Nus, dans les jonquilles au bord de la
rivière, ils se donnèrent la preuve que tout commençait par la sexualité. Ils
se comprirent à la façon de deux moules parfaits, prévus pour s'emboîter l'un
dans l'autre. Lui: le sexe sorti. Elle: le sexe rentré.
Et Adam connut Eve.
On le sait depuis, c'est une simple
différence chromosomique qui forme les deux instruments de survie [Sur les 23
chromosomes que nous possédons dans chacune de nos cellules, il en est un nommé
chromosome sexuel: chromosome X ou Y. Les ovules ne possèdent que le chromosome
X, alors que le spermatozoïde possède soit un X, soit un Y. Les cellules
somatiques possèdent 44 chromosomes et 2 chromosomes sexuels: XX pour la femme,
XY pour l'homme (X et Y figurent la forme de ces chromosomes).] à la façon d'un
doigt de gant dont le masculin serait l'extérieur, et le féminin l'intérieur,
dans une double vision des choses vivantes.
Aucun doute, par cette opposition
anatomique des sexes, Adam projette le germe de vie, lui seul peut le faire.
Eve le reçoit dans son ventre pour lui donner forme, elle seule peut le faire.
Quels que soient leur imagination
gestuelle ou le clair de la lune, c'est toujours Eve qui formera l'enfant,
parce qu'elle produit la cellule sexuelle féminine. C'est sa fonction
naturelle. Elle n'est pas, comme on voudrait le croire, une entité familiale,
sociale, politique, avec, accessoirement, un sexe de femme. Elle est
«formatrice de vie», en a l'organe, les attributs, les responsabilités, les
pouvoirs et tous les droits. «Formatrice de vie», signifie qu'elle a
besoin de donner forme au vivant. Toute femme ne demande secrètement qu'une
chose: l'enfant. Et si ce n'est pas dans le plan physique, c'est au moins dans
celui où elle peut libérer les pouvoirs de sa créativité.
C'est là le discours immarcescible de la
nature. Au moment où tous les discours
patriarcaux s'effondrent, il laisse apparaître une nouvelle libération de la
femme par la reconnaissance de cette valeur radicale féminine.
Dans notre monde manifesté -
c'est-à-dire tangible - la vie ne peut circuler qu'entre deux pôles opposés, +
et -, mâle et femelle. Deux principes. Cette polarité crée la sexualité qui est
non seulement la fonction d'un organe mais toute la communication du vivant.
Le langage de. la nature est simple! Il
y a un principe qui fait des droites, qui rayonne, qui est dur: le masculin
(+). Le donneur! L'autre fait des ronds, il émane, aime les courbes: le féminin
(-). Le formateur!... Mars et Vénus. Il faut apprendre très tôt aux enfants à
reconnaître dans les coquillages, dans les fleurs et chez les naturistes, les
manifestations polarisées de ces grandes forces naturelles qui animent le
monde: deux outils de travail, deux outils de pensée pour que la vie coule et
son bonheur avec. Il faut l'apprendre aux enfants pour que les hommes le
sachent.
Enfermés dans leur patriarcat, ils n'ont
pas vu que les saisons se nouent et se dénouent par le jeu de ces deux
principes. Ni vu qu'un arbre se tient debout de la même double façon. Ses
racines, dures, profondes, fouillant le sol pour s'y fixer, en analyser les
minéraux, lancer un tronc abrupt, droit et résistant comme du bois. Cette
manipulation masculine préparant la manifestation du féminin, les ramures de
plus en plus sensibles et gracieuses et rondes et fragiles au fur et à mesure
qu'elles s'approchent du ciel, pour libérer en haut les tendresses et les
douceurs, les feuilles et les fleurs, les parfums et les couleurs, que les
oiseaux y viennent avec les papillons. Et tout là-haut au sommet de l'arbre: la
photosynthèse chlorophylienne ! La prière avec le soleil... Ils n'ont pas vu
que le féminin assure la photosynthèse spirituelle du monde.
Des millénaires qu'ils imposent leur
outil de survie masculin, leur sexe droit, auquel ils ont longtemps accordé un
droit de l'homme. Trop de temps aussi qu'ils imposent leur outil de pensée
masculin, l'intellect, auquel ils accordent un droit de culture.
Mais l'intellect sépare pour pouvoir
désigner et connaître. C'est sa nature, et son rôle. Alors, nous avons tout
séparé! Dès la petite école, dès les bons points et les mauvais points. Nous
avons tracé un trait de séparation partout, du nord au sud, de l'est à l'ouest,
entre le ciel et la terre. Nous vivons séparés dans nos espaces intérieurs,
séparés les uns des autres par la plus abominable forme de communication: le
jugement. Le jugement comme une facilité, comme une fatalité, comme un
faire-valoir, comme une drogue. C'est automatique, nous nous passons les uns
les autres au jugement premier.
Jugeons-nous les uns les autres. La secte des séparés! La pire, parce qu'elle
ne sait pas et que chacun la suit (sectaire = suivre).
Elle ne le sait pas, puisque par un
paradoxe fou qui domine la fin de ce siècle, les futurologues ne pensent qu'au
masculin - science et technologie sans se poser la question de savoir ce que
l'intellect en fera, dont on voit aujourd'hui qu'il continue à tout séparer
pour tout asservir, l'espace et les consciences.
Sans voir que l'arbre privé de sa
fonction chlorophylienne est tout prêt de tomber...
C'est dire l'importance illimitée ce
matin d'une seule ovulation de femme, elle est au féminin!
Extrait
de LE POUVOIR FORMATEUR DE LA FEMME
Par
Pierre C. Renard 1996
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