société iroquoienne comme un véritable matriarcat :

«C’est dans les femmes que consiste la Nation, la Noblesse du sang, et de la conservation des familles. C’est en elles que réside toute l’autorité réelle. Le pays, les champs et toute leur récolte leur appartiennent. Elles sont l’âme des conseils, les arbitres de la paix et de la guerre. Elles conservent le fisc ou le trésor public. C’est à elles qu’on donne les esclaves. […] Les hommes au contraire sont entièrement isolés et bornés à eux-mêmes.»



La société iroquoise était organisée en confédération tribale, gérée par des conseils démocratiques. Selon leur constitution, le pouvoir ultime de trancher et le pouvoir de veto sur les décisions votées à l’unanimité est accordé aux Mères de clans, les royaneh femmes, les « citoyennes » les plus influentes de la Confédération. Elles détiennent aussi le pouvoir de nommer de nouveaux chefs ou de les destituer. Le titre de sachem (chef civil) était par défaut transmis par la mère.

Article 36 :  » les femmes sont les héritières des titres des chefs confédérés, aussi bien que de ceux des chefs de guerre « 

Les femmes les plus sages ou les plus âgées peuvent ainsi casser un chef politique, en cas de défaut de confiance, d’erreur politique ou d’injustice sociale. Le vol, le mensonge, l’irrespect des lois et l’accumulation de richesses étaient durement réprimés. Un bon politique, c’est à dire un bon chef, était nommé à vie pour sa générosité, son intelligence, son bon sens, sa rhétorique et sa probité.

Article 39 :  » Un chef de guerre qui agit contrairement aux lois de la Grande Paix peut être déposé par les femmes et par les hommes de sa nation, séparément ou conjointement. Après cela les femmes, détentrices des titres, choisiront le candidat. »

L’article 53 stipule :  » Lorsque les femmes royaneh, détentrices du titre de chef, choisissent un de leurs fils comme candidat, elles doivent en choisir un qui inspire une confiance totale, qui est bienveillant et honnête, qui sait s’occuper de ses propres affaires, qui soutient sa famille et qui a obtenu la confiance de sa nation ».

Article 95 :  » Les femmes de chaque clan doivent avoir un Feu du Conseil constamment allumé et prêt à accueillir une assemblée. Si, selon elles, il est nécessaire pour le peuple de tenir un conseil, alors il sera tenu et la décision qui en découlera sera transmise au Conseil de la Confédération par le Chef de Guerre. »

Les mères sont les détentrices du pouvoir réel et les gardiennes du feu. Il n’y a pas ici la stricte égalité du bulletin de vote qui d’ailleurs ne veut rien dire sur le plan de l’égalité entre hommes et femmes. Mais il y a un équilibre, une égalité dans la répartition des responsabilités politiques, économiques et sociales entre hommes et femmes. Pour départager un conflit politique, le pouvoir de trancher et de départager n’est pas attribué à une institution supérieure qui couvre les autres et dont les membres seraient sélectionnés parmi les citoyens par des procédés toujours et forcément contestables, peu démocratiques. Au contraire, ce pouvoir de trancher appartient à la communauté des mères, à celles qui exercent ou ont exercé la responsabilité humaine de donner la vie. Comme chez les gaulois et les celtes, ce sont donc elles qui vont décider en dernier lieu si leurs hommes, leurs enfants vont partir ou non à la guerre. Les querelles intestines entre petits chefs désirants devenir de grands chefs n’existent pas car les institutions ne le permettent pas et d’autre part parce que les mères ont le pouvoir de casser un chef mauvais ou belliqueux.

Molly Brant, une grande matriarche iroquoise

Mary Brant, ou Konwatsi’tsiaiénni, ce qui signifie « quelqu’un lui prête une fleur », Mohawk (vers 1736 — Kingston, 16 avril 1796). Mieux connue sous le nom de Molly Brant, Mary est l’une des plus importantes femmes de l’histoire autochtone d’Amérique du Nord. Chef dans la société matrilinéaire des Six-Nations, elle est très influente et jouit alors d’un statut bien plus important que celui de son célèbre jeune frère, Joseph Brant. Les Autochtones la consultent sur tous les sujets d’importance. Elle doit également son pouvoir à sa relation avec sir William Johnson, premier surintendant des Indiens de l’Amérique du Nord britannique, que les Autochtones des Six-Nations honorent en tant que bon ami et conseiller.

À la fin de son adolescence, Molly devient la conjointe de Johnson. Séduisante et intelligente, cette femme s’occupe de son foyer avec beaucoup d’habileté et gère le domaine de Johnson dans la Mohawk Valley (état de New York) lors des fréquentes absences de son mari. Après le décès de celui-ci en 1774, Molly et son frère demeurent de fervents loyalistes. Molly rend d’immenses services à la Couronne en encouragent les Six-Nations à conserver leur alliance avec l’Angleterre. À la fin de la guerre, elle s’installe à Cataraqui (aujourd’hui Kingston, en Ontario).


SOURCE / Extrait du Magazine geo-hist-matriarcat

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