Le Concile est une
communauté discrète de sorcières. Bien que nous levons aujourd’hui un coin du
voile, nous préférons rester un peu dans l’ombre. Les sorcières de notre groupe
mènent une réflexion approfondie sur la sorcellerie contemporaine et la wicca.
Un des buts que nous nous sommes fixés est de renouer avec les anciennes
pratiques aussi bien anglosaxonnes qu’européennes. Il est cependant nécessaire
d’être créatif, de nous adapter à notre époque, à de nouvelles envies, c’est
même un impératif mais il faut souvent revenir aux bases fondamentales pour ne pas
perdre le fil directeur. C’est l’éternelle querelle des anciens et des
modernes. Il faut trouver le juste équilibre entre le respect des traditions et
une évolution nécessaire.
Robert Cochran, le
magister contemporain de Gardner prônait déjà cette attitude et nous sommes en
accord avec lui. Le partage de nos connaissances et de nos expériences est
aussi très important à nos yeux. Il faut que les anciens ou les plus avancés
puissent passer leur savoir aux plus jeunes. Ceci sans prétention aucune
puisqu’il faut aussi savoir teinter d’humour nos pratiques. Il est important de
notre point de vue de continuer le chemin qui nous à été ouvert par ceux qui ont
oeuvré pour la Wicca, que ce soit Gardner, Doreen Valiente ou Alex Sanders et
les autres aussi. Nous sommes tous un peu les enfants de Gardner sans parfois nous
en rendre compte.
Pouvez-vous préciser certains termes
comme sorcellerie contemporaine et wicca ?
Cette question a de
multiples réponses suivant le point de vue où l’on se place. Le culte des
sorcières que l’on appelle communément Wicca (ou plus exactement la Wica) remonte
à Gerald B. Gardner et est initiatique par nature. On devient sorcière en étant
initié d’une femme à un homme ou d’un homme à une femme en suivant des rituels
très précis qui ont pour but de provoquer un changement de conscience et d’ouvrir
les capacités psychiques latentes de l’adepte.
En Angleterre, la
sorcellerie traditionnelle désigne une «craft» d’essence pré-gardnérienne, en tout
cas en dehors du courant initié par Gardner. Elle a ses propres confréries de
sorciers et de sorcières. On peut citer ceux de la sorcellerie de Cornouaille,
les groupes issus de la Horsa ou le clan de Tubal Cain du regretté Robert
Cochran, déjà cité précédemment. La sorcellerie contemporaine est une vision
plus récente de l’univers sorcier où l’on n’hésite pas à ouvrir de nouvelles
voies. Des auteurs comme Nigel Jackson et d’autres ont contribué à un regain
d’intérêt pour l’ancien «Folk lore» du terroir. La «Vieille Religion», un terme
repris de «la Vecchia Religione» est pour nous une façon commode de dire que
nous suivons la voie des dieux anciens, que ce soit la Wicca ou toute autre
forme de sorcellerie. Nous ne sommes ni Druide, ni d’une autre spiritualité
païenne.
Nous ne sommes pourtant
pas naïfs pour croire que cela signifie que la Wicca remonte aux premiers âges
de l’humanité à partir d’une lignée ininterrompue. Pourtant, les racines de la
sorcellerie puisent dans un fond commun qui remonte très loin dans le temps.
Mais nous n’essayons pas de reconstruire exactement à l’identique. Nous nous inspirons
tout autant des pratiques telles qu’elles nous sont parvenues au début du
siècle dernier dans les îles britanniques ou sur le continent, que du paganisme
antique stricto sensu. Pour donner un exemple concret, nous célébrons plus volontiers
Hécate dans une forme plus récente, plutôt que l’Hécate purement hellénique des
origines.
Pour finir, je dirais
que Gardner était anxieux de s’assurer que la wica ne meurre pas après lui.
Elle est bien vivante et pour
longtemps encore !
Qui sont les membres du Concile ?
Les membres du Concile
sont avant tout des sorcières. Ceci est très important. Il ne suffit pas de se
dire sorcière. La sorcellerie et la wicca sont des voies exigeantes qui ne sont
pas adaptées à tous. On ne devient pas sorcière en prenant uniquement des cours
ni en garant un balai devant sa porte. Quelques fois oui, mais pas toujours !
Etre sorcière, c’est le sentier d’une vie et cela commence le plus souvent
comme un appel que l’on ressent profondément en soi. J’aime bien aussi ajouter
que si l’on peut se targuer d’être ceci ou cela, c’est à la fin de sa vie,
quand l’ombre de la Grande Mère s’approche doucement qu’on peut vraiment dire
si l’on a pas été une sorcière d’un jour !
Combien ont tout abandonné
en chemin pour retourner à la vie profane ? Peut-être à cause d’un conjoint ?
Ou pour toute autre raison.
Certaines sorcières ne
se reconnaissent pas comme païennes. Sans doute un besoin de revendiquer haut
et fort leur liberté. Dans un sens, les sorcières sont par nature un peu des
«Outlaws». Elles ne se laissent pas facilement enfermer dans des cages. Point
de dogmatisme donc ! Il y a finalement très peu de sorcières et nombre d’entre
elles n’ont quasiment jamais mis les pieds sur le net ou s’y font rares.
Comment savoir si on est une sorcière
?
Quant à nous, nous
utilisons l’ancienne méthode pour reconnaitre une sorcière ! Nous la soumettons
à la question (Rire) ! Il est évident qu’une sorcière initiée dans un groupe de
sorcellerie traditionnelle anglo-saxon ou dans la wicca Gardnérienne ou
Alexandrienne peut le prétendre. Il y a aussi les sorcières de naissance et/ou
héréditaire qui ont leur propre pratique familiale ou celles qui travaillent en
solitaire (et qui ont quelquefois reçu des dons spécifiques). Ce qui est
important c’est d’avoir l’esprit sorcier, une certaine façon de voir le monde,
sans préjugé, ni dogmatisme et de suivre avec honneur les anciens rites. C’est difficile
d’expliquer cela puisqu’il n’y a pas de «Curriculum vitae» officiel. Il y a des
sorcières solitaires vraiment très fortes aussi. Bref, nous n’avons pas d’a
priori.
Alex Sanders, le «Roi des Sorcières»
Ce n’est pourtant pas le seul
critère que l’on demande ! Que faut-il d’autre ?
Il est nécessaire que
nous puissions entrer dans le cercle en parfait amour et parfaite confiance.
Cela demande du respect, de la fidélité, de l’amitié. Sans ces valeurs
essentielles nous ne pouvons pas avancer ensemble. C’est triste mais beaucoup
ignorent délibérément ces valeurs, sont inconstants dans l’effort, dans le respect
de la parole donnée. Nous travaillons plutôt à l’ancienne. C’est-à-dire que
nous privilégions l’oralité et la rencontre physique quand cela est possible.
En tout cas c’est souhaitable. Il semble difficile de travailler avec une personne
que nous n’aurions jamais pu rencontrer. De plus, nous ne pouvons partager
certaines de nos pratiques qu’avec des personnes qui suivent sincèrement la
même voie que nous. Nous sommes tenus par certains serments en fonction de nos
traditions respectives et nous ne transmettons pas le corpus sorcier au premier
venu.
Le secret est-il encore de mise au XXIème
siècle ?
Tout à fait ! D’abord
parce que certaines de nos expériences sont incommunicables avec des mots. Il
faut les vivre, les ressentir. C’est inutile d’en parler. L’initiation, entre autres,
ne doit pas être bradée, par respect pour les dieux et le candidat. Il y a trop
de demandes farfelues, il est donc nécessaire de faire un tri sévère. De plus,
transmettre son savoir est un acte sacré qui demande du temps, de l’engagement,
le plus souvent sur de longues années. Cela ne peut être envisagé à la légère. D’où
par exemple la traditionnelle règle d’un an et un jour qui sert à éprouver la
motivation du candidat à l’initiation.
Pourquoi employer le terme de sorcière
plutôt que celui de wiccan ?
Pourquoi pas ? Les
membres des covens de Gardner se sont toujours présentés comme sorcières. Ce
n’est qu’assez récemment - enfin, à partir des années 70 - que le terme wiccan est
devenu populaire dans les milieux de la wicca. Il s’agissait à l’époque pour
certains de se démarquer de l’aspect par trop magique et connoté de l’univers
de la sorcière, pour le remplacer par un substantif plus neutre, et d’autre
part d’en profiter pour mettre l’accent sur le côté spirituel. Par un étonnant
retour du balancier, il semble maintenant que le terme Wiccan soit de plus en
plus perçu, comme étant lié à une pratique de masse, avec toutes les dérives
que cela comporte.
Personnellement, je préfère
rester fidèle à la dénomination de sorcière. On pourra gloser longtemps sur le
rôle de la sorcière aux temps anciens, sur
ses connaissances, ses croyances, ou si elle avait recueilli une partie du
savoir ancestral. Qu’importe, la sorcière moderne se nourrit à toutes les sources
du savoir. C’estl’archétype à venir de la sorcière du XXIème siècle qui nous
intéresse de faire vivre.
N’êtes-vous pas trop traditionaliste
?
Nullement. Nous aimons
juste ne pas tomber dans le n’importe quoi. La wicca initiatique de Gardner est
la brique fondamentale, les nécessaires fondations si vous préférez, de notre voie.
S’il y avait une loi de copyright pour l’utilisation du corpus de la wicca, on
pourrait élever à Gardner une statue en or massif avec les royalties. La wicca traditionnelle
semble donc une piste de départ logique pour acquérir les bases. Mais même
Doreen Valiente a été voir ailleurs. D’abord dans les anciennes pratiques
magiques de l’Angleterre et puis un temps auprès de Robert Cochran. Nous
n’avons fait qu’effleurer la surface de nos traditions et il nous reste encore
beaucoup à découvrir.
Notamment du côté du
chamanisme européen. Nous explorons aussi tout naturellement ce que l’on
appelle l’«Hedge Witchcraft», en
fait une simple branche de la sorcellerie où le savoir des «Cunning Folks».
Certains d’entre nous étudient Agrippa, l’astrologie, la magie cérémonielle. Il
n’y a pas pour nous de cloisonnement des disciplines. L’Art des sages est juste
la façon subtile de tresser entre eux les différentes branches de notre arbre de
la connaissance. Notre héritage est à la fois celui des temples et celui des
landes sauvages. Les archétypes féminins ne nous sont pas étrangers non plus,
ni même les concepts Jungien. On se tient au courant tout de même ! On pourrait
dire pour résumer que nous sommes très rigoureux mais aussi très ouverts.
Y-a-t-il une éthique particulière au
Concile ?
Nous reconnaissons que
le monde montre autant de lumière que d’ombre, de joie que de peine. Nous
préférons cependant faire oeuvre de lumière plutôt que nous vouer à des actions
négatives. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Nous essayons d’agir sans
léser autrui. C’est sûrement un conseil qui vous rappelle quelque chose ! Plus
simplement, si quand vous vous levez le matin vous pouvez vous raser (original pour
une sorcière, non !) en vous regardant dans la glace sans problème alors vous
êtes peut-être sur la bonne voie (de l’éthique sorcière !).
Et la magie ?
Il y a comme une sorte
de tabou apposé sur la magie. Beaucoup disent qu’il ne faut pas en user,
beaucoup en ont peur, beaucoup parlent sans savoir. La magie fait partie de
notre culte, c’est indéniable. Une incantation comme une prière est déjà en soi
de la magie. Notre façon de projeter le cercle aussi. Il ne faut pas oublier que
lors des esbats les membres des covens alexandriens n’hésitaient pas à demander
des guérisons ou toute autre aide magique. C’était même une part importante des
activités de la «pleine lune». Mais une sorcière saura ne jamais outrepasser ce
qu’il est possible et raisonnable de faire. Elle connait les lois de
l’invisible et n’agit pas à la légère. C’est la grande différence avec celui
qui connait imparfaitement les règles de l’Art et se lance dans la magie. La magie
ne prend de sens que lorsqu’elle est un acte sacré.
Comment peut-on venir à vous ?
Pour ceux ou celles qui
voudraient en savoir plus, il y a toujours des portes d’entrées que l’on peut
trouver.
Y-a-t-il des conditions
particulières ?
Etre majeur. C’est un
pré requis absolu. Nous avons une préférence pour des personnes qui ont déjà eu
le temps d’expérimenter un peu la vie. Il y a trop de jeunes qui idéalisent le sujet.
Des projets ?
Chaque sorcière du
concile à sa propre liberté et agit dans sa propre sphère personnelle. Sinon,
bien sûr, toujours les rencontres, les célébrations et les rituels, le travail commun
de réflexion. Une vie de sorcière en somme !
Article de Laborare et
Orare !
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