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samedi 27 septembre 2014

Des mères aux figures de l’Eternel féminin


Aphrodite et Marie-Madeleine sont les figures phares d’un Eternel féminin aux multiples polarités, patronnant l’émotion comme puissance matriarcale. Aussi bien confrontées à Eros qu’à Thanatos, elles sont ambivalentes dans leurs représentations. L’une fille de Zeus et mère d’Eros est la déesse de l’Amour. L’autre oscille à chaque époque entre péché et rédemption. La culture ne cesse de leur faire revêtir différents masques. Nous reviendrons sur leurs histoires et les légendes s’y rapportant.

Aphrodite, « femme née des vagues », déesse grecque de l’Amour, est souvent représentée souriante. Aussi belle que cruelle et sévère pour les Grecs, elle est Vénus, bienfaitrice et bienveillante pour les romains. Ces origines sont multiples et complexes.

Dominatrice, enjôleuse, trompeuse, elle rend « gunamanes » les plus féroces comme Arès. Le nom de Vénus, à l’origine, définissait une manière d’être. Ce substantif latin neutre est ensuite devenu le nom d’une déité. Lucrèce définit son sens premier le venus comme étant le mélange entre attraction et plaisir. Il procure joie, ravissement et avec sa force gracieuse enchaîne, par le désir, tout être vivant. Le venunum était un filtre d’amour puissant qui provoquait la dépendance. On le trouve également appelé pharmakon chez les grecs. Pour cette raison on dit que la beauté de Vénus rend esclave et ensorcelle.

« Plantant le tendre amour aux cœurs des êtres, tu transmets le désir de propager l'espèce. »
« Erasmiotata », avec son « kesto », elle hante les récits antiques tels « l’histoire de Pline et du jeune homme fou de désir pour la Vénus de Cnide au point d’y laisser, de nuit, la trace, la tache de sa jouissance… »

Aphrodite est d’un côté la bonne Peitho et de l’autre préside au leurre de la séduction. Elle veille aussi bien au bonheur des époux qu’elle sème la discorde et le désordre érotique. Elle est le principe primordial de la conjonction amoureuse et de l’union désirée qui submerge les hommes et les dieux. Elle fut elle-même victime de sa propre ruse en concevant Enée avec Anchise.

 Marie-Madeleine, alter ego chrétien de la déesse, naquit de parents nobles : Syrus et Eucharie. Avec son frère Lazare et sa sœur Marthe, ils possédaient la place forte de Magdala à Béthanie. Leurs biens furent divisés en trois. Marie eut Magdala, dont elle prit le nom, Lazare hérita de Jérusalem et Marthe de Béthanie. Marthe veillait aux biens de la famille car Lazare était dans l’armée et Marie dans la lascivité. « Autant Madeleine était riche, autant elle était belle; et elle avait si complètement livré son corps à la volupté qu’on ne la connaissait plus que sous le nom de la Pécheresse. » Simon le lépreux s’étonna que le Seigneur se laisse toucher par une prostituée, mais ce dernier lui répondit qu’elle était lavée de tous péchés. « Et, depuis lors, il n’y eut point de grâce qu’il accordait à Marie-Madeleine, ni de signe d’affection qu’il ne lui témoignât. Il chassa d’elle sept démons, il l’admit dans sa familiarité, il daigna demeurer chez elle, et en toute occasion se plut à la défendre. Il la défendit devant le pharisien qui la disait impure, et devant sa sœur Marthe, qui l’accusait de paresse, et devant Judas, qui lui reprochait sa prodigalité. Et il ne pouvait la voir pleurer sans pleurer lui-même. C’est par faveur pour elle qu’il ressuscita son frère, mort depuis quatre jours, qu’il guérit Marthe d’un flux de sang dont elle souffrait depuis sept ans (…) ».

Après la mort du Christ et sa résurrection, elle fut confiée à un apôtre. Ils furent envoyés par des infidèles sur un bateau avec d’autres chrétiens. Arrivée à Marseille, Marie-Madeleine prêcha le Christ dans les Temples païens. « Et tous l’admirèrent, autant par son éloquence que par sa beauté : éloquence qui n’avait rien de surprenant dans une bouche qui avait touché les pieds du Seigneur. »

En Occident chrétien, deux triades de Marie existent. Tout d’abord, celle des épouses et des mères : la Vierge Marie, Marie Cléophas et Marie Salomé. A ce trio de mères s'opposa ensuite celui des pécheresses et domina(trices) : Marie de Béthanie, Marie de Magdala et Marie l'égyptienne. Ces deux triades résument, comme le dit Estrella Ruiz-Galvez, les « inévitables mères et les indispensables amantes »


Extrait de l’Essai : Relecture des multiples facettes du féminin sacré et profane par Marilyn RENERIC-CHAUVIN École Doctorale Montaigne Humanités

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