MF : Christine Lorand, comment vous est venu l’idée de faire des
groupes uniquement pour femmes ?
Christine : Tout d’abord le besoin de reconnecter avec
l’identité féminine. Je suis issue de la génération de 68 où la femme s’est
trouvé projetée dans la société: elle a soudainement eu des activités
professionnelles et des responsabilités importantes… et elle s’est placée « en
compétition vis à vis de l’homme » plutôt qu’en contact avec son essence
féminine.
Cette position a eu un impact dans la relation intime, j’ai
remarqué que les femmes se sont positionnées (y compris moi !) dans une
relation de compétition et de pouvoir vis à vis de l’homme et que cette essence
féminine était mise de côté ou en tout cas très en arrière plan…il fallait beaucoup
de temps pour pouvoir contacter cet espace vraiment féminin, de réceptivité,
d’harmonie et d’intériorité.
C’était plutôt le côté masculin qui apparaissait dans ma propre
vie. J’ai réalisé alors que je ne devais pas être exceptionnelle. Après l’écriture
du livre « Le couple sur la voie tantrique », j’ai eu beaucoup de témoignages
de femmes qui se sont senties concernées ou identifiées à l’histoire que je
racontais…c’est à partir de là que j’ai eu envie d’animer des groupes de
femmes.
J’ai pu observer que les femmes qui se rencontraient, avaient
besoin de parler de leurs souffrances, de leurs blessures de femmes. Il y a un
temps pour reconnaître bien sûr ses blessures mais aussi s’en désidentifier,
les lâcher ! « Je ne suis pas la blessure », je suis autre chose…au-delà de la
blessure il y a un espace intact, inviolable, qui a toujours existé.
Conscientiser, exprimer l’agressivité vis à vis de l’homme ouvre la porte de ma
puissance , et de là, je me permets de toucher à la profondeur de ma véritable
nature.
L’idée de la libération de la femme des années 60-70 semble
avoir été qu’une étape mais certainement pas la libération totale de la femme ?
Oui, bien sûr, mais, c’est une étape importante au niveau social
…quand je vois la femme en Afghanistan ou en Inde, elles n’ont même pas atteint
cette étape là !
Donc, on a quand même progressé !
Le défi aujourd’hui pour moi est simple : est-ce que je peux
être féminine sans être soumise ?
Est-ce que je peux être compétente professionnellement tout en
étant en contact avec mon essence féminine ?
Peux, tu nous parler de ton expérience personnelle depuis les
années 60, comment as-tu vécu tous ces changements ?
C’est vrai qu’au départ il y a eu un vent de liberté…c’était la
pulsion sexuelle réprimée des générations précédentes qui éclatait…mais il m’a
fallu des années pour comprendre combien je m’étais abîmée et compromise car ma
sexualité répondait à une demande masculine « le sexe pour le sexe »et j’étais
totalement inconsciente de mes besoins de femme de connecter avec le cœur et le
sexe…
Au niveau professionnel, je cherchais la compétition avec les
hommes au lieu de collaborer en complémentarité…je cherchais le leadership, le
pouvoir a la place de l’alliance…mais là aussi j’ai compris que ce n’était pas
la voie…je faisais peur aux hommes mais surtout je me fermais à mon
intériorité, à ma douceur, souplesse, adaptation, à toutes ces valeurs
féminines si importantes qui s’ajoutent harmonieusement aux valeurs masculines!
Comment vois-tu aujourd’hui les femmes de la génération 68 par
rapport aux plus jeunes, à la nouvelle génération ?
Cela dépend vraiment du parcours de chacune !
Les femmes de la cinquantaine qui se sont ouvertes au Tantra, à
la méditation… ont recontacté leur féminité. Maintenant, celles qui sont restées
« femmes d’entreprise avant tout » sans prendre le temps de créer une vie
personnelle, sont souvent devenues très amères, …
Mais je trouve que la femme a souvent une certaine honnêteté intérieure et elle
est capable de se regarder et d’évoluer!
La génération qui arrive aujourd’hui est plus éveillée à cette
nécessité d’équilibre…elles font aussi des études, elles votent, elles savent
qu’elles peuvent avoir leur place mais elles sont moins dans une révolte…elle
recherche plus un équilibre entre le social et le personnel, l’extérieur et
l’intérieur…
Que penses-tu de l’équité Hommes- femmes en politique ?
Dans le principe c’est une démarche louable, en tous cas
politiquement adroite qui interpelle l’électorat féminin. Il faut bien
commencer quelque part. Je ne crois pas que la politique soit vraiment
d’essence féminine. Les femmes en politique montrent, elles aussi, un aspect
masculin face au pouvoir installé de l’homme.
Mais dire que parce qu’on prend plus de femmes en politique, cela amener plus
de féminin dans la société n’est pas vrai …c’est intéressant mais pas suffisant
!
La société est toujours une société à dominante masculine…on parle des valeurs
féminines mais ce n’est pas encore là !
Le féminin en politique est à inventer et à permettre qu’il se
trouve à l’aise !
Assumer sa vie de mère et sa vie de femme reste-t-il aujourd’hui
un challenge difficile ?
Oui c’est difficile…c’est rare de réussir des deux côtés… Simone
Veil a écrit : « On ne naît pas femme, on le devient ». C’est une phrase
intéressante !
Beaucoup de femmes pensent devenir femme en devenant mère…je
crois que c’est le modèle de la génération précédente et c’est complètement
faux !
Mais avoir un enfant ce n’est pas être femme, c’est être mère !
Peux-tu nous expliquer tes groupes de femmes ?
Dans l’ambiance très spécifique de ces cercles de femmes nous
effectuons un parcours à travers les âges et les générations en quête
d’identité féminine, en lien avec l’histoire familiale. C’est un processus de
réhabilitation, d’acceptation de l’identité sexuée de la femme sauvage que nous
sommes, par le vécu corporel, émotionnel, énergétique, intuitif .... Il y a une
place pour la parole, le corps, le cœur, la sexualité, la guérison, le
mouvement, la danse, le toucher, le chant, le silence, et la célébration.
Dans ces groupes, une grande place est donnée au ressenti et à
l’expression de ce qu’elle sentent et à se permettre d’être en accord avec ce
qu’elles se sentent ! Le pouvoir de la femme, c’est le pouvoir de son intériorité. Si
elle suit son intuition, si elle est honnête avec elle, tout est ouvert, tout
vient tout seul, tant au niveau personnel, relationnel et professionnel.
Utilisez-vous la méditation dans vos stages ?
Oui, nous pratiquons les méditations actives dans un espace de
respect et de cœur et aussi de détente, et de rire. La dynamique est une des méditations indispensables pour nettoyer le côté
émotionnel et rentrer dans un espace plus profond…
On parle aujourd’hui de libération des énergies féminines, qu’en
penses-tu ?
En fait, les énergies féminines sont là…il n’y a pas besoin de
les libérer, il suffit de les laisser s’exprimer ! C’est une véritable «
évolution silencieuse » qui est en marche…
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