Aujourd’hui, il est essentiel que la femme se rappelle son
rôle de gardienne, d'initiatrice ou de semencière, œuvrant aussi bien pour
elle-même, pour ses proches, que pour l'ensemble des êtres vivants. En
actualisant ce rôle primordial, elle pourra démontrer – de manière vivante –
que nulle évolution ne peut advenir chez l’être humain sans la connaissance qui
le relie intimement à la nature. Car nous faisons partie intégrante de cette
nature et c'est en renouant le dialogue avec la Terre que nous apprendrons à
aimer vraiment...
En suivant ce chemin, chaque femme, mais également chaque
homme, fera naître en elle ou en lui le désir de ré-enchanter sa vie et son
environnement pour devenir, à son tour, un(e) gardien(ne) de la Terre.
Voici venu
le temps où émerge l’énergie féminine sur notre douce Terre Mère. Dans les
traditions primaires sacrées, tout autour du globe, les baguettes de pouvoir
ont été placées entre les mains des femmes. Après des milliers d’années de
domination de l’énergie masculine, le balancier a basculé du côté du Féminin.
Et c’est juste à temps, compte tenu des terribles dommages et destructions sur
Terre où nous a entraînés le côté dégradé de notre part masculine à l’intérieur
de nous. Nous sommes face à des défis, si nous souhaitons vivre sainement et
durablement, en incluant tous les êtres vivants sur Terre.
Le
pouvoir nourricier et de renouvellement du Féminin est ce qui est nécessaire
pour faire face à cette crise avec amour et puissance.
Et nous
ne parlons pas là simplement des hommes et des femmes, mais de manières
d’approcher le monde. Selon l’approche traditionnelle, un homme bon
(particulièrement un chef) utilisait son énergie masculine pour guider son
peuple, prendre part activement au monde, protéger et pourvoir ; cependant,
tout aussi important était le fait qu’il consacre cette énergie de manière
féminine en services aimants et au soutien des êtres et de toute vie. Ce
dernier aspect semble manquer à nos dirigeants aujourd’hui.
Message de Brooke Medicine Eagle
Pour cerner la place
de la « nouvelle » spiritualité féminine, plaçons-nous d’abord dans le contexte
historique de l’émancipation féminine. Le mouvement féministe a visé des
priorités d’ordre social tels l’égalité salariale, le choix des professions –
ouvertes tant aux hommes qu’aux femmes – et le partage des tâches relevant du
domaine privé (tâches ménagères, éducation en commun de l’enfant). Cette
avancée a permis aux femmes occidentales d’accéder à une sphère de liberté ;
d’avoir le pouvoir de décision sur leur propre corps, en ayant, par exemple, à
disposition des moyens de contraception pour choisir d’avoir ou non des
enfants. Sur le plan de la pratique spirituelle, elles ont accédé à la prêtrise
dans certaines communautés religieuses. Si cela nous semble novateur,
paradoxalement, il s’agit d’un retour aux sources. Car, parallèlement au
mouvement social, des chercheuses universitaires, ayant centré leurs travaux
sur les cultes anciens, ont retrouvé maints lieux de culte dédiés à la Grande
Déesse, la Mère des origines.
Selon ces
chercheuses, une société matriarcale existait avant que les hommes mettent en
place un Dieu mâle unique – voire despotique – dont ils étaient les descendants
et qu’ils excluent les femmes de cette lignée spirituelle. La femme a ainsi
changé de statut : de représentante de la Déesse de l’abondance, de la vie, de
la fertilité, elle est devenue celle par qui le mal arrive, portant la
prétendue culpabilité d’une punition divine. La femme, et par association la
Terre, s’est peu à peu apparentée à ce qui est sale, méprisable, voire
punissable. Les rites païens qui les vénéraient ont été abolis comme s’il
fallait occulter, oublier ce qui vient d’elles.
Une scission a vu le
jour, toujours plus profonde, amenant des tragédies humaines : en bas, « sur
Terre » et par prolongement chez la femme, un monde physique rempli de vices.
En haut, « au ciel »
et par prolongement chez l’homme, un monde rationnel hautement honorable, relié
à la pratique d’une spiritualité masculine élevée. La femme comme désespérément
reliée à son corps, l’homme en recherche permanente de l’Esprit. C’est la
scission corps/esprit qui perdure encore de nos jours avec, heureusement, une
prise de conscience qui tente de réunifier notre être tout autant que de nous
redonner place au sein de la Nature.
Réconcilier le corps
et l’esprit
Le mouvement Wicca
par exemple, permettant aux hommes qu’aux femmes de retrouver la pratique de
rituels païens qui honorent la Nature et célèbrent le rythme des saisons. Le
renouveau d’un tel mouvement montre le besoin important de renouer avec des
traditions qui placent l’être humain et la Nature dans un rapport
d’interdépendance sacrée. Un autre exemple est celui du World Womb Blessing qui
propose des méditations à distance afin de se relier à l’esprit du Féminin
sacré. Plus de cent mille femmes dans le monde s’y connectent afin de redonner
à leur matrice l’attention sacralisée qui leur manque. Ce même mouvement
mondial propose des soins et une pratique énergétique nommée « bénédiction »,
harmonisant le corps dans son entier et incluant la matrice comme centre
énergétique du pouvoir de la femme. Les femmes ainsi resacralisent leur corps,
lui offrent littéralement un temple,
sans exclure les hommes.
Philippe Roch nous remet
en mémoire que nous sommes tous les héritiers de « 4 milliards d’années de vie
animale, de 400 000 ans de partenariat avec le feu et de 50 000 ans de
civilisation paléolithique pendant laquelle l’homme était totalement immergé
dans une vaste nature sauvage ».
Il est difficile de
nier notre appartenance au monde naturel et le lien entre notre propre corps et
celui de la Nature !
Si le corps et
l’esprit ont été écartelés par la pensée judéo-chrétienne, des études
anthropologiques décrivent d’autres rites de sociétés dites « premières » sur
les sous-continents de l’Amérique du Nord et du Sud, auprès des tribus
amérindiennes ou d’Amazonie. Mircea Eliade et Michael Harner, par exemple, ont
détaillé le lien de ces sociétés avec le divin. Dans ces communautés, le
partage des tâches est clairement défini par genre : femmes et hommes ont des
activités différenciées. Concernant le corps des femmes, celles qui ont leurs
menstrues ne participent pas à certaines cérémonies. En découvrant ces
pratiques, nous avons souvent cru, en Occident, – fortes du combat que nous
menions contre la discrimination des genres – que cette exclusion de la
communauté était liée à la souillure
du corps féminin telle que nous l’avions intégrée dans nos propres
croyances. Après des années de proximité et d’intérêt pour ces peuples
premiers, cette interprétation mérite d’être nuancée. Les célébrants ont pu
expliquer que si la femme n’accède pas à certaines cérémonies, c’est que ces
rites d’élévation vers le « grand esprit » ne lui sont pas nécessaires en
période de lunes.
Ce contact spirituel lui serait naturellement offert par la
réceptivité accrue liée aux menstrues. Le divin serait-il donc en chaque femme
? De fait, nous vivons lors de nos lunes périodiques un état de réceptivité
exceptionnel. Nous nous sentons dans notre corps comme dans un lieu clos et
ouvert tout à la fois ; un lieu d’accueil et d’ouverture pour une révélation qui enfantera
le nouveau. Dans ces traditions, il existe donc bel et bien une vision de la
femme où celle-ci n’est ni sale ni impure, mais est un réceptacle pour que le
divin se manifeste. Et si, par extension, le divin se manifestait dans tout
corps physique ?
« Si l’humanité
doit évoluer, cette évolution se fera dans le sacré, dans une conscience que la
vie est magique, belle, enchanteresse, que la nature est un don, la
manifestation d’un principe qui nous dépasse. Alors nous réaliserons notre
vocation suprême : l’admiration. »
Pierre Rabhi - https://www.pierrerabhi.org/
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