Ce serait
oublier un peu vite que, pendant des siècles, elle a été écrite principalement
par des hommes. Si aujourd’hui les femmes prennent la plume, cette prose n’est
pas leur pré carré, loin de là. D’ailleurs, le livre qui jouit actuellement
d’un succès planétaire Cinquante Nuances de Grey (de E.L James, chez JC Lattès) est-il
vraiment érotique ? Le texte est d’une platitude incroyable, le scénario, une
suite de clichés enrobés de mots crus. Il met en scène une jeune vierge initiée
par un milliardaire, comme si son compte en banque bien garni lui donnait un
pouvoir érotique supérieur…
Ayant longtemps été accusées
d’être mièvres, les femmes se croient désormais sommées d’assumer leurs
fantasmes, de dépasser leurs inhibitions et, à leur tour, de tout mettre en
vitrine ! Or, c’est rarement le langage vulgaire qui crée le trouble. Par
ailleurs, n’est-il pas triste que les hommes ne fassent pas l’effort de
construire un imaginaire sexuel qui leur soit propre ? Pas en lisant ou en
écrivant forcément ce genre de littérature, sauf si elle les attire
particulièrement, mais en laissant émerger leur dimension érotique, qui n’est
pas celle des femmes.
Partir
de l’idée que cette littérature n’intéresse que les femmes, c’est supposer que
les hommes sont incapables d’une quelconque élaboration psychique dans le
domaine sexuel. Pour se
mettre en émoi, ils n’auraient besoin que d’une paire de seins, de fesses,
d’une bouche pulpeuse. Si cet accès direct, immédiat à l’excitation n’est pas
un mythe, il n’est pas le seul.
Les hommes qui adhèrent à cette
vision quelque peu caricaturale de la sexualité réalisent qu’elle ne fonctionne
en fait que dans les premiers temps d’une rencontre. Et que, à mesure que la
relation s’installe, faire preuve de créativité est indispensable. S’ils y sont
fixés, ils seront d’ailleurs contraints à l’infidélité pour retrouver cette
excitation primaire.
Pour la femme, ce cliché qui
réduit l’autre à une simple mécanique a tout de même un aspect rassurant : il
évite de penser que le partenaire est susceptible d’élaborer des rêveries d’où
elle serait peut-être exclue.
C’est
cette même logique qui est à l’oeuvre quand la femme pense qu’un homme qui
éjacule jouit : elle garde ainsi la pleine maîtrise sur la jouissance de son
partenaire. Mais plus
que tout, elle conserve l’idée qu’elle est, quant à elle, un être complexe,
faisant ici preuve d’une certaine condescendance envers les hommes…
Ajoutons que les femmes
n’invitent pas ces derniers à entrer dans leur imaginaire, car elles ont besoin
de cette prétendue simplicité masculine pour sortir de leur rêverie et se
donner la permission de passer à l’acte. Une fois de plus, les deux sexes
s’enferment dans une caricature qui ne sert pas la relation.
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