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mercredi 21 juin 2017

Ne vaut-il pas mieux être un homme?


Le bouddhisme n'en reconnaîtra pas moins, assez vite, qu'une naissance masculine présente plus d'avantages qu'une naissance féminine. Certains iront jusqu'à penser que le fait d'être née femme est le résultat de mauvaises actions antérieures… Mais une telle prise de position, quoique avérée, ne peut équitablement se fonder sur l'enseignement du Bouddha. Celui-ci affirme, à maintes reprises, que nul ne peut savoir (sauf un Bouddha omniscient) pour quelle raison tel être renaît sous une forme plutôt qu'une autre! Les résultats effectifs des actes (karma) sont l'un des quatre sujets "inconnaissables", au même titre que l'origine du samsâra…
Reste que la littérature bouddhique n'échappera pas aux "conventions". On peut ainsi distinguer nettement la littérature "officielle" des enseignements (sûtra), qui prône et affirme l'égalité des sexes, et la littérature "populaire" qui se montrera plus encline à privilégier le statut masculin. Les "Vies antérieures du Bouddha" (Jâtaka) en sont un bon exemple. Dans aucun des 547 textes que recense ce recueil, le futur Bouddha (bodhisattva) n'apparaît jamais sous forme féminine, qu'il soit humain, animal ou dieu…

Aux alentours de l'ère chrétienne - cinq siècles après l'apparition du bouddhisme, au moment où se développe le nouveau courant du Grand Véhicule (Mahâyâna) - la question sera clairement posée: une femme peut-elle devenir un "Bouddha parfaitement et complètement accompli" (samyaksam-buddha), comme l'était Siddhârta Gautama? Le sentiment majoritaire aura tendance à répondre non! C'est d'ailleurs à peu près à la même époque que la littérature des Jâtaka connaît son plus fort développement…
Sous l'influence du Mahâyâna, en effet, se développe l'idée d'une hiérarchie entre plusieurs types d'Eveil et de Bouddha, liée au temps passé par les êtres à développer différentes capacités spirituelles. Un Eveil comme celui des arhat, alors jugé "inférieur", peut être obtenu aussi bien par les hommes que par les femmes; en revanche, l'Eveil "suprême" (dont la caractéristique principale est qu'il permet d'enseigner la Voie de la Libération à partir de son expérience personnelle) n'est plus accessible qu'aux seuls hommes, quitte à provoquer parfois quelques tours de passe-passe inattendus: une femme se transformant subitement en homme, juste avant d'atteindre l'Eveil! Sans doute faut-il sauver les apparences, les conventions…

Mâle ou femelle: deux "potentialités", de sagesse et de compassion

Mais le Mahâyâna développe aussi l'idée d'une indifférenciation sexuelle fondamentale du Bouddha lui-même. Les textes anciens avaient unanimement présenté le Bouddha comme un "Grand Homme" (mahâpurusa), sexuellement très nettement déterminé. Parmi les trente-deux marques distinctives de ce Grand Homme - signes physiques que déchiffra un devin à la naissance du prince Siddhârta - figurait notamment la mention d'un "sexe caché dans un fourreau comme celui d'un étalon", marque d'une évidente virilité!
Le Mahâyâna, lui, le présentera davantage comme une sorte d'être androgyne ou, plutôt, potentiellement masculin et féminin à la fois. Les premières représentations anthropomorphiques du Bouddha (qui datent, elles aussi, des environs de l'ère chrétienne) montreront d'ailleurs des Bouddhas le plus souvent vêtus d'une fine étoffe appliquée au corps, démontrant manifestement, "en creux", l'absence de tout attribut sexuel masculin. Parvenu à l'Eveil, le Bouddha se situe en effet au-delà de toute convention dualiste, en corps autant qu'en esprit. Ni masculin ni féminin, il peut se manifester sous l'une ou l'autre forme, de la même manière que sont présentes en lui, à la fois, les deux plus hautes vertus bouddhiques: la sagesse transcendante (prajnâ), qui permet d'accéder à la Libération, et la compassion suprême qui se manifeste dans les"moyens habiles" qu'ils utilisent, en tant que Bouddha "suprême", pour enseigner.
L'activité, vertu masculine, est désormais indissociable de la vertu de sagesse (prajnâ-parâmitâ) que le Mahâyâna, dans son iconographie, présentera sous des traits féminins et appellera la "mère de tous les Bouddhas". La distinction sexuelle se transmue ainsi en distinction virtuelle! Tout être – dès lors qu'il est un Eveillé – peut manifester aussi bien la féminine sagesse dont il jouit, que la masculine activité qu'il entreprend au profit des êtres encore englués dans les conventions nées du désir.
Les évolutions plus tardives du Mahâyâna, dans ses développements tantriques (à partir du VIe siècle), infléchiront encore davantage ce phénomène. Ce que le Mahâyâna présentait en théorie, le tantrisme le traduira matériellement et en pratique: les Bouddhas, hommes, seront désormais "unis" à une parèdre féminine, dans une relation sexuelle que la sculpture et la peinture reproduiront maintes fois. L'indifférenciation originelle, potentiellement sexuée, se manifeste alors sous la forme d'une union du masculin et du féminin, qui se traduira aussi dans la pratique (dans un contexte ésotérique et réservé à une élite restreinte) par des techniques de yoga sexuel, d'où toute idée de jouissance physiques est exclue!
Au sein même du corps de chaque être vivant, masculin et féminin sont dits présents; non pas dans le corps grossier issu de la procréation de ses géniteurs, mais dans le "corps subtil" qui irradie d'énergies pures le corps "conventionnel". Ce corps "subtil" n'est autre que l'expression de la "nature de Bouddha" présente en tout être, que le pratiquant doit manifester. L'indifférenciation n'est donc plus réservée aux seuls Bouddhas accomplis, elle est une caractéristique fondamentale de tout être, que le yoga tantrique permettra à chacun d'expérimenter.
Le tantrisme sera le seul courant du bouddhisme à considérer que la potentialité féminine des êtres pourra "prendre corps" de façon individuée, y compris jusque dans un corps de Bouddha parfaitement accompli". Le meilleur exemple en est celui de Târâ.
D'abord comprise comme une manifestation féminine d'un "futur Bouddha" - le bodhisattva Avalokitesvara, parangon de la compassion de tous les Bouddhas - elle sera finalement présentée elle-même comme un très réel Bouddha-femme!
La légende veut que, alors qu'elle n'était encore qu'une princesse "ordinaire", des bhikkhu lui aient conseillé de souhaiter une renaissance sous forme masculine pour pouvoir parfaire ses qualités et parvenir ainsi à l'Eveil suprême.
Mais la princesse répond: "Ici, il n'est point d'homme ni de femme, pas de soi, pas de personne, pas de conscience. L'étiquetage" masculin" et "féminin" n'a pas d'essence, mais trompe le monde à l'esprit gauchi". Puis elle formule ce vœu: "Nombreux sont ceux qui aspirent à l'Eveil dans un corps d'homme, mais aucun n'œuvre au bien des êtres animés dans un corps féminin. Aussi, jusqu'à ce que le samsâra soit vide, j'accomplirai le bien des êtres dans un corps de femme". [Les Cent-huit noms]


Extrait de l’article à lire en entier ICI : http://www.buddhistwomen.eu/FR/index.php/Textes/Feminin

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