Là où le sexe masculin bénéficie de la place du trône
dans le royaume paternel phallocentrique, nulle place pour le sexe féminin, si
ce n’est en termes d’absence, de manque.
Cette image, les femmes n’ont de cesse de la mettre en
avant, en recourant au paraître, à la mascarade. Faute de ne pas avoir le
Phallus, il s’agit de se donner à voir à l’homme comme étant l’objet de son
désir. (Lacan 1957-58)
L’identité féminine en passe par un paraître appelant au
regard désirant de l’homme. Nombre de femmes pointent combien il est important
pour elles d’être remarquées, regardées, quittes à user de multiples artifices
: faux ongles, chirurgie esthétique, ornements divers… autant d’apparats
féminins destinés à capturer le regard masculin. Il s’agit pour ces femmes de pouvoir
lire dans les yeux du partenaire la flamme du désir. Sembler être le phallus,
soit l’objet du désir et des fantasmes masculins, vient apposer un voile sur le
mystère de l’identité féminine.
Mais, tout comme l’identité féminine ne se réduit pas à
une belle image, être femme ne se résume pas à cette mascarade, ce qui
viendrait à assujettir ces sujets à l’injonction imaginaire «Sois belle, et
tais-toi». Les femmes le revendiquent : « je ne suis pas qu’une belle poupée,
j’ai un cerveau aussi ! ».
Une femme en appelle certes au regard désirant de son
partenaire, mais plus que tout, elle attend qu’il lui déclare sa flamme. Ce qui
est visé par une femme, c’est avant tout une parole d’amour, car l’homme qui se
déclare à sa bien-aimée met à jour son manque-à-dire sur sa partenaire, et en
parlant donne ainsi à sa partenaire un supplément d’Etre.
Le sentiment d’être femme implique donc l’assomption du
manque-à-dire masculin quant à l’être féminin. Dès lors, la zone d’ombre
entourant l’identité féminine prend une tournure bien spécifique : si un homme
ne peut tout dire d’une femme, c’est parce qu’il est dépassé par une identité
féminine à jamais entourée d’une part de mystère à laquelle il n’a pas accès.
La parole d’amour, avec le ratage qu’elle implique, ouvre le champ à la
conception de l’être féminin et de sa jouissance comme dépassant l’ordre
masculin, phallique.
A l’exemple de L’hystérique, qui ne cherche pas à devenir
une femme, mais plutôt à obtenir de l’homme un savoir sur cette question sans
cesse déployée. Et pour cela, elle en passe par celui qui saurait lui dire ce
qu’est La Femme, la vraie, qui susciterait le désir de tout homme. Si
l’hystérique s’assure une identité, c’est une identité bien plus masculine que
féminine, en s’identifiant à une double figure masculine : celle de l’homme
impuissant, et celle, sous-tendue de l’homme idéal, imaginaire, qui saurait
dévoiler La Femme.
En fait, ce regard décevant du partenaire, l’échec de ce
dernier à lui assurer un repère identitaire satisfaisant en tant que femme,
occupe une fonction bien précise dans la problématique de ces sujets. Alors que
l’on pourrait être tenté de le croire, nombre "d’hystériques" ne
s’effondrent pas du fait de cette insatisfaction sans cesse renouvelée dans
leurs relations amoureuses : c’est bien plus lorsque le partenaire les quitte,
disparait et ne vient donc plus jouer avec elle à ce jeu d’échecs amoureux que
tout vacille. La mise en échec du partenaire à la satisfaire assure en effet
pour le sujet hystérique sa foi en une figure idéale de l’homme qui lui
révélerait le secret de la féminité.
En fait, si l’on parcourt les ouvrages traitant de
l’hystérie et ce, en remontant jusqu’au Moyen-Age, la question de délire et
d’hallucination dans l’hystérie ne paraît aucunement nouvelle, bien au
contraire. Derrière le concept de « Folie hystérique », repris et analysé par
Maleval (1981) gît l’énigme de l’identité féminine.
L’identité féminine ne se laissera jamais totalement
dévoiler. Que certaines femmes croient atteindre leur secret le plus enfoui au
prix d’une identité finalement plus masculine que féminine, que d’autres
éludent ces zones d’ombre en inventant une nouvelle forme d’identité sexuée,
d’un troisième genre, toutes se heurtent inéluctablement au mystère du féminin.
Extrait de Sciences-Croisées
Numéro 2-3 : L’Identité
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire