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dimanche 12 octobre 2014

L’Eternel féminin : du mythe au fantasme


Dieu créa l'homme et la femme. Depuis, l'Homme tente de créer l’image d‘un féminin idéal. Cette tentative revêt un caractère sacré et aboutit à une « sur-féminisation ». Nous entendons par là une création, au sens de reflet et d’alter ego de l’artiste. Cette réflexion autant positive que négative reste, dans les deux cas, un cliché. Ce miroitement renvoie à des stéréotypes correspondants aux schémas intégrés par le sens commun comme Vérité.

Mais ce serait oublier que l'image artistique réveille le désir nostalgique de l'Absolu. L’artiste, même s’il se veut en rupture avec le passé, jettera toujours un regard sur ce qui fut grand à ses yeux. Ainsi en bon plasticien, n’oublions pas que le peintre nous ouvre une porte vers l’invisible, vers la sensation. L’image artistique a, de façon primaire, pour quête d’éveiller en nous des possibles que nous n’aurions pas soupçonnés. L’image du féminin nous semble être cette porte sur l’Imaginaire et la symbolique collective. Tantôt dans la foi, tantôt dans la condamnation, ainsi se résume le duel insoluble entre l'humain et le divin.

Comme nous l’avons vu précédemment ce combat naquit en Grèce antique pour se poursuivre dans la culture judéo-chrétienne. L’image, ambivalente et plurielle, irruption du sacré dans la réalité appelle « l’autre » et l’au-delà. Que l’on parle de l’image ou de la femme, toutes deux furent longtemps jugées maléfiques et fixées aux apparences. Elles détourneraient du Vrai. Attachées à la matière, elles se trouvent aux antipodes du logos de l’Eternel. Associé à l’image et au miroir depuis des siècles, le féminin ne cessera d’incarner l’élément trouble. A jamais forcée de contempler sa fragile beauté tel un Narcisse, la femme est condamnée par son genre et contrainte au rôle de muse passive jusqu’aux prémices de l’art actuel. Pour beaucoup de philosophes, si l'image n'ouvre pas sur une percée céleste et reste cantonnée aux beautés terrestres, le spectateur prend le risque de retomber violemment dans la prison du corps. Afin de s’élever, les beautés terrestres doivent être ramenées à l'unité de leur principe invisible : celui de Beauté absolue La figure du féminin dans l’art a pris une place telle qu’elle en est pratiquement indétrônable. Ineffaçable parce qu’elle a investi trop longtemps la première place dans les sujets de représentation, le féminin peut être défini comme étant l’ensemble des traits dominants et permanents considérés comme caractérisant la Femme.

La Beauté est devenue un concept exclusivement féminin. Comme l’a dit Simone de Beauvoir, la femme est une « Idole équivoque ». L’éternel féminin est devenu une norme, c'est-à-dire l’état habituel ou régulier à quoi une femme doit correspondre plaçant les autres dans l’anormalité. L’art nous en propose une réflexion au double sens du terme : tout d’abord au sens de représentation d’une figure, ensuite comme reflet de la pensée d’une société patriarcale. Le féminin dans l’art est l’image réfléchie d’un fantasme masculin. Ces constructions imaginaires au cours des siècles, conscientes ou inconscientes, ont construit peu à peu d’indissolubles poncifs qui hantent la conscience occidentale. Ces représentations imaginaires marquent une rupture avec la réalité consciente. Nier l’impact de ces images sur notre société et culture reviendrait à dévaluer leurs pouvoirs. Nous avons fait le choix de nous concentrer sur le concept de Beauté. Le Tour d’Italie et l’exhumation des antiques provoquèrent le réveil de son culte. 

Nous le verrons, il faudra attendre les XV et XVIème siècles pour observer une revanche du nu féminin. Au cours des âges, le corps de la femme est devenu porteur de grâce quand le corps nu masculin n’offrait aux regards que des qualités de courage et de force. Nous essaierons de montrer pourquoi et comment la Beauté s’est faite femme. Nous tenons également à prendre en compte une histoire trop longtemps méconnue, celle des femmes en Occident.


Extrait de l’Essai : Relecture des multiples facettes du féminin sacré et profane par Marilyn RENERIC-CHAUVIN École Doctorale Montaigne Humanités

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