Il convient de rappeler que les études
féministes ont eu un rôle essentiel dans l’essor d’une sociologie du genre.
Afin de recadrer le sujet dans une problématique globale, il est intéressant de
noter les antécédents historiques de la construction sociologique du genre.
Traditionnellement l’homme est
considéré comme supérieur, on peut y apporter des explications diverses à
commencer par des facteurs génétiques et biologiques qui voudraient que la
femme soit le « négatif » de l’homme. Autrement dit la féminité du point de vie biologique serait construite sur
un manque, à commencer par celui du chromosome Y.
Du point de vue physiologique aussi le
sexe féminin est un sexe « par défaut », il faut l’apport des hormones
masculines pour que les organes masculins se développent, « à défaut » de quoi,
l’individu sera féminin. Au départ donc, avant que n’émergent les questions de
genre (autrement dit de sexe social), la femme est intrinsèquement inférieure
car non déterminée.
Les études sur ce genre coïncident
avec l’apparition de revendications féminines en France dans les années 1880. Ce
mouvement revendicatif se poursuit jusqu’à son apogée dans les années
1960/1970, époque marquée entre autre d’un livre de référence Le deuxième sexe de Simone De Beauvoir. Dans ce livre l’auteur
insiste sur un concept qui commence déjà à connaître un certain retentissement,
celui du genre, c'est-à-dire de la construction sociale du sexe. Selon De
Beauvoir « on ne naît pas femme on le devient », le livre rompt avec la
tradition de déterminisme biologique, anthropologique, psychique… Il aura donc
fallu une série d’étapes de confrontation et de lutte féministe pour qu’on s’intéresse
aux rapports de genre. Les « gender-studies » sont une discipline qui connaît un
essor important dans les pays anglo-saxons où peut à peu les études sur le
genre vont s’autonomiser du simple rapport conflictuel de confrontation pour en
étudier l’essence même.
Au sein de la famille, la mère
continue à prendre en charge la grande majorité des activités de soins des
enfants et des tâches domestiques. En dépit d’une autonomie des femmes
croissante, c’est là l’un des domaines où la place de la femme a le moins
évolué.
Malgré l’arrivée massive des femmes
sur le marché du travail, elles restent celles qui ont en priorité la charge
des enfants, le « temps parental » représente environ 21 h 10 pour une femme
active à temps plein contre 12 h 40 pour un homme actif par semaine. Il est
aujourd’hui largement reconnu qu’absolument rien de biologique ou de naturel
n’assignerait la femme à prendre soin des enfants et de son foyer, la
démonstration est particulièrement édifiante dans l’ouvrage d’ Elizabeth
Badinter, L’amour en plus . Aucune base sociologique solide ne peut
ainsi défendre l’idée selon laquelle si la mère prend en charge l’essentiel de
l’éducation des enfants c’est parce qu’elle y est poussée par un lien
biologique autrement dit « un instinct ».
En revanche la domination au sein du
couple est bel et bien présente, en particulier parce que la plupart du temps,
et c’est particulièrement le cas dans Femmes au bord de la crise de nerfs, la
femme attend plus de l’homme que celui-ci n’attend d’elle.
Le couple « moderne » peut se définir
comme un modèle de couple issu des années 1970, dans ce modèle de couple les
partenaires sont « deux sans se confondre », l’union doit être source
d’épanouissement personnel pour les deux parties, le couple n’est donc plus la
confusion de deux destins mais c’est bel et bien le couple qui doit être au
service du bonheur de l’individu et pas l’inverse. Ce nouveau couple est plus
égalitaire et à l’avantage des femmes, elles considèrent à présent qu’elles ont
le droit de s’épanouir personnellement à travers le couple et d’exister pour
elles-mêmes. L’amour est donc le ciment
du couple «moderne », si celui-ci n’est plus au rendez-vous les partenaires ont
d’autant moins de scrupules à se séparer que le lien conjugal s’est « privatisé
», c'est-à-dire est moins soumis au jugement de la société.30Ce nouveau type de
lien basé sur l’amour et plus ou moins émancipé des contraintes sociales mène à
une hypertrophie des attentes du lien conjugal.
Ainsi les femmes attendent de plus en
plus du couple qui est synonyme d’épanouissement, néanmoins les rapports
hommes/femmes restent imprégnés d’une domination découlant entres autres d’une
répartition des tâches inégalitaires. Les femmes se retrouvent ainsi déçues et
frustrées quand leur couple n’est pas à la hauteur de leurs espérances. On
observe dans les films que, s’agissant d’un couple « traditionnel » ou d’un
couple « moderne », l’homme est toujours en position de dominant et la femme
toujours en attente de plus d’attention.
On peut définir le couple «
traditionnel », par une forte sexualisation des rôles, et une forte clôture
vis-à-vis de l’extérieur, à l’inverse le couple dit « moderne » serait plus
égalitaire et plus tourné vers l’extérieur.
La question de l’apparence que prend
la féminité fait l’objet d’un grand consensus au sein de la société et l’idée
de « féminité » est d’emblée associée à certains éléments censés être caractéristiques
de l’apparence féminine. La littérature et le cinéma ont d’ailleurs beaucoup contribué
à la définition de cet « éternel féminin », en mettant en scène les clichés
féminins de l’élégance dans ses personnages. Les films de Pedro Almodóvar ne
font pas exception à la règle. On peut remarquer que les héroïnes de ses
oeuvres ont pour la plupart une apparence soignée et sophistiquée qu’on a pour
habitude de qualifier, très à propos, de « féminine ».
Ainsi dans
leurs rapports sociaux, alors que pour les hommes le cosmétique et les vêtements tendent à effacer le corps au
profit d’une position sociale, pour les femmes ces attributs tendent à en faire
un langage de séduction déterminant. Autrement dit, dans les relations sociales
l’apparence physique de la femme est primordiale alors que celle de l’homme est
indissociable d’une certaine position sociale. La femme est donc, indépendamment
de son statut social avant tout une femme et donc un corps et un physique féminin. Ce constat débouche sur le fait qu’il
est d’autant plus nécessaire pour une femme de soigner son apparence puisqu’en
tant que bien symbolique avant tout, elle est ce qui la définit en premier
lieu. Selon le sociologue l’attention que les femmes portent à leur apparence
n’est donc pas seulement imputable au « complexe mode-beauté » mais surtout à
cette relation fondamentale qui l’institue comme « être perçu ». Ainsi pour les
femmes, le regard d’autrui n’est pas un mal nécessaire mais un besoin puisqu’il
est constitutif de son être.
Cette
relation avec le regard de la société reste inchangée même si en apparence, la femme
est aujourd’hui plus libérée et a le choix de l’usage de son corps. Selon
Bourdieu, l’exhibition contrôlée dont font preuve les femmes, laisse leur corps
« très évidemment subordonné au point de vue masculin ». Le sociologue J.C
Kaufmann, a, par ailleurs, étudié le sujet à travers un phénomène du quotidien,
les seins nus sur la plage. Celui-ci, se basant entre autres sur les travaux de
Norbert Elias, souligne que le dénuement de la femme au fil des siècles, loin
d’avoir provoqué une libération a surtout contribué d’une part à une
banalisation du corps féminin, plus précisément à une neutralisation de la
vision érotique systématique sur le corps, d’autre part à une montée des
autocontraintes. Ce phénomène relève du « processus de civilisation », qui a
contribué à l’évolution de la perception du corps féminin. En ce qui concerne
l’ « hexis corporel » en particulier, l’évolution est passée du corset
physiquement contraignant, à des normes de tenues plus discrètes imposées
socialement.
Un aspect
intéressant du livre de Kaufmann est qu’il introduit une notion absolument essentielle,
la beauté. La beauté est devenue selon lui si sacrée qu’aujourd’hui tout est permis
en son nom. Il remarque d’ailleurs que les femmes sur la plage ayant de « beaux
» seins sont nettement moins soumises à réprobation que les autres. C’est là le
troisième aspect qu’il prend en considération dans le corps féminin.
Il
distingue dans son ouvrage trois corps de la femme. Le premier est celui que
nous avons évoqué celui de la banalité, l’exposition croissante du corps le
rend paradoxalement moins visible. Le second est le corps sexuel de la femme,
qui fait naître chez les hommes un regard érotique (qu’ils ont d’ailleurs
parfois du mal à assumer sur la plage). Le dernier est le corps « beauté », la
beauté est alors comprise comme pure esthétique, presque comme un attribut
artistique, dénué de toute connotation sexuelle. La beauté est l’absolu que les
femmes doivent viser en prenant soin de leur apparence, néanmoins le sociologue
révèle également une brèche dans cet idéal : les critères de beauté sont tout à
fait arbitraires. Le désir masculin dans la société moderne trouve par exemple
belle une femme mince et élancée ou bien est séduit par un maquillage soigné
car ces attributs sont dits être « beaux ».
Néanmoins,
les tableaux de maitres illustrant des femmes corpulentes à demi nues ne sont-ils
pas censés être eux aussi de beaux tableaux ? Les courbes d’une femme mince ou
d’une femme enrobée ne sont pas objectivement plus belles l’une que l’autre du
point de vue artistique, il s’agit donc bien d’un construit social de la beauté
de la femme. La beauté n’est donc pas une donnée objective mais repose sur un
certain nombre d’apparats et d’accessoires censés manifester la beauté. Nous
allons voir que sur cet aspect Pedro Almodóvar rentre complètement dans le jeu
des apparats de la féminité, les mettant très souvent en valeur.
La beauté
féminine n’est en réalité qu’une série de normes pré-établies et intériorisées
par les femmes. Même si au départ elles ne contribuent que très peu à la
définition de la féminité puisque « l’usage du corps féminin restant bien
évidemment soumis au jugement masculin ». Le physique féminin instauré par ces normes
est soumis à jugement social, ce qui en fait tout à la fois une contrainte et
une priorité pour les femmes.
Extrait de " La femme face aux
nouveaux enjeux de la féminité dans les films » doc.sciencespo-lyon.fr
Francesca Blog :
http://etredivinaufeminin.blogspot.fr/
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