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vendredi 26 février 2016

Gestion des terres par le conseil des mères


Les Iroquois avaient un système similaire de distribution des terres. La tribu possédait toutes les terres, mais attribuait des territoires aux différents clans qui les répartissaient à leur tour entre les ménages pour les cultiver. Le terrain était régulièrement redistribué entre les ménages, au bout de quelques années. Un clan pouvait demander une réaffectation des territoires lors des réunions du Conseil des Mères de clan. Les clans coupables d’abus de terrain ou de négliger celui qui leur était alloué, recevaient un avertissement du Conseil des Mères. La pire punition était l’attribution de leur territoire à un autre clan. La propriété de la terre était l’affaire des femmes, de même que la culture du sol pour la nourriture était leur travail. Le Conseil des Mères réservait aussi certaines portions de terrain pour être travaillées en commun par les femmes de tous les clans. La nourriture produite sur ces terres, appelée kěndiǔ »gwǎ’ge’ hodi’yěn’tho, était consommée lors des fêtes et des grands rassemblements.



Une société sexiste équilibrée

La contribution importante des femmes dans l’économie domestique leur faisait accéder à une autonomie importante même si la division socio-sexuée des tâches était très forte et que sa transgression impliquait une mise à l’écart. Femmes et hommes en nombre égal occupaient les fonctions de “gardiens de la foi”, personnes d’influence qui admonestaient les autres pour les infractions morale. Le rôle déterminant dans l’exercice du pouvoir appartenait aux aînés des deux sexes. Ce n’était pas une “gynécocratie” mais une “gérontocratie”.

La division sexuelle des rôles était stricte, mais relativement égalitaire; l’économie ne reposait pas sur l’exploitation d’un groupe par un autre, mais sur la coopération entre les familles et les sexes. La division du travail reflétait le clivage dualiste caractéristique de la culture iroquoise, où les dieux jumeaux Hahgwehdiyu, Jeune Arbre (Est) et Hahgwehdaetgah, Silex (Ouest) personnifiaient la séparation fondamentale entre deux moitiés complémentaires. Le dualisme appliqué au travail attribuait à chaque sexe un rôle clairement défini qui complétait celui de l’autre.

Les femmes accomplissaient les tâches liées aux champs et les hommes, celles attachées à la forêt, y compris le défrichement et le travail du bois. Les hommes se chargeaient principalement de la chasse, de la pêche, du commerce et du combat, alors que les femmes s’occupaient de l’agriculture, de la cueillette et des tâches ménagères. Les activités artisanales étaient réparties également entre les sexes. Les hommes réalisaient les constructions et l’essentiel des équipements, y compris les outils utilisés par les femmes pour les travaux des champs, tandis que les femmes assuraient la fabrication du petit matériel de piégeage, des poteries et de la plus grande part des ustensiles ménagers, de l’ameublement, des articles textiles et des vêtements. Cette spécialisation par sexe était la principale façon de diviser le travail dans la société iroquoise. À l’époque de la rencontre avec les Européens, les Iroquoises produisaient environ 65% des biens et les hommes 35%24. En combinant des productions alimentaires différentes et réparties sur presque toute l’année, ce système mixte réduisait les risques de disette et de famine.



« La société iroquoise présente tous les aspects d’une démocratie matrilinéaire, essentiellement orientée vers la culture du maïs (15 qualités), de la courge et du haricot (60 variétés). Tandis que les hommes chassent et pêchent dans les rivières et sur les lacs, les femmes se consacrent aux activités agricoles. De longues « maisons communes » construites en écorce abritent plusieurs familles dont chacune est dotée d’un emblème distinctif (totem)
… »T.C. McLuhan, Pieds nus sur la terre sacrée.

L’EVOLUTION AU FEMININ COMBINEE AU MASCULIN


Il est assez évident qu’un homme et une femme pensent différemment, et de nombreux livres en expliquent les raisons. Tout au long du XXème siècle, nous avons assisté à une véritable guerre des sexes. Cette lutte était inévitable ; depuis très longtemps, le patriarcat régnait en maître et les femmes n’avaient pratiquement aucun droit.

Nous avons donc fait l’expérience d’un côté et de l’autre de l’impact de ces revendications qui, bien qu’elles soient justifiées, ont laissé des traces parfois douloureuses dans un camp comme dans l’autre.



Le féminisme tel qu’on le connaît de nos jours est une expression de l’évolution des femmes qui ont longtemps cheminé sous le couvert du secret, à l’abri des regards des hommes et de l’autorité religieuses qui les maintenaient au stade de ‘l’enfance éternelle. Nous ne ferons pas ici le procès des générations précédentes ni des religions, cela ne servirait strictement à rien, sinon à remuer des événements historiques qui n’apportent qu’un témoignage auquel on ne peut rien changer. On assiste aujourd’hui à l’expression d’un certain désarroi de la part des hommes qui ne comprennent plus vraiment leur place dans l’univers. Les rôles sont donc inversés, et les femmes autant que les hommes ne savent plus très bien comment réagir. Les stéréotypes conventionnels ne s’appliquent plus ou sont carrément refusés. Malheureusement, on éprouve encore de la difficulté à établir de nouveaux modèles.
Nous savons qu’il existe des différences marquées entre les hommes et les femmes, et nous devons en tenir compte afin de comprendre ce qui se passe dans la tête et dans le cœur d’une personne du sexe opposé afin de combler aujourd’hui le fossé qui s’est établi entre les sexes au cours des siècles précédents.

Pourquoi faut-il comprendre le sexe opposé ? C’est pourtant bien simple ; c’est la continuité de soi, c’est l’autre face de la pièce de monnaie. Le meilleur exemple de la dualité et de la continuité des sexes se trouve dans le symbole du yin et du yang dont voici une description.

La théorie du yin et du yang symbolise la mutation perpétuelle de l’énergie. Dans le yin se trouve toujours un peu de yang et dans le yang, toujours une touche yin. Le yin et le yang se définissent par opposition l’un à l’autre. Ainsi, le yang représente la force dynamique, le soleil, l’été, le feu, la lumière, la chaleur, le ciel, le haut, le principe masculin, l’activité, le positif et le dur. Le yin, quant à lui est à l’opposé ;  il représente l’inertie, la lune, l’hiver, l’eau, l’obscurité, le froid, la terre, le bas, le principe féminin, la passivité, le négatif et le mou.

Cette liste n’est pas exhaustive. C’est en quelque sorte un guide qui nous permet de comprendre le principe fondamental de ces deux forces et nous fait prendre conscience de la complémentarité de celles-ci. L’une ne peut exister sans l’autre ; dans l’une apparaît toujours des traces de son opposé ce qui encourage et produit un mouvement perpétuel de transformation autour duquel gravitent notre existence et celle de l’univers.  

On peut définir l’être humain comme étant un point de rencontre entre l’énergie yang du Ciel et l’énergie yin de la Terre. De plus, l’être humain possède un réservoir d’énergie qui lui est propre et qu’on nomme énergie ancestrale. Cette énergie est acquise au moment de la naissance et représente l’essence même de notre individualité ; elle porte en elle toutes nos qualités, tous nos défauts, tout ce qui contribue à faire de nous un être distinct et individuel. Chaque personne reçoit de l’énergie du Ciel (yang) par la voie des poumons, et de l’énergie de la Terre (yin) par la voie de l’estomac. Ces énergies se combinent à notre énergie ancestrale et le tour est joué : nous sommes en état de fonctionner. Par la suite, cette énergie emprunte les méridiens, qui sont des canaux énergétiques dans lesquels circule, se transforme ou est emmagasinée l’énergie nécessaire au bon fonctionnement de nos organes. Selon le principe du yin et du yang, l’énergie à ce stade, se divine en deux catégories : l’énergie nourricière (yin) et l’énergie défensive (yang).

On pourrait continuer longuement sur ce sujet qui illustre la complémentarité et l’opposition des sexes. Mais opposition ne signifie pas systématiquement conflit. L’opposition existe pour faire avancer l’autre, non pour le détruire. La dualité permet la complémentarité, ce qui nous ramène à la compréhension, à l’acceptation et finalement à l’entente.

De façon générale, on peut dire que l’homme et la femme sont différents sur pratiquement tous les plans, y compris le langage. En général, l’homme s’exprime avec autorité, de façon concise, parfois même incisive. La femme elle, tend plutôt à nuancer ses propos, ce qui parfois les rend moins claires mais plus enveloppants, sécurisant même. Ce sont des généralités, bien sûr. Il existe des femmes brusques et des hommes qui parlent doucement, mais on peut comprendre que dans ces circonstances, ces hommes et ces femmes empruntent leur façon de s’exprimer à la partie opposée de leur nature. Tout comme dans le principe du yin et du yang, on trouve un peu de masculin chez la femme et un peu de féminin chez l’homme.
C’est la même chose pour les sujets d’intérêts. Les hommes sont davantage curieux et parlent plus volontiers d e ce qui se passe dans le monde ; ils s’enflamment au sujet de la politique, de l’économie et des conditions de travail.

La femme quant à elle est généralement plus consciente de ce qui se passe autour d’elle. Les sujets qui l’intéressent davantage sont plutôt d’ordre social ; la politique oui, peut-être, à condition qu’on s’intéresse aux réformes qui touchent "la Famille" dans un large sens du terme (humaine). La femme est un être profondément social qui a besoin des autres autour d’elle. Il ne faut pas confondre ici le besoin de nourrir les autres et la dépendance. La socialisation de l’humanité est davantage due aux labeurs des femmes qu’à ceux des hommes. Pendant de longues périodes, l’homme partait en guerre pour des années ; c’est la femme qui restait au village et s’occupait de la maison, des enfants. Pendant de nombreux siècles, l’homme n’était toujours que de passage. Ce n’est pas une critique du rôle de l’homme de cette époque, c’es tune constatation historique.

Je pense qu’il faut cesser de voir les différences comme des défauts et tenir plutôt compte des qualités de chacun des sexes pour en tirer le meilleur parti possible ; Les différences sont là et il est important de le reconnaître de façon implicite, sans se sentir constamment attaqué par le sexe opposé.

Mais comment comprendre ce sexe opposé ? La première étape : comprendre et accepter son propre sexe.

Cela semble peut-être niais, mais c’est essentiel. Avant de pouvoir comprendre et accepter ce qui nous est opposé, nous devons comprendre et accepter ce que nous sommes. Il ne s’agit pas ici de grands principes qui répondent à toutes les questions. Il faut partir de soi, de son expérience personnelle. Il faut arriver à une compréhension totale de soi et par la suite de son sexe, ce qui implique une acceptation global, donc sans jugement défavorable du rôle qui nous a été confié pour cette vie-ci. 

L’acceptation de son propre sexe peut s’avérer difficile. Faites preuve de miséricorde envers vos frères ou vos sœurs, selon le cas. Mettez en pratique les principes des lois universelles et vous verrez la situation sous un jour différent.  Ceci représente d’abord l’acceptation de son rôle au cours de notre incarnation présente ainsi que l’acceptation du rôle du sexe opposé.

Les préjugés, les jugements hâtifs, les sentiments de mépris, parfois même de haine, foisonnent à profusion entre les sexes. C’est aussi la nature de l’opposition, lorsqu’on la voit sous un jour négatif, sous forme de conflits et de mésententes. La force opposée au mouvement est l’inertie ; cela ne donne aucune prépondérance à l’une ou à l’autre, le mouvement fait cesser l’inertie et celle-ci arrête le mouvement. Ce sont deux états qui sont nécessaires, l’un autant que l’autre, et un objet pourra tour à tour être inerte ou en mouvement.

En tant qu’êtres humains, nous avons la chance de posséder une partie de l’autre sexe en nous, ce qui devrait nous permettre d’arriver à une meilleure compréhension de l’autre lors que nous nous en donnons la peine. Les deux sexes sont faits pour se compléter ; il est donc normal qu’ils ne soient pas identiques et que, par conséquent, leurs façons de voir les choses soient aussi différentes.



Il faut s’efforcer de voir les situations ou les événements avec les yeux de l’autre sexe afin de comprendre comment il réagit. Il faut aussi prendre le temps d’écouter, au lieu de présumer ce que l’autre ressent. Cela évite de porter des jugements hâtifs et souvent malencontreux. Cette garantie d’entente et l’harmonie vaut pour les deux sexes. Une fois que nous comprenons la façon dont nous réagissons et apprenons à reconnaître la façon dont le sexe opposé réagit dans la même situation, nous arrivons à mieux prévoir les conclusions de chacun. Faire l’effort de regarder à travers les yeux de l’Autre, en fouillant à l’intérieur de nous-mêmes pour confirmer ce que nous pensons, permet d’atteindre rapidement une connaissance très enrichissante de l’Autre. 

On peut aussi avoir recours à une ou à plusieurs personnes du sexe opposé afin d’échanger et de vérifier nos concepts, nos idées. Prendre le temps d’écouter vraiment, sans faire de commentaire. Ne pas présumer ou interpréter ce que l’Autre dit. Au besoin, demander une explication ou des informations supplémentaires. 
Ne pas décider pour l’autre avant de le ou la consulter.
Ne pas prendre de décision que pour soi.

Une des meilleures preuves d’évolution est la capacité de se servir des qualités inhérentes aux deux sexes, et de les intégrer en soi pour pouvoir les utiliser lorsque le besoin s’en fait sentir.

L’incompréhension complète entre l’homme et la femme et la nature des sexes provoquent la division. Celle-ci entraîne des blessures d’amour-propre qui détruisent la confiance et le respect mutuels. Sans respect de l’Autre sexe et de ses particularités, on ne peut espérer de véritable communication. C’est un dialogue de sourds qui se termine en bataille rangée. Il fut être capable de respecter l’Autre afin de ne pas sentir menacé par son existence. Sans ce respect de base, il ne peut y avoir de cohabitation sans dommage.

Au point de vue du couple, si l’un des conjoints doit calquer ses goûts sur celui de l’autre, il en résulte nécessairement des querelles et des malentendus qui deviendront de plus en plus fréquents. Il est important de prendre conscience que l’Autre est différent et se réjouir de cette différence au lieu de cherche à la faire disparaitre.

Le point de vue de l’homme n’est pas nécessairement celui de la femme et cela n’implique pas qu’un des deux ait tort. Il faut reconnaître que, souvent, les différences d’opinion résultent d’une vision différente ou des détails dont on ne tient pas compte. Lorsqu’on arrive à discuter franchement, sans se sentir attaqué ou ridiculisé, on peut presque toujours arriver à un consensus qui ne laissera personne avec de l’amertume au cœur. Les niveaux de subtilité dans la façon de communiquer de l’homme et de la femme sont différents, il faut s’en rendre compte et cesser de voir de l’hypocrisie lorsqu’il s’agit souvent simplement de ménager les sentiments d’un tiers. Par exemple, la dureté verbale d’un homme est parfois nécessaire afin de sortir quelqu’un d’un état d’inertie qui lui fait du tort. Il faut faire la différence entre l’abus verbal et le désir d’éveiller quelqu’un.

Il est aussi vrai que l’acceptation du sexe opposé au point de vue social est plus facile que l’acceptation de son conjoint lorsqu’il ou elle est du sexe opposé. L’incompréhension complète est ici beaucoup plus dangereuse, car elle finit par détruire les sentiments d’amour qui pouvaient être partagés au point de départ. Il faut mettre de l’au dans son vin… mais attention. Il n’est pas question ici que l’un boive du vin alors que l’autre se contente d’eau….

Le respect des autres implique qu’on doive se respecter en premier lieu. Lorsque l’homme et la femme comprennent et acceptent pleinement les différences qui existent entre leurs natures respectives, sur les plans de l’expression de leurs sentiments, de leur langage, de leur tempérament, de leur psychologie même, ils arrivent à former un couple harmonieux pour qui il est facile d’être fidèle et de progresser ensemble.

Découvrir quelqu’un du sexe opposé avec qui vous pouvez faire un bout de chemin es tune expérience merveilleuse dont les répercussions dans le temps et l’espace sont aussi très bénéfiques.

Merci !


lundi 22 février 2016

Serpents-totems des clans matrilinéaires



Nu Kua ou Nu Kwa ou Nugua est la très puissante déesse créatrice chinoise qui, après le grand déluge, devint « l’épouse » de son frère. Son nom est dérivé du mot qui désigne la courge ou le melon, symboles de fertilité, c’est pourquoi elle est parfois appelée la « fille-courge ». Mi-humaine, mi-serpent, Nuwa avait la capacité de changer de forme à volonté. Elle est représentée tenant deux compas, tandis que Fuxi tient une équerre, symbole du rôle qu’ils jouèrent dans la création. C’est Nuwa qui aurait inventé une sorte de cithare mais surtout c’est elle qui est à l’origine de l’humanité. Nüwa, puissante divinité créatrice et figure tutélaire du matriarcat primitif, parachève l’œuvre du titan Pangu, en peuplant la terre avec les hommes modelés dans l’argile, jaune, êtres dont la vocation première est d’apporter de la vie, la sociabilité, et de peupler la terre. Il est fort probable que le patriarcat confucianiste ait déformé le mythe originel de Nuwa, en lui attribuant l’invention de l’instrument d’asservissement du patriarcat, l’institution du mariage; et en qualifiant son duo utérin avec son frère Fuxi de « mariage ». Dans la famille matriarcale, ce n’est pas parce que l’oncle maternel élève ses neveux qu’il en est le géniteur.



Déesse-créatrice de l’humanité

Nuwa (chinois simplifié : ; chinois traditionnel :  pinyin : nǚwā, aussi transcrit Nügua), est un personnage de la mythologie chinoise dont l’origine remonte à l’antiquité. Déesse créatrice, elle a façonné les premiers hommes avec de la glaise, leur a donné le pouvoir de procréer. Elle est la sœur et « l’épouse » de Fuxi. À partir des Tang, ils sont présentés comme les inventeurs des rites du mariage, dont elle est la patronne. Ils sont les deux des trois Augustes dans la légende. Elle est également donneuse d’enfants. On lui attribue l’invention du se , sorte de cithare. C’est aussi elle qui a réparé le ciel déchiré à cause de la guerre déclenchée par les dieux de l’eau et du feu.

Reléguée au rang de divinité mineure, sauf chez les sauvages

Comme tous les personnages de la mythologie antique, elle est connue par des textes assez tardifs (dynastie Han et peut-être fin des Royaumes combattants), sa nature exacte et son origine sont donc difficiles à déterminer. S. Papillon lui reconnait une forte ressemblance avec des divinités indo-européennes, évoquant la possibilité d’une origine tokharienne. Elle n’est restée dans la religion chinoise que comme divinité mineure. Les Miao du Sud-Ouest de la Chine lui rendent aussi un culte et ont conservé le mythe du Ciel brisé, mais considèrent qu’elle l’a réparé en colmatant la brèche avec son corps.

Son frère « époux » civilisateur

Fuxi ou Fu Hsi est un personnage de la mythologie chinoise, héros civilisateur et le premier des trois Augustes. Il apparait aussi sous les noms de Paoxi, Mixi, ou Taihao (suprême éclat). Les textes les plus anciens le décrivant datent des Royaumes combattants et des Han occidentaux. Les Chants de Chu mentionnent une fresque le représentant avec Nuwa, son « épouse » (et aussi, selon certaines sources, sa sœur). Comme à elle, on lui prête le corps d’un serpent et l’invention du mariage. Parmi ses contributions supposées à la civilisation chinoise, la plus remarquable est l’invention des huit trigrammes du Yì Jīng ( bāguà), à l’origine de la calligraphie.

Des dieux-serpents maçonniques ?

Les représentations graphiques de Nuwa la dépeignent en général moitié-femme, moitié-serpent. Elle est souvent accompagnée de Fuxi, tenant en main un compas alors qu’il tient une équerre. Il apparaît le plus souvent en couple avec Nuwa, les queues de serpent formant la partie inférieure de leur corps s’enroulant l’une autour de l’autre. Ils se font face ou se tournent le dos, tenant en main l’équerre (Fuxi) et le compas (Nuwa) qui pourraient symboliser la terre et le ciel. Les instruments peuvent être remplacés par la lune et le soleil, symboles du Yin et du Yang. Les plus anciennes représentations connues sont des gravures sur pierre de la dynastie Han. Sur quelques-unes, un troisième personnage non-identifié apparaît entre eux.

L’invention du mariage à la création du monde

C’est le chroniqueur Li Rong des Tang qui prète au couple l’invention du mariage dans le Duyizhi : Seuls sur le mont Kunlun à l’époque où il n’y avait pas encore d’humains, ils songèrent à se marier. Les deux jeunes gens voulaient se marier et avoir des enfants, mais ils savaient qu’ils devaient obtenir la permission des dieux. Ils escaladèrent alors une montagne sacrée, et chacun édifia un feu de joie au sommet. Ils eurent recours à une divination par l’observation de la direction de la fumée. Les fumées des deux feux se mêlèrent, signe que Nuwa et Fuxi interprétèrent comme la permission de se marier. La réponse étant favorable, ils procédèrent à la cérémonie, mais comme Nuwa était embarrassée, elle se cacha derrière un éventail ; ce fut là le premier rituel de la cérémonie nuptiale. Au bout d’un certain temps, Nuwa mit au monde une boule de chair. Fuxi découpa la boule en de nombreux morceaux avec une hache, et transporta les fragments jusqu’au ciel en grimpant sur une échelle. Une bourrasque éparpilla les morceaux de chair à travers le monde. Lorsqu’ils touchèrent le sol, ils devinrent des êtres humains. C’est ainsi que la terre fut repeuplée après le Déluge.

Le dragon totémique, conquérant des sauvages sans père

Selon le Baihu tongyi de Ban Gu, à l’origine, les êtres humains vivaient sans règles morales et ignoraient qui était leur père. Vêtus de peaux de bêtes, ils se nourrissaient à la façon des animaux, se mettant en chasse lorsqu’ils avaient faim, consommant la peau, la fourrure et le sang de leurs proies, ou en abandonnant les restes, incapables de les conserver. Après avoir scruté le ciel et la terre, Fuxi instaura le mariage, détermina les mutations des cinq éléments, créa les lois et les huit trigrammes. Il enseigna aux hommes les méthodes de cuisson, la chasse, la pêche, les armes de métal, le premier sacrifice au ciel. Il dispute à Huangdi deux inventions : la cithare guqin et le symbole du dragon composé des parties des animaux totems des tribus vaincues, car selon certains textes, il fut aussi un empereur.

Comme le relate Tchouang-tseu :

« J’ai entendu dire que dans la haute Antiquité, il y avait beaucoup d’animaux et peu d’hommes. Pour éviter les bêtes sauvages, les hommes habitaient dans des nids. Durant le jour ils ramassaient des glands et des châtaignes; le soir venu ils perchaient sur les arbres. C’était là ce qu’on appelle l’Âge des Nicheurs.

« Les hommes de l’Antiquité ne connaissaient pas les vêtements; ils entassaient du bois en été pour se chauffer en hiver. C’était là ce qu’on appelle l’Âge où l’on sut vivre. Du temps de Chen-nong, le Divin Cultivateur, on dormait tranquillement, on se levait joyeusement. On connaissait sa mère, mais non son père; on vivait avec les élans et les cerfs; on labourait pour se nourrir et l’on filait pour se vêtir. Personne n’avait l’intention de nuire à son voisin. C’était là l’âge où la vertu parfaite prospérait.
« Mais le Souverain Jaune n’était plus capable de vertu parfaite. Il livra bataille à Tch’e-yeou dans la plaine de Tchouo-lou; le sang coula sur une étendue de cent stades. Puis Yao et Chouen entrèrent en action. Ils instituèrent la hiérarchie officielle. T’ang exila son souverain Kie. Wou tua son souverain Tcheou. Depuis lors, les forts ont opprimé les faibles; la majorité a tyrannisé la minorité. Depuis l’époque de T’ang et celle de Wou, il n’y a plus eu que fauteurs de désordres. » – (Tchouang-tseu, L’oeuvre complète, Pléiade, p.321)

 » Quand règne la vertu parfaite, on n’honore pas les sages, on n’emploie pas les hommes compétents. Le dirigeant domine comme les branches supérieures de l’arbre; le peuple est libre comme le cerf dans la campagne. Chacun va son droit chemin sans connaître le sens du devoir; les hommes s’aiment les uns les autres sans connaître l’idéal de l’amour humanitaire. Ils sont véridiques sans savoir ce qu’est la loyauté; ils tiennent parole sans connaître la valeur de l’engagement. Ils s’entraident sans considérer qu’ils font des libéralités. C’est pourquoi leurs actes ne laissent pas de traces et pourquoi leur histoire n’est pas transmise à la postérité. «  – (Tchouang-tseu, L’oeuvre complète, Pléiade, p.173)

Il se peut que cette civilisation globale préhistorique s’est donc éteinte sans laisser de traces, comme l’a expliqué Tchouang-tseu. Le symbole de la femme, du sacré féminin, « qui donne », s’est vu peu à peu remplacé par le symbole de l’homme conquérant, « qui prend », et pour qui il est important de laisser des traces.

Sans père, né d’une vierge

Huang Fumi ( (215-282) des Jin prétend dans son Histoire des empereurs et des rois, dìwángshìjì) que sa mère était une jeune fille du clan Huaxu pendant le règne de Suiren. Un jour, dans la Tourbière du tonnerre, elle vit une empreinte de géant et décida de la mesurer avec son pied. C’est ainsi qu’elle conçut Fuxi qui prendra la succession de Suiren.

Le père fondateur de la civilisation chinoise

On dit qu’il établit sa capitale à Wanqiu au Henan, comté de Huaiyang, où l’on situe l’emplacement de son tumulus funéraire. Il existe de nos jours encore un temple où des cérémonies lui sont offertes du 2 du deuxième mois au 3 du troisième mois. Selon la généalogie chinoise traditionnelle, il est l’ancêtre des clans Feng (), Ren, Su, Xuju, Zhuanyu. Taihao, son surnom, est selon certaines sources le nom d’un chef des Dongyi (littéralement : barbares de l’Est).


Le nom de famille chinois garde les traces du matriarcat

L’idéogramme chinois xing qui signifie le nom ou le nom de famille, est composé du pictogramme , femme, à gauche du complexe phonique sheng, croître, naître, vie. Contrairement au Nom du père en occident, le nom chinois est le nom de la femme-mère, littéralement : né de la femme… Le nom de famille chinois était donc à l’origine le nom du clan à l’époque matriarcale, un nom féminin. Ainsi, les huit grands noms de la haute antiquité chinoise étaient tous composés avec le pictogramme , femme. Le mot est composé de femme et enfant. Et il veut dire tout simplement bien.

Chez les Moso, et encore davantage chez les Naxi, le culte des serpents-totems, appelés Ssù, est resté vivace. Bien que très proche du culte des Naga, par l’influence de l’hindouisme qui a transité par le bouddhisme tibétain, il garde de nombreuses caractéristiques archaïques, comme chez les Nairs matriarcaux du Kérala, dans le sud de l’Inde. Le culte des serpents n’y est jamais mélangé avec le bouddhisme, il est préservé à l’écart des autres cultes locaux (Dongba, Bön…), comme une relique d’une période antérieure. Chaque clan matrilinéaire est protégé par un animal totem, dont le bas du corps est un serpent.


La magie Sexuelle – Historique


L’apanage de la magie n’est pas réservé à un individu qui se démarquerait de la communauté. Nombre de pratiques sont connues par beaucoup de femmes (et d’hommes aussi), mais des personnes sont plus « spécialisées » que d’autres dans certains domaines. L’apprentissage magique se fait de personne à personne sans qu’il y ait d’initiation ou de préparation spéciale. On acquiert souvent une forme de savoir parce qu’on a été soi-même confronté à une situation difficile qui a demandé le recours à une pratique magique pour être résolue. Et de pratique en pratique le savoir se constitue… écrit Ioana Andreesco



Une amie médecin m’a fait connaître deux praticiennes dont la réputation d’efficacité était bien établie. Mais c’est un professeur du gymnase de la commune qui m’a introduite auprès de la « sorcière locale » la plus renommée des années quatre-vingt. Elle avait alors soixante-cinq ans. Elle était considérée comme spécialiste de la magie maléfique et l’une des meilleures pour la magie amoureuse, que l’on nommait « magie de la souillure ». Grâce à leur relation privilégiée et complice, j’ai pu aborder ces sujets qu’elle jugeait scabreux et qu’elle pensait que je pouvais juger honteux. Cela se sentait à sa voix que la gêne rendait parfois presque inaudible. Mais disait-elle « sans ces choses-là on ne peut pas jouir de la vie ». Et « ces choses-là », elle me les donnait au cas où j’en aurais besoin « dans la détresse ». Car cette forme de magie (amoureuse) est tenue comme la solution extrême, celle du dernier recours, une fois que la relation conjugale est détériorée. La femme, par l’enfantement et les règles, est considérée comme étant plus proche de la souillure et de la séparation des espaces qui sont vus comme purs et impurs.

La magie de la souillure (de spurcăciune) se servira de toutes les « sécrétions de la vie intime » (urine, sperme, sang menstruel, et mêmes matières fécales, ainsi que la sueur) dans le but de salir une relation déjà ressentie comme impure, car illégale, afin de ramener les événements à un stade antérieur. L’urine et les excréments sont nommés « les substances les plus mauvaises du corps » qui, lorsqu’elles sont jetées chez les ennemis, sont censées semer la zizanie, provoquer la haine et la rupture. Ces « substances mauvaises » ainsi que le sang des menstrues sont considérés comme des déchets de l’organisme, « des misères dégoûtantes », des choses impures qui deviendraient nocives si elles restaient dans le corps. 

L’organisme se purifie en les expulsant et on utilise leurs côtés nocifs dans cette magie. Les incantations qui soutiendront ces actions scabreuses utiliseront aussi des paroles ordurières dans le même but : souiller ceux envers lesquels elles sont proférées. Ce type de magie va être pratiqué dans le cas d’un couple constitué, composé de l’époux et de l’épouse, pour éloigner la rivale. Par analogie avec le dégoût éprouvé pour les excréments, il s’agit de parvenir au même dégoût pour l’intruse et d’amener à ressouder le couple désuni par elle. Que les amants fautifs se sentent souillés et en viennent à être dégoûtés l’un de l’autre jusqu’à la nausée et guérissent de leur attirance coupable. Salir la rivale et sublimer l’épouse. La vie et les relations intimes qui ont précédemment lié le couple légitime les mettent tous les deux dans un espace où les éléments uro-génitaux-anaux représentent aussi une sorte de communication possible, mais alors valorisée ; ne serait-ce que par le sperme de l’homme et les sécrétions de la femme au moment de l’acte sexuel.


Je vous propose de lire le texte en son INTEGRALITE ICI :  https://clo.revues.org/1518

dimanche 21 février 2016

Une grande ethnologue spécialiste des mythes de la Déesse : Françoise Gange




Pour cet article-invité que Francesca m'a gentiment autorisé à faire, j'ai beaucoup hésité entre présenter un article entièrement de mon crû, ou l'axer davantage vers une présentation de l'œuvre de celle que je considère comme mon mentor spirituel dans tout ce qui concerne les mythes de la Déesse.

J'ai finalement opté pour une présentation de celle qui, à mes yeux, reste la plus grande spécialiste du sujet.

Françoise Gange était une personnalité hors norme. Née en 1944, philosophe, sociologue et ethnologue de renommé, mais également écrivain, elle a étudié pendant des décennies les mythes du monde entier et leurs origines les plus lointaines. Elle s'intéressait également aux énergies et était énergéticienne et lithothérapeute.

Elle a publié, entre autres, trois œuvres majeures qui s'organisent comme une trilogie autour de l'histoire de la religion de la grande Déesse. Je n'ai jamais rien lu de plus documenté sur le sujet, Françoise Gange retournant à l'origine première des mythes ayant structuré les religions patriarcales, telles qu'elles nous sont parvenues. Grâce à sa grande connaissance des symboles qu'elle maîtrisait à la perfection, elle est parvenue à mettre au jour l'origine matriarcale des mythologies et à expliquer comment elles ont été recouvertes, petit à petit, par un tissu de plus en plus patriarcal, et ce jusqu'à ce que l'origine première des mythes de la Déesse ait été perdue.



J'ai découvert sa trilogie lors de sa réédition aux Editions Alphée en 2008, mais malheureusement pour moi, j'ai attendu le mois de mai 2011 pour essayer d'entrer en contact avec elle, par le biais de son éditeur. Mal m'en a pris d'avoir d'attendu si longtemps, je n'ai jamais pu obtenir le moindre contact de Françoise Gange puisque c'était le moment précis où son âme avait décidé de quitter son corps…


Quoi qu'il en soit, ses œuvres sont à lire à tout prix si vous vous intéressez aux religions de la Déesse. Dans cet article, je vais donc présenter un extrait de chacun des livres qui constituent sa trilogie sur l'ancienne religion de la Grande Déesse, et qui s'organisent comme suit :

  Avant les Dieux, la Mère universelle : traite du temps où l'humanité était placée sous la protection de la Grande Mère universelle, et comment, à partir de la fin de l'âge du Bronze, cette culture a commencé à être renversé par le nouvel ordre du Dieu Père dominant qui l'a non seulement  démonisée, mais a été jusqu'à en effacer sa trace dans la mémoire collective, se faisant passer pour le Commencement.

  Jésus et les femmes : est davantage axé sur le Jésus de la Gnose, d'après les Evangiles de Nag Hammadi, retrouvés en 1945 dans le désert d'Egypte. Ces Evangiles interdits nous révèlent l'enseignement gnostique de Jésus, qui était un maître spirituel ami des femmes et de la sphère féminine de l'humain, et constamment entouré de disciples à la fois masculins et féminins. Son message mal transmis prônait la compassion, l'ouverture à l'autre et au monde, et l'amour à la fois spirituel et charnel qui unit l'homme et la femme.

     Le viol d'Europe ou le féminin bafoué : nous présente en détail l'idéologie qui se cache derrière le mythe grec d'Europe, enlevée et violée par Zeus, le Dieu Père déguisé en Taureau. Ce livre analyse plus spécifiquement les causes de la violence envers le féminin qui caractérise les sociétés patriarcales, et comment ce mythe est porteur des fondements de la culture européenne, caractérisée par l'hypertrophie des qualités viriles conquérantes et un déficit du féminin.



Extrait de Avant les Dieux, la Mère universelle, Editions Alphée, 2008, p.71-72


Les sources de la monarchie de droit divin

La monarchie de droit divin n'est pas étrangères aux coutumes sexuelles sacrées (hiérogamies) qui, bien au contraire, la fondent.

Pour le comprendre, il faut se replacer à l'époque de la Déesse. La royauté de droit divin est alors dispensée par la Déesse à la Grande Prêtresse (la Nin) qui l'incarne sur terre, cumulant, dans une société où la vie de la communauté gravite autour du temple, deux fonctions qui n'étaient pas séparées : celle de Grande Prêtresse et celle de reine.

Frazer a montré ainsi qu' « à Khyrim, la Grande Prêtresse était automatiquement le chef de l'Etat. Plus généralement, on voit, à travers les mythes de Sumer et dans divers recueils de textes rédigés à l'époque des rois, qu'originellement la Nin, Grande Prêtresse-Reine ou Déesse vivante, régnait entourée de conseils d'anciens. »

C'est ainsi que certains textes datés de l'époque historique, sous le règne des rois mâles, regrettent explicitement cette réalité ancienne qui gravitait autour du divin féminin, parce que la vie y était meilleure et moins injuste. Ces textes précisent que désormais les puissants s'attribuent la majorité des richesses ; tandis que jadis, récoltes et répartitions des biens régis par le temple étaient communautaires. Les textes des réformes entreprises par le roi Urukagina (vers -2355 av. J.-C.) notent par exemple que le souverain, voulant revenir à une société plus juste, s'inspire d'attitudes communautaires qui prévalaient aux temps antérieurs.

Il est intéressant de remarquer comme le fait M. Stone dans son livre Quand Dieu était femme, que le terme utilisé pour caractériser ces réformes, amargi, a reçu une double traduction : « liberté » et « retour à la mère ». De même, la notion de Justice est incarnée en Egypte par Maât, la Grande Déesse. Elle est symbolisée par la plume d'Oiseau, légère, qui sert à évaluer le poids du cœur des morts se présentant pour le Jugement : « Sur les plateaux, le cœur est mis en balance avec la plume légère de la Déesse […]. Ne pas mentir, c'est parler selon Maât." L'égoïsme, la violence comme le mensonge, en Egypte, s'opposent à Maât, la Grande Mère »,

Conditionnés par la vision patriarcale de leur culture, la majorité des auteurs a interprété à l'envers le processus qui conduit à la royauté. Ils disent que lorsqu'une femme accédait par le mariage à la royauté, elle devenait alors Grande Prêtresse-reine. A l'origine, c'est l'inverse qui est vrai : sous le règne du divin féminin, c'est par son union avec la Nin, qui incarne la Déesse sur terre, que le mâle devient roi.




Extrait de Jésus et les femmes, Editions Alphée, 2008, p.53

L'enseignement de Jésus invite donc à passer outre les déterminations particulières de sexe, pour s'élever vers l'être authentique et atteindre à l'universalité de l'essence. Pour lui, l'être est un, à la fois mâle et femelle. Idée qui est aussi au centre du Tao. Faire de deux un seul, c'est atteindre la plénitude, c'est-à-dire le Royaume, en revenant à l'unité primordiale. On voit en quoi cet enseignement est révolutionnaire : il est à l'opposé de ce que postule la religion judaïque étayée sur l'idée de hiérarchie et sur la disparité des rôles échus au masculin et au féminin ; l'un étant invité à dominer, tandis que l'autre est appelé à se soumettre. On peut ainsi aisément comprendre les heurts de Jésus avec les autorités du Temple, gardiennes des traditions.

La question de la séparation rigoureuse, ou au contraire de la réunion entre féminin et masculin, apparaît ainsi comme un point central des divergences entre Yahvisme et enseignement de Jésus.

Cette idée de la réunion et de la fusion nécessaire des contraires en soi-même est encore exprimée un peu plus loin dans ce même Evangiles selon Thomas :

Si deux sont l'un avec l'autre en paix dans la même maison, ils
diront à la Montagne :"Déplace-toi!", et elle se déplacera.

Parvenir à la paix qui repose sur la réconciliation des antagonismes, c'est entrer en possession de son être véritable et trouver la racine de la Puissance ; non pas au sens d'une domination s'exerçant sur l'extérieur, mais au sens de la force intérieure maîtrisée. Celui qui a opéré en lui-même la réconciliation des contraires (ce qui jadis était en guerre) est devenu tout-puissant, plus rien ne peut l'ébranler. Cette "maison" en paix, c'est l'âme enfin retrouvée. Qui suit cette voie deviendra comme Jésus, deviendra Jésus.



Extrait de Le viol d'Europe ou le féminin bafouée, Editions Alphée, 2007, p.31

Ce rapide tour d'horizon montre que la jeune femme chevauchant un animal sauvage (ou se tenant assise près de lui), est une grande représentation religieuse qui met en scène la Déesse et son consort, l'animal puissant et fécondant dont elle maîtrise sexuellement et on pourrait dire amoureusement, la force - Taureau, Cheval ou Lion - dans le contexte de la « première culture » de l'humanité, structurée autour du divin féminin.

Culture qui nous renvoie aux premières époques néolithiques et sans doute même bien avant, et dont les vestiges se sont conservés jusque très tard après l'implantation de l'ordre patriarcal, puisqu'à l'époque où saint Paul a voulu évangéliser Ephèse, il s'est heurté à l'hostilité des fidèles de la grande Artémis, la Déesse/Mère aux multiples mamelles, dont le culte était encore si vivace dans la ville, qu'il dût renoncer à son prêche dans le stade. Aujourd'hui encore, en certains points du globe, la notion de divin féminin n'a pas disparu - dans l'Inde du Sud par exemple - et le culte de la Déesse est toujours bien vivant, dans plus d'une culture située en marge du grand courant patriarcal qui a fini par l'ensevelir partout ailleurs.

C'est ainsi que l'image d'Europe chevauchant le Taureau et jouant avec lui, s'avère correspondre à la première strate du mythe, strate originelle qui exprime la réalité historique la plus ancienne.
Le Taureau est l'un des symboles majeurs de la culture de la Déesse, culture qui a fleuri bien avant l'émergence de l'ordre patriarcal étayé sur les Dieux et les rois.

Il est important de remarquer que la notion de féminin divin est très ancienne, comme le montre la continuité des figures féminines sculptées ou incisées sur roches : "Dame à la Corne" à Laussel, en Dordogne, datée du Périgordien ; "Femme à la tête quadrillée" sculptée en relief sur une dalle calcaire au même endroit ; 'Dame de Brassempouy" sculptée dans de l'ivoire, dans les Pyrénées. Ou symboles féminins plus anciens : vulves gravées de l'Aurignacien en Dordogne ; à Angles-sur-l'Anglin par exemple, dans la Vienne ; à Tito Bustillo en Espagne etc. ; triangles fendus figurant le même motif de façon plus abstraite… jusqu'au innombrables statues féminines qui peuplent l'art du néolithique.

 L'œuvre de Françoise Gange offre un bon panorama de la religion de la Déesse Mère à travers le monde, et à travers le temps, et nous offre quantité de détails quant à ses symboles et à la manière dont ils furent inversés sous le règne de l'ordre patriarcal du Dieu Père.

Elle propose en dernier lieu un regard sur nous-mêmes et sur cette nécessité qui est la nôtre de rééquilibrer nos deux polarités féminines et masculines. Son message est aussi que l'avenir du monde dépendra de sa capacité à réintégrer son féminin perdu, afin d'être davantage dans "l'être" et un peu moins dans "l'avoir".

jeudi 18 février 2016

Tabou de l’inceste utérin : Le mythe du viol du Soleil


Malina est la déesse du soleil des Inuits qui habitent au Groenland. Le mot « Inuit » signifie  « personnes. » Malina et son frère, le dieu Anningan  vécurent  ensemble. Puis ils se sont  battus en un combat terrible et Malina a écarté son frère dont le visage était sale et noir de graisse. Par crainte, elle a couru dans la mesure où elle a pu dans le ciel et est devenue le soleil Anningan chassé  est devenue la lune.  Anningan oublie souvent de manger. Chaque mois, la lune disparaît pendant trois jours tandis qu’Anningan mange. Il repart alors  chasser sa soeur de nouveau.



Anningan chasse continuellement sa soeur, Malina, la déesse du soleil, à travers le ciel. Pendant cette chasse, il oublie de manger, et il devient beaucoup plus mince. Il est le  symbole des phases de la lune, en particulier  celui du  croissant. Pour satisfaire sa faim, il disparaît pendant trois jours chaque mois (nouvelle lune) et puis repart chasser sa soeur encore une fois. Malina veut rester loin de son mauvais frère. C’est pourquoi ils se lèvent et à différentes heures.

Les Inuits, ont une légende qui met en scène un dieu lunaire et une déesse solaire. Ils sont frère et sœur, et vivent ensemble depuis l’origine du monde, dans une entente qui à défaut d’être parfaite, est bonne. Ils se partagent le ciel, et il fut un temps où les heures des nuits et des jours, étaient à nombre égal. C’était avant le vent de folie qui souffla sur Anningan, qui perdit la raison et s’éprit violemment de sa sœur. Un jour, alors que la déesse solaire Malina s’y attend le moins, son frère, le dieu lunaire Anningan la viole. Alors, la déesse Malina s’enfuit, et commence une chasse et une course, qui n’en finissent plus, depuis. Elle n’a de cesse de fuit son horrible frère, qui la poursuite de ses incestueuses assiduités.

La nuit de l’attaque d’Anningan contre sa sœur Malina, à eu des répercussions importantes. Ils ne vécurent plus jamais en harmonie, et les jours et les nuits ensuite, n’eurent plus le même nombre d’heures en tout temps, toute saison. Anningan avait brisé le cœur de sa sœur, rompu leur lien de confiance et rompu l’harmonie des jours et des nuits. Malina cette nuit-là, n’avait pas subi les outrages de son frère sans se débattre farouchement, et d’ailleurs on raconte que durant le combat qu’elle mena pour sauvegarder sa vertu, une lampe pleine à ras bord d’huile de phoque, s’est renversée et à couvert les mains de Malina, de noir. De ses mains noircies, alors qu’il commettait son crime, la déesse du soleil parvint à repousser son frère échoué sur son corps et repu. Ce faisant, de ses mains sales, elle laissa sur son visage blanc, des taches noires. Ensuite, elle prit la fuite et courut le plus loin possible, pour ne plus jamais être rejointe et prise de force à nouveau, par son odieux frère. Les Inuits racontent que les taches sur la Lune, sont les traces noires laissées sur le visage d’Anningan, pas sa sœur Malina.

Anningan s’est lancé à la poursuite de Malina, et n’a de cesse depuis, de la poursuivre éternellement. Forcené, son éternelle poursuite fait de lui un être de plus en plus maigre et décharné, à chaque nuit qui passe. C’est ainsi que les Inuits explique que la Lune s’amincit de soir en soir chaque mois à partir de sa phase décroissante. À la fin du mois, quand Anningan disparaît soudain, réduit à une taille famélique indicible, les Inuits racontent qu’il quitte trois jours, chaque fois (chaque mois) pour aller se sustenter, manger et refaire ses forces, pour mieux revenir pourchasser sa sœur. Chaque nuit sans lune, il refait ses forces pour mieux reprendre sa terrible course.

Depuis le viol du soleil, la déesse solaire Malina se tient le plus loin possible de son frère, et c’est ce qui explique qu’ils se lèvent à des moments différents, marquants les jours et les nuits. C’est depuis ce temps aussi, que les saisons sont si marquées par une grande noirceur qui perdure des mois, et un soleil haut qui perdure des mois, à son tour, l’autre portion de l’année.


Source :
Inuit Mythology par Evelyn Wolfson (auteure) et William Sauts Bock (illustrateur)
Éditions Barnes and Noble