Françoise Gange (1944-2011) est une philosophe et une
socio-ethnologue française, spécialiste du mythe de la Grande Déesse. Philosophe
de formation et diplômée de sociologie, elle est l’auteur de plusieurs
ouvrages.
Bien avant la naissance des Dieux,
l’humanité était placée sous la protection de la Grande Mère universelle,
créatrice des mondes, des éléments et des créatures qui la peuplaient. Matrice
sacrée, la terre portait les mystères de toutes les gestations, et chaque
élément se trouvait relié au Grand Tout, dans l’immense fraternité du vivant.
Cette très longue culture de la Grande Mère fut attaquée en plusieurs vagues, à
partir de la fin de l’âge du Bronze, pare nouvel ordre du Père dominant qui,
après l’avoir démonisée, réussit à en effacer la mémoire, se faisant passer
pour le Commencement. C’est à une relecture des grands mythes fondateurs que
nous invite ce livre. Il met en lumière le combat acharné que les héros du
nouvel ordre patriarcal ont dû livrer à la très antique culture de la Grande
Mère, pour imposer leurs Dieux, dans un panthéon jusque-là féminin.
S’inscrivant dans la continuation de ce qui a fait le succès de Jésus et les
femmes, Françoise Gange nous amène à retrouver ces chemins effacés vers notre
mémoire la plus ancienne : on prendra conscience qu’il a existé d’autres
systèmes culturels que celui, au modèle unique, du viril conquérant,
c’est-à-dire guerrier, que nous connaissons toujours. L’humanité, réconciliée
avec ses deux moitiés, féminine et masculine, doit pouvoir avancer vers un
nouvel âge du monde, dans le sens d’une sacralité retrouvée.
Jésus le féministe
Jésus et les femmes est profondément inspirant
et va à contre-courant du manichéisme instauré par la pensée patriarcale. Le
hasard a voulu que je reçoive en même temps que ce livre, lors de sa première
parution en 2001, Les femmes et la guerre de l’auteure québécoise, Madeleine
Gagnon. Alors que celle-ci se penche sur la parole des femmes qui ont vécu la
guerre ces dernières années, Françoise Gange analyse l’enseignement de Jésus à
travers l’évangile selon Marie et les autres écrits gnostiques, prônant la
connaissance engendrée par l’unité indissociable de la chair et de l’esprit,
occultés par les religions monothéistes et les Églises officielles. Parties de
si loin l’une de l’autre, elles se rejoignent pour trouver une même origine à
la violence dans la guerre inavouée des hommes contre les femmes, de la
naissance du patriarcat, il y une trentaine de siècles, jusqu’aux sales guerres
d’aujourd’hui dont les femmes, et de façon générale, les populations civiles
sont désormais les principales victimes.
« Après la mort de Jésus, le courant gnostique, qui continuait à
diffuser son enseignement, est entré en conflit déclaré avec le courant
judaïsant qui cherchait principalement à faire cadrer le message [du Christ]
avec les assises du judaïsme… Courant judaïsant qui finira par triompher. » - Françoise Gange, Jésus et les
femmes.
En fermant Jésus et les femmes,
on est convaincu que l’éradication de la violence et de la guerre ne peut venir
que de la reconnaissance, autant chez une femme que chez un homme, de la
présence en l’une et en l’autre des attributs du “sexe opposé”. Qui donc
voudrait tuer ce qui est partie intégrante de son être ? Ainsi se
multiplient les points de rencontres comme autant de zones érogènes tant pour
l’esprit que pour le corps. La compréhension devient possible parce qu’il ne
s’agit ni de contrôle ni de soumission, ou d’avoir toujours raison, mais d’un
pont vers l’autre, d’élargissement de la connaissance et d’une véritable
co-naissance.
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