Zoom sur le système ancestral malayali
: le matriarcat
Situé
au sud ouest de l’Inde, le Kérala est un des plus beaux États de l’Inde par sa
verdure flamboyante et ses splendides lagunes, appelés les backwaters.
Le Kérala fut aussi nommée autrefois « la terre des femmes malayali”
par les voyageurs occidentaux, impressionnés par la puissance des femmes
malayali dans la société.
Le meilleur niveau de vie de l’Inde
L’Etat
du Kérala, contredit aujourd’hui toutes les statistiques du pays par son
taux d’alphabétisation avoisinant les 100%, une meilleure hygiène de vie, une
espérance de vie plus longue et une égalité hommes femmes sans commune mesure
avec le reste de l’Inde. En effet, cette réussite le Kérala la doit
beaucoup à ses femmes, celle du royaume des Nair en particulier, leur impact
sur la société kéralaise actuelle reste encore visible.
Les femmes Nair au pouvoir
Au
XVème siècle, au sein de la grande et puissante caste Nair, les femmes
détenaient le pouvoir, pas sur des trônes royaux avec des armées gigantesques,
mais en tant que chefs de ménages avec des positions souvent très importantes.
Les femmes ont été formées, respectées, allaient et venaient sans crainte ni
censure. Elles étaient éduquées, et apprenaient la littérature, les sciences et
les arts.
Les
Nairs forment la caste la plus élevée dans l’Etat kéralais, ce sont des
descendants de nobles, de familles royales et occupent des postes dans la
fonction publique, la médecine, l’enseignement et le droit.
Les
Nairs ont défié le reste de l’Inde, là où les schémas patriarcaux sont restés
retranchés depuis les textes post-védiques renfermant les femmes au statut
de sudras, de basse caste.
Lorsque
Vasco de Gama est arrivé sur la côte Malabar, vers la fin du XVème siècle, il
découvrit une civilisation avancée, riche et raffinée mais aussi une société où
la femme avait une place centrale. Les Européens découvrirent alors le système
matriarcal kéralais, qui bouleversa toutes les pensées venues d’Occident.
Plusieurs
siècles après, on peut se demander si le système matriarcal a pu perdurer dans
une Inde proie des conservateurs, où la femme est avant tout relayée aux
fonctions de mère ou d’épouse encore dans de nombreux états.
Le mariage matriarcal
La
cérémonie de mariage typique des Nair, appelé sambandam, était
simple. Le fiancé donnait un morceau de tissu, mundu, à la mariée
en face d’une lampe dans la présence de la maîtresse de maison. Le mari passait
alors quelques jours dans la maison de la mariée, appelé le tarawad et
revenait ensuite à sa propre demeure. Cette pratique est donc contraire à
la tradition hindoue qui veut que l’épouse quitte définitivement le domicile
parental pour s’installer chez l’époux.
Le
mariage matriarcal était fondé sur le consentement mutuel et était dissoluble à
volonté. La relation mari / femme n’était pas considérée comme sacré, et chacun
était libre de quitter l’autre sans donner de justification. De plus, La
pratique de la polygamie et de la polyandrie était bien attestée dans certaines
familles Nair, surtout dans la partie centrale du Kérala.
La
Princesse Gowri Parvathi Bayi de la famille royale Travancore dont les ancêtres
ont suivi la succession matrilinéaire depuis 700 ans a expliqué dans ses témoignages
que les relations entre mari/femme ne sont pas celles que nous connaissons
aujourd’hui. Elle affirme que «Dans ce système, le mari et la femme avant le
mariage ont conservé leurs identités individuelles, le maintien d’une relation
très sympathique »
Au
Kérala, les gens croient fermement et avec fierté que ce système protège les
femmes et assure leur bien-être.
Un peuple matrilinéaire
La
femme la plus âgée est la maîtresse du tarwad, un vaste complexe
résidentiel matriarcal avec plusieurs bâtiments, un temple, un grenier, des
puits, des vergers, des jardins et des grandes propriétés foncières. L’homme le
plus âgé, appelé karanavan (le frère de la maîtresse des lieux
en général), s’occupait de traiter les affaires de la maison et exécutait
les décisions prises avec la maîtresse des lieux.
Les
mari n’avait pas d’obligation envers ses enfants, il respectait sa mère et
l’honorait et portait une attention particulière à ses sœurs et ainsi qu’aux
enfants de celles-ci.
Le
théologien Claude Buchanan écrivit à ce propos ceci : « Aucun
Naïr, ne connaît son père. Chaque homme regarde comme ses héritiers les enfants
de sa sœur ; il les aime du même amour que dans les autres parties du monde,
les pères aiment leurs enfants. On regarderait comme un monstre celui qui, à la
mort d’un enfant qu’il supposerait sien à cause de la ressemblance et de la
longue cohabitation avec la mère, montrerait autant de chagrin qu’à la mort
d’un enfant de sa sœur ».
L’apport des femmes Nair dans la
société kéralaise
Une
grande partie de la force de ce système s’explique aussi par son évolution.
Beaucoup de femmes ont été aussi adopté dans des familles royales lorsqu’il n’y
avait pas d’héritière. La famille royale de Travancore et ses reines sont très
célèbres pour avoir combattu les libertés sociales et intellectuelles des
femmes.
En
1811, la fille d’un musicien, Swathi Thirunal, a été adopté et devint reine à
20 ans. Elle a fait des changements radicaux, elle a aboli toutes les formes de
l’esclavage, a interdit la surimposition des pauvres et a fait une refonte
totale du système judiciaire afin de protéger ceux qui sont trop pauvres pour
«payer» la justice.
- En 1817, par un
décret royale, elle donne accès à l’éducation à toutes les classes
sociales.
- En 1868, la
Reine Gowri Lakshmi Bayi a commencé des campagnes de vaccination.
- En 1925, la
reine régente Setu Lakshmi abolit les sacrifices d’animaux dans les rites
hindous et interdit la coutume locale des Devadasi, ( des danseuses du
temple) qui avait dégénérée en forme de prostitution dans les
temples .
«Nos
femmes d’antan étaient très bien informées, baignées dans le sanscrit et
pouvaient correspondre avec des chercheurs, » dit Princesse
Bayi. «Nos grands-mères, même parlait couramment l’anglais. ». Les
femmes du Kerala étaient des lectrices voraces, adepte de la musique et des
arts et de n’ont jamais perdu leur temps. Même celles qui sont restées chez
elles avaient le zèle d’acquérir des connaissances. »
Les origines du système
Les
historiens remontent à l’ère des guerres entre les Cholas et les Cheras, vers
le Xème siècle après JC, une loi avait été établie pour empêcher les
hommes de fixer leur amour et leur attachement à leur femme et à leurs enfants,
c’était une manière d’être plus disposé à se consacrer à des services de
guerre.
Princesse
Bayi le remonte à 1299, lorsque le roi Sangramadheera Ravi Varma, n’ayant pas
de successeurs du côté de sa mère, a adopté deux princesses pour continuer la
lignée. « Dès lors, la matrilinéarité est venu à être suivie par la
caste des guerriers, les Kshatriya et s’est ensuite propagée à
d’autres communautés,» a t-elle indiquée.
La famille nucléaire l’emporte
Le
tournant se produit au début du XXème siècle avec l’arrivée
des Britanniques, imposant leurs propres concepts éthiques en matière de
mariage. Seuls les mariages monogames furent autorisés. La famille nucléaire
est donc devenue la norme.
Le
déclin de ce système matriarcal s’explique aussi par le fait qu’ à cette
période, l’économie ne repose plus sur agriculture mais sur l’industrie et les
modes de vie des Nair n’étaient plus compatibles avec la modernisation. Au
début du XXème siècle, ce système matriarcal disparaît ainsi que la polygamie
et la polyandrie.
Une vague de sans-abri inconnue
jusqu’alors
La
famille nucléaire fut saluée comme apportant la modernité, et la civilisation.
Le matriarcat a été jugé «rétrograde» et «médiéval». La plupart des maisons et
des terres ont été divisées entre les membres de la famille, désolidarisant
ainsi les liens familiaux. Le Kerala a vu alors une vague de sans-abri, un
phénomène déconcertant inconnu jusqu’alors dans le système familial matriarcal.
Bien
que la maison matriarcale a maintenant disparu, remplacée désormais par la
famille nucléaire, l’élévation de la féminité, le respect et la place
primordiale accordée à la femme se maintiennent toujours.
Les
Keralais, hommes et femmes, sont fiers de cela. À ce jour, ils étonnent les
visiteurs provenant d’autres États à quel point les femmes du Kerala tiennent
tête aussi bien à la maison comme au travail et qu’elles peuvent circuler
pratiquement n’importe où sans crainte de harcèlement.
Source : NAMHAO
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