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mardi 1 mars 2016

ll fut un temps en Inde, où les femmes détenaient le pouvoir


Zoom sur le système ancestral malayali : le matriarcat

Situé au sud ouest de l’Inde, le Kérala est un des plus beaux États de l’Inde par sa verdure flamboyante et ses splendides lagunes, appelés les backwaters. Le Kérala fut aussi nommée autrefois « la terre des femmes malayali” par les voyageurs occidentaux, impressionnés par la puissance des femmes malayali dans la société.



Le meilleur niveau de vie de l’Inde

L’Etat du Kérala, contredit aujourd’hui toutes les statistiques du pays par son taux d’alphabétisation avoisinant les 100%, une meilleure hygiène de vie, une espérance de vie plus longue et une égalité hommes femmes sans commune mesure avec le reste de l’Inde. En effet, cette réussite le Kérala la doit beaucoup à ses femmes, celle du royaume des Nair en particulier, leur impact sur la société kéralaise actuelle reste encore visible.

Les femmes Nair  au pouvoir

Au XVème siècle, au sein de la grande et puissante caste Nair, les femmes détenaient le pouvoir, pas sur des trônes royaux avec des armées gigantesques, mais en tant que chefs de ménages avec des positions souvent très importantes. Les femmes ont été formées, respectées, allaient et venaient sans crainte ni censure. Elles étaient éduquées, et apprenaient la littérature, les sciences et les arts.

Les Nairs forment la caste la plus élevée dans l’Etat kéralais, ce sont des descendants de nobles, de familles royales et occupent des postes dans la fonction publique, la médecine, l’enseignement et le droit.

Les Nairs ont défié le reste de l’Inde, là où les schémas patriarcaux sont restés retranchés depuis les textes post-védiques renfermant les femmes au statut de sudras, de basse caste.

Lorsque Vasco de Gama est arrivé sur la côte Malabar, vers la fin du XVème siècle, il découvrit une civilisation avancée, riche et raffinée mais aussi une société où la femme avait une place centrale. Les Européens découvrirent alors le système matriarcal kéralais, qui bouleversa toutes les pensées venues d’Occident.

Plusieurs siècles après, on peut se demander si le système matriarcal a pu perdurer dans une Inde proie des conservateurs, où la femme est avant tout relayée aux fonctions de mère ou d’épouse encore dans de nombreux états.

Le mariage matriarcal

La cérémonie de mariage typique des Nair, appelé sambandam, était simple. Le fiancé donnait un morceau de tissu, mundu, à la mariée en face d’une lampe dans la présence de la maîtresse de maison. Le mari passait alors quelques jours dans la maison de la mariée, appelé le tarawad et revenait ensuite à sa propre demeure.  Cette pratique est donc contraire à la tradition hindoue qui veut que l’épouse quitte définitivement le domicile parental pour s’installer chez l’époux.

Le mariage matriarcal était fondé sur le consentement mutuel et était dissoluble à volonté. La relation mari / femme n’était pas considérée comme sacré, et chacun était libre de quitter l’autre sans donner de justification.  De plus, La pratique de la polygamie et de la polyandrie était bien attestée dans certaines familles Nair, surtout dans la partie centrale du Kérala.

La Princesse Gowri Parvathi Bayi de la famille royale Travancore dont les ancêtres ont suivi la succession matrilinéaire depuis 700 ans a expliqué dans ses témoignages que les relations entre mari/femme ne sont pas celles que nous connaissons aujourd’hui. Elle affirme que «Dans ce système, le mari et la femme avant le mariage ont conservé leurs identités individuelles, le maintien d’une relation très sympathique »
Au Kérala, les gens croient fermement et avec fierté que ce système protège les femmes et assure leur bien-être.

Un peuple matrilinéaire

La femme la plus âgée est la maîtresse du tarwad, un vaste complexe résidentiel matriarcal avec plusieurs bâtiments, un temple, un grenier, des puits, des vergers, des jardins et des grandes propriétés foncières. L’homme le plus âgé, appelé karanavan (le frère de la maîtresse des lieux en général), s’occupait  de traiter les affaires de la maison et exécutait les décisions prises avec la maîtresse des lieux.

Les mari n’avait pas d’obligation envers ses enfants, il respectait sa mère et l’honorait et portait une attention particulière à ses sœurs et ainsi qu’aux enfants de celles-ci.

Le théologien Claude Buchanan écrivit à ce propos ceci : « Aucun Naïr, ne connaît son père. Chaque homme regarde comme ses héritiers les enfants de sa sœur ; il les aime du même amour que dans les autres parties du monde, les pères aiment leurs enfants. On regarderait comme un monstre celui qui, à la mort d’un enfant qu’il supposerait sien à cause de la ressemblance et de la longue cohabitation avec la mère, montrerait autant de chagrin qu’à la mort d’un enfant de sa sœur ».

L’apport des femmes Nair dans la société kéralaise

Une grande partie de la force de ce système s’explique aussi par son évolution. Beaucoup de femmes ont été aussi adopté dans des familles royales lorsqu’il n’y avait pas d’héritière. La famille royale de Travancore et ses reines sont très célèbres pour avoir combattu les libertés sociales et intellectuelles des femmes.

En 1811, la fille d’un musicien, Swathi Thirunal, a été adopté et devint reine à 20 ans. Elle a fait des changements radicaux, elle a aboli toutes les formes de l’esclavage, a interdit la surimposition des pauvres et a fait une refonte totale du système judiciaire afin de protéger ceux qui sont trop pauvres pour «payer» la justice.
  • En 1817, par un décret royale, elle donne accès à l’éducation à toutes les classes sociales.
  • En 1868, la Reine Gowri Lakshmi Bayi a commencé des campagnes de vaccination.
  • En 1925, la reine régente Setu Lakshmi abolit les sacrifices d’animaux dans les rites hindous et interdit la coutume locale des Devadasi, ( des danseuses du temple) qui avait dégénérée en forme de prostitution dans les temples .
«Nos femmes d’antan étaient très bien informées, baignées dans le sanscrit et pouvaient correspondre avec des chercheurs, » dit Princesse Bayi. «Nos grands-mères, même parlait couramment l’anglais. ». Les femmes du Kerala étaient des lectrices voraces, adepte de la musique et des arts et de n’ont jamais perdu leur temps. Même celles qui sont restées chez elles avaient le zèle d’acquérir des connaissances. »

Les origines du système

Les historiens remontent à l’ère des guerres entre les Cholas et les Cheras, vers le Xème siècle après JC, une loi avait été établie pour empêcher les hommes de fixer leur amour et leur attachement à leur femme et à leurs enfants, c’était une manière d’être plus disposé à se consacrer à des services de guerre.

Princesse Bayi le remonte à 1299, lorsque le roi Sangramadheera Ravi Varma, n’ayant pas de successeurs du côté de sa mère, a adopté deux princesses pour continuer la lignée. « Dès lors, la matrilinéarité est venu à être suivie par la caste des guerriers, les Kshatriya et  s’est ensuite propagée à d’autres communautés,» a t-elle indiquée.

La famille nucléaire l’emporte

Le tournant se produit au début du XXème siècle avec l’arrivée des Britanniques, imposant leurs propres concepts éthiques en matière de mariage. Seuls les mariages monogames furent autorisés. La famille nucléaire est donc devenue la norme.

Le déclin de ce système matriarcal s’explique aussi par le fait qu’ à cette période, l’économie ne repose plus sur agriculture mais sur l’industrie et les modes de vie des Nair n’étaient plus compatibles avec la modernisation. Au début du XXème siècle, ce système matriarcal disparaît ainsi que la polygamie et la polyandrie.

Une vague de sans-abri inconnue jusqu’alors

La famille nucléaire fut saluée comme apportant la modernité, et la civilisation. Le matriarcat a été jugé «rétrograde» et «médiéval». La plupart des maisons et des terres ont été divisées entre les membres de la famille, désolidarisant ainsi les liens familiaux. Le Kerala a vu alors une vague de sans-abri, un phénomène déconcertant inconnu jusqu’alors dans le système familial matriarcal.

Bien que la maison matriarcale a maintenant disparu, remplacée désormais par la famille  nucléaire, l’élévation de la féminité, le respect et la place primordiale accordée à la femme se maintiennent  toujours.

Les Keralais, hommes et femmes, sont fiers de cela. À ce jour, ils étonnent les visiteurs provenant d’autres États à quel point les femmes du Kerala tiennent tête aussi bien à la maison comme au travail et qu’elles peuvent circuler pratiquement n’importe où sans crainte de harcèlement.

Source : NAMHAO

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