En général, les forums, les sites ou les livres traitant de Wicca, de
paganisme ou de tout autre sujet lié à la spiritualité partent du présupposé
que le lecteur a acquis délibérément l’ouvrage (ou s’est de lui-même dirigé
vers un site) au minimum par intérêt personnel pré-existant, au mieux parce
qu’elle ou il est déjà convaincu intimement par ladite spiritualité. De fait,
ces livres ou sites consacrent rarement des paragraphes ou des chapitres sur le
bien fondé d’adopter cette croyance ou ce mode de vie, bref, il n’y a pas
d’évangélisation ou de tentative de convaincre. En cela, il est connu et réputé
que ces mouvances se refusent à toute forme de prosélytisme et que par
conséquent, chacun y vient parce qu’il y a été préalablement attiré de
lui-même.
Sauf dans quelques cas. Car ceci est valable en terme de spiritualité ou
de quête de spiritualité, et non plus dans le cadre d’une quête d’ésotérisme et
d’occultisme. Le fait est qu’il est quasiment impossible de pratiquer une forme
de magie sans qu’elle ne soit liée à un système de croyances religieuses,
excepté peut être (et encore, ça peut se discuter) la magie chaotique. De ce
fait, le novice en quête de magie ou de sorcellerie, souvent perdu dans un océan
d’ouvrages bons et (beaucoup beaucoup) moins bons, dérive au gré des courants à
la rencontre de nombreuses spiritualités qui ne sont pas siennes, et lui sont
parfois très éloignées.
L’une des premières pensées du novice est la prise de conscience très pertinente
qu’il ne sait rien, et surtout, qu’il ne sait pas en quoi consiste la magie ou
la sorcellerie. Comment ça marche ? Que faut-il faire pour que ça marche ? Il
tombera peut être sur un livre traitant du Vaudou, à moins qu’il n’acquiert un
ouvrage traitant de magie basée sur les croyances de saints ou d’anges et
d’archanges. Notre novice songera peut être que pour faire de la magie, il faut
être vaudou, ou il faut réciter des litanies de saints.
Après tout, comment pourrait-il savoir, alors qu’un livre lui indique
bien la marche à suivre s’il veut apprendre ? Alors le novice se conformera aux
judicieux conseils du livre. Peut-être sera-t-il quelque peu perturbé
d’invoquer des dieux ou des êtres auxquels jusqu’ici, il ne croyait pas.
Peut-être se demandera-t-il si ces êtres divins ou célestes qui sont à la base
de la magie pratiquée sont compatibles avec ses propres croyances ? Peut-être
se trouvera-t-il tout à fait ridicule si par hasard, c’était un chercheur de
magie athée ?
Et oui, athée, pourquoi pas ? Faut-il avoir besoin de croire en Dieu pour
vouloir chercher la magie ?
Toujours est-il, ce novice sera quelque peu perturbé par ce jargon et
cette peuplade d’êtres qui lui sont étrangers, mais il sera peut être plus
encore perplexe s’il effectue son apprentissage dans l’une de ces fameuses
Ecole des Mystères, au choix les Rosicruciens, les Martinistes, Fellowship of
Isis (FOI), etc... Car à l’entrée, chacune de ces écoles se réclament n’avoir
aucun dogme et être ouverte à tous, quelles que soient les croyances.
Voilà la vraie ouverture d’esprit et la vraie évolution : une
connaissance semblable pour tous sans nécessiter de changer de religion.
Seulement voilà, cela peut paraître tout à fait infime, peut-être même que cela
passe presque inaperçu, mais je me suis retrouvée tout à fait perplexe en
lisant un chapitre d’un ouvrage faisant partie des lectures obligatoires d’un
des Lyceums de FOI, dans lequel la question de la religion est traitée. Cela
commençait par l’explication du lien entre les religions et la magie, puis un
paragraphe exhortait le lecteur à réfléchir à sa conception du divin. Puis
soudain, le paragraphe suivant abordait le sujet de la Déesse et du Dieu, tout
en finesse par ailleurs car à l’évidence, l’ouvrage n’étant pas estampillé wiccan,
il n’est pas destiné à atterrir dans des mains déjà adeptes de duo théisme. Et
donc, on apprend qui est la Déesse, qui est
le Dieu, qu’il y a un grand Créateur en plus de la Déesse et du Dieu
(héritage de la maçonnerie et d’autres écoles des mystères occidentales) et que
c’est eux qui sont les divinités qui représentent la Nature de la meilleure
manière (bien que les autres manières ne sont pas fondamentalement fausses non
plus).
Doucement, le lecteur est invité à imaginer le couple divin, à essayer de
trouver des images qui permettraient de les reconnaître, de les sentir en soi.
Bref, le lecteur est invité à découvrir qui sont la Déesse et le Dieu,
présentés comme représentants de toute antiquité des religions anciennes,
puisque «tous les dieux sont le Dieu et toutes les Déesses sont la Déesse». On
passe à la trappe le fait que personne dans l’antiquité ne fut duo théiste,
mais ce n’est pas grave, il y a un Dieu et une Déesse, et même un Créateur
(super, comme ça on a la Trinité, il y en a pour tout le monde : les chrétiens,
les païens... Les autres devront faire un peu plus d’efforts !) ! Et donc, il
est répété que bien sûr, il n’est pas obligé de croire au Dieu et à la
Déesse... Non, mais ce sera quand même nécessaire de voir si le lecteur ne peut
pas s’habituer à leur présence et leur existence. Car ce serait quand même
beaucoup mieux ! Si si, c’est presque dit comme ça.
Ce mode de fonctionnement me dérange. Tout part d’une quête de pratique
magique sans lien direct avec un changement de religion, et ça finit par un
glissement vers ce qui est présenté comme la nécessaire bonne croyance pour
pouvoir pratiquer une magie vraie, effective, bonne et saine. Certes, il est
toujours répété qu’il est nécessaire d’avoir une réflexion personnelle sur la
religion, mais ça pousse quand même d’un certain côté bien précis. Ceci est un
exemple, il y en a d’autres plus judéo-chrétiens pour des écoles des Mystères
plus judéo-chrétiens. Seulement, les choses restent présentées de la même
manière : tout le monde est libre de croire ce qu’il ou elle veut, mais dans le
fond, il n’y a qu’une seule vraie bonne croyance et on attend du novice qu’il
finisse par l’admettre aussi.
Il semble qu’en vérité, ce mode de fonctionnement ait été le plus répandu
jusqu’à il n’y a pas si longtemps que cela. D’ailleurs, dans de nombreuses
sociétés, en Wicca Gardnérienne, on initiait une personne non pas au terme d’un
apprentissage, mais dès lors que celui-ci désirait appartenir à un coven et
apprendre. Donc avant de savoir ce à quoi il ou elle sera initié(e). Dans le
fond, c’est presque évident quand on sait que le mot «initiation» vient d’un
verbe latin signifiant «commencer». Ainsi, un individu pouvait bien se
retrouver Wiccan, Rosicrucien ou même prêtre Vaudou selon le hasard de ses rencontres
avec des initiateurs potentiels. Il n’y avait là aucun choix de fait au niveau
des croyances, juste la volonté d’obtenir une connaissance sur la spiritualité
et sur la magie, de sorte de s’élever au-dessus de ce qui est visible.
Question de mentalités, je suppose. Il s’agit de manières de faire que le
bon ton actuel a plus évacué en vertu de la liberté de chacun de se former sa
propre opinion sur tout et plus ou moins tout seul, sans maître à penser. Il
reste pourtant flagrant que beaucoup des personnes désireuses de suivre une
formation postulent à «une formation» sans forcément se soucier des tenants et
aboutissants de ladite formation, sans se soucier des croyances spécifiques
(car il y en a toujours), ni des pratiques, parfois pas même du degré
d’engagement demandé.
Ces personnes viennent disant vouloir devenir «sorcier(e)»,
«prêtre(sse)», mage(icienne) ou toute autre chose dans ce goût-là. Le statut,
si honorifique, est chatoyant comme un diamant en haut d’une pyramide (que l’on
me pardonne le récent revisionnage du film Le Retour de la Momie, passé à la
télévision durant le temps des fêtes), et fait oublier beaucoup de bon sens, à
savoir se renseigner en profondeur sur les modalités d’accession à ce statut.
Je le sais assez pour recevoir régulièrement des demandes de formation à
l’enseignement de la Sphinge sans qu’il n’y ait de motivations profondes autres
que celles déjà énoncées. Parfois juste pour avoir un enseignement, quel qu’il
soit. Comme si cela pouvait être la
panacée, que dès lors que l’on est pris en charge par un enseignant, tout sera
facile car on n’est plus laissé à soi-même ; chose qui est très fausse puisque
la persévérance et la régularité dans le travail effectué ne dépend jamais que
de soi.
Réfléchissez bien : si on ne vous avait pas dit que la Wicca, cette belle
religion de la Nature, était fondée sur le principe de duo théisme avec un Dieu
et une Déesse, seriez-vous parvenu par vous-même à la certitude de leur
existence, du fait que la myriade de dieux et de déesses peuvent n’en former
qu’un pour chacun des sexes ? Si vous avez d’autres croyances, n’est-il pas
arrivé qu’on vous les ait inspirées, plus ou moins, parce que quelque part,
vous avez lu que pour faire telle chose, il fallait en croire telle autre
(autre exemple : que parce que vous avez des origines celtes ou nordiques, il
faudrait nécessairement croire en Cernunnos ou en Thor, mais bien sûr, ceci ne
reste qu’un exemple) ? Ou même, que si vous ne faites pas de cercle magique,
tout ce que vous entreprendrez ne peut qu’échouer (idem si vous n’avez pas
l’athamé adéquat, le chaudron, la baguette etc.) ?
Pour s’en tenir au premier exemple, c’est à dire la Wicca, il est plus
certain qu’il soit dit que sans cette croyance duo théiste, il n’y a pas de
Wicca et donc, qu’il faut s’en tenir. Il est tellement plus simple et facile
(quoique, je m’avance déjà beaucoup en postulant pour tous la capacité de
sentir qu’il y a autre chose dans ce monde que le visible et le palpable) de
reconnaître l’existence d’être invisibles, angéliques, divins ou d’esprits de
la nature (terme défini selon la culture ou les préférences de chacun), que
d’adhérer à un dogme qui leur donne forme et explique leur existence : celui de
la Déesse et du Dieu, ou toute autre représentation de la divinité donnée par
un système. Et oui, un dogme. Quoi d’autre, puisque c’est manifestement une
base incontournable. Que la Wicca se clame sans dogme ne semble pas réaliste,
peut-il seulement y avoir de spiritualité ou de religion bien précise sans
qu’il y ait de dogme, et sans que l’on ne cherche à les propager, même le plus
subtilement du monde ?
Ainsi, de nos jours et au moins depuis Voltaire, le mot
«dogme» n’est pas beau et se classe quasiment dans les insultes, mais je me
demande s’il ne faut parfois pas appeler un chat, un chat. C’est d’autant vrai
à chaque fois qu’il se trouve une personne pour dire à une autre, en Wicca, en
paganisme ou toute autre religion ou spiritualité que sa croyance est mauvaise.
Parce que justement, lui ou elle saurait ce qu’il est juste de croire.
Donc vraiment, vous n’êtes pas obligé d’y croire, non, vraiment... Mais
vous avez quand même vraiment intérêt d’y croire ! (Même qu’après vous pourrez
dire que les sorciers et les prêtresses ne croient pas, mais connaissent le
divin comme si le Dieu et la Déesse étaient leurs voisins ! Ce qui n’est pas
vraiment faux en soi, mais là, c’est une autre histoire...)
Source magazine http://lunebleuezine.files.wordpress.com/
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