Dieu créa
l'homme et la femme. Depuis, l'Homme tente de créer l’image d‘un féminin idéal.
Cette tentative revêt un caractère sacré et aboutit à une « sur-féminisation ».
Nous entendons par là une création, au sens de reflet et d’alter ego de
l’artiste. Cette réflexion autant positive que négative reste, dans les deux
cas, un cliché. Ce miroitement renvoie à des stéréotypes correspondants aux
schémas intégrés par le sens commun comme Vérité.
Mais ce
serait oublier que l'image artistique réveille le désir nostalgique de
l'Absolu. L’artiste, même s’il se veut en rupture avec le passé, jettera
toujours un regard sur ce qui fut grand à ses yeux. Ainsi en bon plasticien,
n’oublions pas que le peintre nous ouvre une porte vers l’invisible, vers la
sensation. L’image artistique a, de façon primaire, pour quête d’éveiller en
nous des possibles que nous n’aurions pas soupçonnés. L’image du féminin nous
semble être cette porte sur l’Imaginaire et la symbolique collective. Tantôt
dans la foi, tantôt dans la condamnation, ainsi se résume le duel insoluble
entre l'humain et le divin.
Comme nous
l’avons vu précédemment ce combat naquit en Grèce antique pour se poursuivre
dans la culture judéo-chrétienne. L’image, ambivalente et plurielle, irruption
du sacré dans la réalité appelle « l’autre » et l’au-delà. Que l’on parle de
l’image ou de la femme, toutes deux furent longtemps jugées maléfiques et
fixées aux apparences. Elles détourneraient du Vrai. Attachées à la matière,
elles se trouvent aux antipodes du logos de l’Eternel. Associé à l’image et au
miroir depuis des siècles, le féminin ne cessera d’incarner l’élément trouble.
A jamais forcée de contempler sa fragile beauté tel un Narcisse, la femme est
condamnée par son genre et contrainte au rôle de muse passive jusqu’aux
prémices de l’art actuel. Pour beaucoup de philosophes, si l'image n'ouvre pas
sur une percée céleste et reste cantonnée aux beautés terrestres, le spectateur
prend le risque de retomber violemment dans la prison du corps. Afin de s’élever,
les beautés terrestres doivent être ramenées à l'unité de leur principe
invisible : celui de Beauté absolue La figure du féminin dans l’art a pris une
place telle qu’elle en est pratiquement indétrônable. Ineffaçable parce qu’elle
a investi trop longtemps la première place dans les sujets de représentation,
le féminin peut être défini comme étant l’ensemble des traits dominants et
permanents considérés comme caractérisant la Femme.
La Beauté
est devenue un concept exclusivement féminin. Comme l’a dit Simone de Beauvoir,
la femme est une « Idole équivoque ». L’éternel féminin est devenu une norme,
c'est-à-dire l’état habituel ou régulier à quoi une femme doit correspondre
plaçant les autres dans l’anormalité. L’art nous en propose une réflexion au double
sens du terme : tout d’abord au sens de représentation d’une figure, ensuite
comme reflet de la pensée d’une société patriarcale. Le féminin dans l’art est
l’image réfléchie d’un fantasme masculin. Ces constructions imaginaires au
cours des siècles, conscientes ou inconscientes, ont construit peu à peu
d’indissolubles poncifs qui hantent la conscience occidentale. Ces
représentations imaginaires marquent une rupture avec la réalité consciente.
Nier l’impact de ces images sur notre société et culture reviendrait à dévaluer
leurs pouvoirs. Nous avons fait le choix de nous concentrer sur le concept de
Beauté. Le Tour d’Italie et l’exhumation des antiques provoquèrent le réveil de
son culte.
Nous le verrons, il faudra attendre les XV et XVIème siècles pour observer
une revanche du nu féminin. Au cours des âges, le corps de la femme est devenu
porteur de grâce quand le corps nu masculin n’offrait aux regards que des
qualités de courage et de force. Nous essaierons de montrer pourquoi et comment
la Beauté s’est faite femme. Nous tenons également à prendre en compte une
histoire trop longtemps méconnue, celle des femmes en Occident.
Extrait de l’Essai : Relecture
des multiples facettes du féminin sacré et profane par Marilyn RENERIC-CHAUVIN
École Doctorale Montaigne Humanités
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