Aujourd'hui, le Tantra se développe considérablement en France.
De plus en plus de personnes s'auto-proclament "animateurs" voire
"initiateurs": Ateliers, stages, séances individuelles, les portes
d'accès vers l'intimité sacrée fleurissent un peu partout. Phénomène de mode ?
Réponse adéquate aux errances des relations hommes-femmes ? L'avenir le dira.
Aujourd'hui, après plusieurs années de pratique de cette voie
aussi ardue que magnifique, je ressens la nécessité d'une éthique spécifique.
Pourquoi ?
Le Tantra, dans son essence, invite à lever le couvercle de
notre marmite sexuelle, l'instance la plus archaïque de notre être, la plus
chargée d'inconscient. Donc, potentiellement, la plus libératrice d'énergies
vitalisantes. Ce processus peut révéler nos blessures intimes, flambées de
désirs, intensifications des transferts et projections, blocages/déblocages,
violences, relation avec l'autorité, avec l'argent, etc.
Habituellement, ces mouvements invitent à des réactions
"horizontales", en interaction avec l'autre.
Dans le principe de la voie multimillénaire, ces énergies se
transforment dans la "verticalisation" : Le feu sexuel, consumant les
névroses, vitalise le cœur et l'âme, aboutissant souvent à un ressenti
délicieux nommé "la flûte intérieure". C'est l'axe de reliance
terre-ciel.
Lors de ces puissants sursauts énergétiques, la qualité de
l'encadrement devient de première importance: J'évoque la personne qui
accompagne et son enseignement.
Au-delà de la déontologie habituelle de la relation d'aide qui
interdit le passage à l'acte entre le thérapeute et son client, je désire ici
pointer deux autres transgressions, énergétiques et sensuelles, qui relèvent de
la même gravité :
J'ai vu des animateurs de stages s'impliquer avec leurs
participants dans les pratiques et exercices qu'ils proposent, abandonnant
ainsi leur place de gardien du cadre et des règles sécurisantes.
Symboliquement, le père faisant l'amour avec ses enfants, il crée un inceste
énergétique, donc une possibilité de cataclysme psychique violent. Le père-animateur
doit rester à distance, inondant de son amour les processus de guérison de
chacun.
Autre cas choquant, les séances individuelles, parfois
intitulées "massages tantriques". Vendre de l'intimité sensuelle avec
un client, c'est entrer en prostitution sensuelle, ni plus, ni moins. Et cela
transgresse l'interdit fondamental.
J'invite les praticiens tantra à s'interroger sur leurs niveaux
de maturité sexuelle, affective et spirituelle. La maturité sexuelle se
mesurant à la capacité de rester le sujet, et non l'objet, de ses désirs et
attirances. La maturité affective étant contraire au besoin d'être aimé
(l'animateur peut recevoir des sentiments/projections négatifs sans réduire son
investissement affectif à l'égard de ses clients). Quant à la maturité
spirituelle, elle peut se mesurer à la capacité d'intégrer sa solitude
existentielle, c'est-à-dire la profondeur du ressenti d'être seul au monde et
relié.
Voilà mes propositions de vigilance, pour préserver cette voie
que j'aime pour sa fabuleuse puissance d'éveil quand le cadre est tenu.
Brihadaranyaka
Upanishad : la Chandogya:
La femme, en vérité, Gautama, est le feu, l'organe sexuel est le
combustible, la toison pubienne est la fumée, la vulve est la flamme,
l'insertion du pénis les charbons, les sensations agréables sont les
étincelles. Dans ce feu, les dieux offrent la semence; de cette semence naît la
personne.
par Eric GRANGE pour le magazine Signes et Sens
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire