S’ouvrir au féminin
Si l’on regarde l’humanité de Sumer à nos jours, on constate une montée
exponentielle du pouvoir masculin et du patriarcat, accompagnée par la
domestication de la nature et par un formidable développement de la technologie
pour maîtriser et s’approprier le monde. Dans le même temps, l’individualité,
la volonté d’appropriation, et l’indépendance sont devenues des valeurs
suprêmes. Les crises actuelles de tout ordre nous montrent les limites de ce
choix prométhéen qui a oublié d’être au service de quelque chose de plus grand
que notre volonté. La situation actuelle pousse à une remise en cause de nos
valeurs. Il semble que l’humanité doive réhabiliter sa partie féminine de
réceptivité, de douceur et d’amour. Ce qui nous permet d’établir la paix interne,
ce n’est pas la victoire d’un moment, qui sera déjouée par le prochain
événement, mais la capacité à recevoir le monde et l’autre en nous-mêmes, et de
ressentir la vie nous traverser.
Le féminin, c’est accueillir en soi et accepter d’être fécondé par le mystère
de la vie. La part féminine est sensible et réceptive, et se laisse toucher.
Pourtant, elle ne peut être blessée car, par essence, elle accueille sans
jugement et donne sans sacrifice ni attente. Homme et femme sont porteurs de
cette capacité à laisser faire à l’intérieur d’eux la gestation d’une alchimie
créatrice, qui aboutit à des découvertes ou des expériences nouvelles.
Le corps sensible, un vecteur de conscience
sans limite
Ce retour aux valeurs féminines, intuitives et aimantes ne peut se faire sans
une revalorisation du corps sensible et conscient. Non pas le corps domestiqué,
contrôlé et programmé, mais le corps charnel, qui perçoit, qui goûte, qui
ressent, qui a la joie d’accueillir. Le corps est un très puissant vecteur de
conscience. Il réagit instantanément à toute modification de situation ou
d’environnement. A chaque instant, des réactions subtiles parcourent notre
organisme, et de multiples signaux nous informent sur la réalité de notre être
et du monde. Mais cela est quelquefois en opposition avec notre volonté de
contrôle, car un évènement peut nous faire rougir, nous apaiser ou nous faire
battre le cœur. Pour éviter de tels désagréments dans la vie quotidienne
(gargouillis du ventre, jambes flageolantes, se sentir fondre… etc.), nous
avons appris à étouffer ces manifestations, et par là, l’écoute des messages
corporels. Pourtant, chaque mère a expérimenté que son ventre connaît bien
mieux que sa tête, la réalité et les besoins de son enfant. Son corps la
réveille tout juste avant que son bébé ne s’éveille, et ses seins font jaillir
le lait même à distance, si le nourrisson a besoin de téter. Ces réactions
instantanées nous montrent la puissance du canal corporel comme outil de
conscience.
D’autres exemples nous font percevoir cette
réactivité non décidée et pourtant si adaptée. Qui n’a jamais senti son corps
prendre les commandes en cas de dérapage imprévu, ou n’a pas perçu ce sixième
sens lui faisant sentir qu’il était observé ? Ces antennes et connexions
psychiques, si souvent dénigrées ou rejetées, n’attendent que nous pour se
développer. Le corps perceptif nous ouvre à un univers immense et inattendu,
sensuel et intuitif. Il nous permet de jouir de la vie, de ressentir la magie
de l’autre, de joindre l’univers dans toute sa beauté et de sentir la gratitude
d’être vivant. Il nous met en contact avec quelque chose de préexistant, plus
extraordinaire que les programmations mentales, qui elles ne peuvent que mettre
en forme ce qu’elles connaissent déjà. Il nous permet d’être au service de
cette sagesse intérieure, que nous appelons le Soi, l’Etre profond, le Divin…
La spiritualité incarnée passe par un retour au féminin et au corps conscient.
Cette ouverture sensible peut nous ouvrir à des pouvoirs de médiumnité, de
guérison et à l’accession aux sagesses universelles.
Un chemin semé d’embûches
Cette réhabilitation du pôle féminin et cette ouverture à notre ressenti n’est
pas un chemin facile. Cela nous demande un retournement de valeurs et une
ouverture à notre profondeur. Il s’agit de se laisser guider et de lâcher le
contrôle, de remettre en question le pouvoir de notre personnalité construite
pour prévoir et maîtriser notre vie, et d’accepter l’inconnu pour s’abandonner
à la vie… Mais il est aussi délicat de s’ouvrir au sensitif et à l’amour sans
avoir guéri les blessures qui ont entraîné notre fermeture. Quand l’armure
corporelle se relâche, les souffrances oubliées peuvent resurgir. Car l’enfant
est au départ tout réceptif, il est une éponge d’amour qui se construit sur
l’environnement qui l’entoure. Si cet environnement est douloureux ou toxique,
il va incorporer des nœuds de douleur et de poison relationnel, qui vont rester
chez l’adulte enkystés et ignorés sous une couche d’insensibilité et de
refoulement. Entrer dans sa sensibilité interne et son féminin va souvent faire
apparaître, en premier, mal-être, souffrance ou frustration, accumulés au fond
de nos mémoires. Cela montre l’importance d’être accompagné dans ce passage
parfois si délicat pour déjouer ces monstres et accéder au trésor de la
profondeur.
La Psychologie Biodynamique, une gestation de
l’âme dans un corps sensible
La psychologie Biodynamique est une des rares méthodes de psychothérapie créée
par une femme. La théorie et la pratique s’en ressentent. Gerda Boyesen, sa
fondatrice, comparait l’attitude du psychothérapeute à celle d’une sage femme.
Le psychothérapeute biodynamique sait donner un accueil sans jugement, un soin
tout particulier pour le vivant, une attention à la réalité biologique. Il a la
conscience que, loin de toute volonté mentale, l’être intime suit des lois
universelles. Il accompagne le patient le long de ce retour au monde sensible
et sensitif parfois épineux, pour lui permettre de retrouver ce qu’il est
profondément. Conscient de la richesse du corps, il sait donner une attention
particulière aux signaux corporels non contrôlés, car ils traduisent la réalité
interne de la personne.
Le chemin thérapeutique devient une exploration mystérieuse de mémoires ou de
perceptions non programmées par la volonté du patient ou du thérapeute. C’est
par un accueil respectueux et encourageant de ces manifestations, qui au départ
peuvent paraître incohérentes, qu’émerge une expérience très souvent
libératrice et satisfaisante. Cela permet à l’âme de prendre toute son
expansion, par delà le cadre éducatif ou socioculturel, dans toute sa capacité
créatrice et sa puissance d’amour. Le féminin, c’est cette joie d’être.
Ecole Biodynamique Paris, Montpellier, Lyon
APPB – Association Professionnelle de
Psychologie Biodynamique
Par
François Lewin et Miriam Gablier
Ce qui nous permet d’établir la paix interne, ce n’est pas la victoire d’un moment, qui sera déjouée par le prochain événement, mais la capacité à recevoir le monde et l’autre en nous-mêmes, et de ressentir la vie nous traverser.
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