Un trait
intéressant du groupe familial Innu montagnais est la polygamie pratiquée par
les hommes. Le père Lejeune nous donne une explication sommaire de cet état
lorsqu’il écrit : « étant en plus grand nombre que les
hommes, si un homme n’en peut épouser qu’une, les autres sont pour
souffrir… ». Comme dans la plupart des sociétés qui
pratiquent la polygamie, un homme ne peut avoir plus de femmes qu’il peut en
faire vivre. Dans ces conditions, les talents de chasseurs du mari sont
essentiels s’il désire avoir plusieurs femmes. Habituellement, l’homme choisi
comme seconde épouse sa belle-sœur. Le second mariage survient généralement
lors de la grossesse de la première femme.
À ce moment,
celle-ci doit se retirer et ne peut vivre près de son mari aussi longtemps
qu’elle allaite (tabou de la maternité). Cette période peut
varier de deux à trois ans. Lejeune note qu’il n’est pas rare de voir un
chasseur épouser deux sœurs en même temps. Pour la femme montagnaise, la
question ne se pose pas; celles-ci doivent être monogames et fidèles. Le taux
de natalité est très bas chez ces nomades. Leurs perpétuels déplacements
peuvent expliquer ce phénomène. Il est en effet difficile de devoir traîner
plusieurs enfants en bas âges à travers la forêt lors des expéditions de chasse
Une société sexiste équilibrée
Bien que les
différentes tâches associées aux femmes et aux hommes ne soient pas
exclusivement du ressort de l’un ou l’autre des sexes, on peut définir certains
champs d’activité appartenant à chacun des deux groupes. C’est l’homme qui
pourvoit sa famille de l’essentiel en nourriture, il s’occupe de la grosse
chasse, de la fabrication des canots et de tout ce qui touche la manufacture
d’objets en bois. La femme s’occupe des tâches autour de la maison. Elle fait
la petite chasse, la préparation des repas, le tannage des peaux rapporté par
l’homme et le ramassage et la fente le bois pour le feu. Comme nous
pouvons le constater, les tâches de l’homme l’emmènent à s’éloigner couramment
du groupe pour des périodes plus ou moins prolongées. La femme, quand à elle
s’occupe des activités de maintien et d’entretien du campement. Bien sur, ces
taches peuvent être accomplies par l’un ou l’autre des membres du groupe quand
la nécessité de le demande. Ainsi, même si cela est rare, il est toujours
possible de voir une femme participer à la chasse aux gros gibiers.
Une égalité des sexes remise en cause par la
modernité
Dans la société
pré-coloniale, les deux groupes jouissent d’un statut égalitaire. L’autorité
n’est pas l’apanage des hommes et l’on pouvait très bien retrouver des femmes
chamans ou tenant des conseils et prenant des décisions
socio-économiques. C’est en fait avec l’arrivée des colons européens que
s’opère une transformation dans l’équilibre du groupe. Avec l’augmentation des
échanges, s’opère une scission du statut égalitaire qui régnait dans la
communauté. Les femmes, qui occupaient une sphère d’activité reliée plus au
domaine familial, à la fabrication des outils et instruments courants voient
cette activité leur échapper graduellement au profit des produits manufacturés
d’origine européenne. Avec cette tendance, leur rôle au sein des communautés se
trouve dorénavant relégué à celui de la maternité.
SOURCE : Extrait du Magazine
geo-hist-matriarcat
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