La sagesse n'est pas la
seule vertu bouddhique à avoir été associée à la féminité. L'amour empathique
(maîtri), lui aussi, sera très tôt paré des vertus maternelles, comme le
démontre un texte célèbre du canon ancien:
"Ainsi qu'une mère, au péril de sa vie,
surveille et protège son unique enfant, ainsi avec un esprit sans limites
doit-on chérir toute chose vivante, aimer le monde en son entier, au-dessus,
au-dessous et tout autour, sans limitation, avec une bonté bienveillante et
infinie". [Metta-sutta]
De fait, la maternité sera toujours valorisée
dans le bouddhisme, quand bien même bhikkhu et bhikkhuni font vœu de chasteté
et de célibat! Au roi Pasedani, qui se plaignait que sa femme ait donné
naissance à une fille, le Bouddha réplique:
"Une fille, ô Seigneur des hommes, peut se
révéler une meilleure progéniture qu'un enfant mâle! Car elle peut atteindre
aux plus hauts degrés de sagesse et de vertu. Bonne épouse, elle révèrera la
mère de son époux et elle-même pourra porter un enfant mâle, promis à de
grandes actions et apte à régner sur de grands royaumes. Oui, le fils d'une
aussi noble femme peut devenir un guide pour son pays".
L'amour inconditionnel pour les êtres se double
ici de la capacité insigne de mettre au monde un être humain, seul état
d'existence qui permet de parvenir à l'Eveil. La femme-mère devient ainsi le
réceptacle d'un Bouddha en puissance, le média indispensable pour parvenir à la
Délivrance, offrant à un être errant dans le samsâra le corps physique de
l'humanité, à l'instar de la première d'entre elles, la reine Mâyâ, mère de
Siddhârta… Les mères, notamment à Ceylan, auront d'ailleurs droit au titre
honorifique de "Bouddha du foyer", tandis que le Bouddha est appelé
"mère de tous les êtres vivants", sa tâche étant de faire"naître
à la vie spirituelle" tout être perdu dans le samsâra. Sous l'influence du
tantrisme, le vêtement monastique lui-même, de son côté, finira par être
compris, symboliquement, comme un véritable "placenta spirituel",
signe de cette seconde naissance que représente l'état monastique.
Le plus populaire des bodhisattva,
Avalokitesvara (plus connu en Chine sous le nom de Guanyin) symbolise la
compassion de tous les Bouddhas. A partir du XIe siècle, sous l'influence du
bouddhisme tantrique, il sera présenté en Chine sous des traits féminins. Cette
représentation "féminisée" est aujourd'hui très populaire dans tout
l'Extrême-Orient. Probablement influencés par les missionnaires chrétiens,
actifs dès le XVIe siècle, les sculpteurs et les peintres chinois n'hésiteront
pas à représenter Guanyin portant un nourrisson dans son giron, dans une
attitude qui rappelle les "Vierges à l'enfant" des églises
chrétiennes!
La création d'un
"ordre" féminin, les bhikkhuni
La communauté des
disciples du Bouddha est d'abord essentiellement masculine. Dès son premier
sermon, devant cinq ascètes qui avaient partagé un temps sa vie d'austérités,
le Bouddha fonde une communauté (sangha) de renonçants (bhikkhu), ignorant au
départ - sinon excluant - les femmes. Il faut attendre cinq ans, d'après la
tradition, pour que Prajâpati Gautami, sa mère nourricière, se fasse la
porte-parole des oubliées:
"Il serait bon, Seigneur, que les femmes
puissent être autorisées à renoncer à leur foyer et à entrer dans l'état sans
famille pour suivre la Doctrine et la Discipline enseignées par le Tathâgata
("l'Ainsi-venu", un titre du Bouddha). - C'est assez Gautami. Ne mets
pas dans ton cœur l'espoir que les femmes y soient jamais autorisées!"
Trois fois rebutée, Prajâpati s'en remet au
disciple préféré du Bouddha, son propre cousin germain, Ananda. Celui-ci
réitère la demande dans les mêmes termes et essuie à son tour deux refus. A sa
troisième tentative, il tourne la difficulté…
"Seigneur, est-ce que les femmes, une fois
entrées dans l'état sans famille, sont capables de réaliser les fruits de la
Voie et de parvenir à l'état d'arhat? - Oui, elles le peuvent. - Si les femmes
sont donc capables de réaliser la perfection et puisque Prajâpati vous a été
d'un grand secours (elle a été votre tante, votre nourrice, votre mère
adoptive; quand votre mère est morte, elle vous a même allaité), il serait bien
qu'elles puissent être autorisées à entrer dans l'état sans famille. - Ananda,
si Prajâpati accepte les Huit Grandes Conditions, considérons qu'il s'agit là
de son ordination!"
En faisant appel au caractère
"conventionnel" et non "essentiel" de la distinction des
sexes, Ananda ne faisait que rappeler au Bouddha son propre enseignement… Reste
que le sangha vit dans le monde et que le monde est soumis aux conventions! Les
bhikkhuni seront donc admises… mais si elles admettent "Huit Grandes
Conditions" (voir ci-dessous) qui les placeront, de fait, sous l'autorité
des bhikkhu!
La tradition n'oubliera jamais que, une fois
acceptée la création de la communauté des bhikkhuni, le Bouddha se serait
exclamé aussitôt après: "La Bonne Loi devait durer mille ans… Maintenant
que les femmes ont été admises dans le sangha, la Bonne Loi ne durera que cinq
cents ans!"
On a beaucoup glosé sur cette exclamation,
apparemment profondément sexiste, sans avoir jamais pu déterminer sa
signification exacte, tant elle paraît en désaccord avec l'enseignement.
Certains y ont vu un ajout tardif, représentatif du machisme ambiant chez les
bhikkhu; d'autres pourront y voir le fait que, les femmes représentant la
moitié de l'humanité, il est normal que le"temps d'usage" de la Bonne
Loi réduise ainsi de moitié…
Aujourd'hui encore les interprétations
divergent!
Extrait de l’article à lire en entier ICI : http://www.buddhistwomen.eu/FR/index.php/Textes/Feminin
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